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Décalages de sondages et réalité citoyenne

Publié le 01 mai 2012 par H16

Une petite remarque m’est venue à l’esprit concernant le décalage entre les sondages précédant le premier tour de la présidentielle, et la réalité des votes exprimés. Comme on s’en souvient, les sondages pour le premier tour indiquaient globalement un Front de Gauche nettement au dessus du score qui fut le sien, un Front National nettement au dessous, et un différentiel de voix important entre les sondages et ce qui fut observé pour le président sortant.

Rappelez-vous, nous avions ceci, fort bien résumé par le petit tableau ci-dessous :

Ecart des sondages du 1er tour
(cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Comme je l’ai dit, l’évidence est ici mise en chiffre : le Front National était bien sous-estimé (puisqu’il est finalement arrivé plus haut que la plus haute estimation) et le Front de Gauche était bien surestimé, se situant à 11.1 au lieu d’un minimum situé à 12 … De la même façon, l’écart constaté entre les deux principaux candidats a été notoirement plus faible dans la réalité que dans ce que voulaient bien refléter les sondages (1,4 points, là où l’écart moyen est 1,6).

Cette donnée, en elle-même, est intéressante pour deux raisons.

La première, c’est qu’elle montre que les « redressements » divers et variés que font subir les sondeurs aux enquêtes qu’ils effectuent introduisent un écart plus important que l’écart réel sur les candidats majeurs. On peut en déduire que le score de Hollande, annoncé de façon régulière comme au-dessus de 54%, pourrait bien en réalité se situer dans une fourchette plus modeste, lui donnant une victoire bien plus courte que celle qui lui semble acquise la fleur au fusil dans les sondages réalisés jusqu’à présent.

La seconde, plus gênante, c’est qu’elle semble montrer un biais, léger mais persistant et cohérent, des sondages vers la gauche du spectre politique. Le surpoids accordé à Mélenchon, Poutou et Arthaud (ici visible par l’écart entre la moyenne des sondages et le résultat constaté systématiquement négatif) décale légèrement l’opinion française vers la gauche. Si l’on tient compte du fait que ces sondages sont commandités par des organes de presse qui sont, eux aussi, largement favorables à la gauche, on explique facilement ce biais.

Le souci, c’est qu’une telle information constitue une observation, biaisée, de l’électorat qui en tient compte rétro-activement pour, en partie, formuler son choix. C’est du reste un problème inhérent à l’observation d’une masse d’individus qui se sait observée : il est très difficile de déterminer alors la part de comportement original des comportements calibrés pour répondre à l’attente des observateurs.

Dès lors, on peut se demander ce qui se serait passé si les sondages, n’ayant pas fait preuve de ce biais, avait mentionné un Front National notoirement plus élevé dans leurs estimations : une partie du corps électoral aurait-il modifié son vote pour tenir compte de cette montée plus forte que prévue, donnant plus de voix à Sarkozy ou Hollande ? Au contraire, sentant qu’un second tour incluant Marine Le Pen devenait possible, certains — qui ont porté leur vote pour un candidat plus à même de se retrouver au second tour — n’auraient-il pas voté pour elle ?

Et si la question peut se poser pour le premier tour, elle est encore plus prégnante pour le second : combien de personnes, persuadées d’une large victoire de Hollande, abandonneront toute velléité d’aller voter pour Sarkozy et s’abstiendront donc ?

Pour ma part et avant que certains trolls engagent la démultipliée du Procès d’Intention, je rappelle que je recommande la seule attitude raisonnable face aux brigands et aux escrocs qui se présentent qui consiste à les ignorer. Mais je note ici que ce biais des sondages, additionné du biais cette fois-ci carrément grossier des médias en faveur de Hollande participent évidemment à l’orientation et à la motivation des votants (ou à leur démotivation pour ce qui concerne le candidat Sarkozy). Et il est particulièrement amusant de constater que ceci se passe sans le moindre scrupule ou le moindre remords des organes de presse dont les membres se gargarisent, au choix, de leur objectivité ou de leur nécessaire combat contre une pensée unique dominante dont on cherche encore à savoir où diable elle s’exprime avant une telle force, puisque tout le monde la fustige et tout le monde la combat…

L'opinion publique : quand on est cool à ce point, on n'en a rien à carrer.

Comme je l’ai mentionné plus haut, les sondages étant commandités par des médias dont l’agenda politique est loin d’être toujours neutre, on ne pourra jamais être absolument certain de leur objectivité. Cependant, une vraie pluralité des médias permettrait de contrebalancer les biais observés en permettant d’avoir des sondages biaisés dans les deux sens ce qui ramènerait, en moyenne, à des sondages plus réalistes une fois agglomérés.

Et très clairement, cette pluralité des médias ne pourra jamais prendre place tant que l’État distribuera prébendes, privilèges et subventions aux journalistes et organes de presse qui sont censés, justement, se répartir le spectre politique, en allant de ceux qui réclament toujours plus d’État (que ce dernier n’aura jamais de mal à subventionner) à ceux qui en réclament toujours moins (et qui, de fait, ne recevront pas de subventions, soit qu’ils n’en veulent pas pour des raisons de cohérence, soit que l’État aura a cœur de ne pas se tirer une balle dans le pied).

En France, il faudra donc se résoudre à vivre avec des sondages biaisés et des médias partisans.



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