"On se cherche des retraites à la campagne. Et toi-même, tu as coutume de désirer ardemment ces lieux d'isolement. Mais tout cela est de la plus vulgaire opinion puisque tu peux, à l'heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle part en effet, l'homme ne trouve de plus tranquille et de plus calme retraite que dans son âme, surtout s'il possède, dans son for intérieur, ces notions sur lesquelles il suffit de se pencher pour acquérir aussitôt une quiétude absolue, et par quiétude, je n'entends rien autre qu'un ordre parfait. (...) Il reste donc à te souvenir de la retraite que tu peux trouver dans ce petit champ de ton âme. Et, avant tout, ne te tourmente pas, ne te raidis pas; mais soit libre et regarde les choses en être viril, en homme, en citoyen, en mortel. Au nombre des plus proches maximes sur lesquelles tu te pencheras, compte ces deux: l'une, que les choses n'atteignent point l'âme, mais qu'elles restent confinées au dehors, et que les troubles ne naissent que de la seule opinion qu'elle s'en fait. L'autre, que toutes ces choses que tu vois seront, dans la mesure où elles ne le sont point encore, transformées et ne seront plus. Et de combien de choses les transformations t'ont déjà eu pour témoin! Songes-y constamment: le monde est changement, la vie remplacement."
Marc-aurèle (121-180 ap JC), Pensées pour moi-même.