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Allen Ginsberg, deux poèmes

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

COUAC DE CADILLAC (CADILLAC SQUAWK)

Assis au douxième étage sur mon Gomden j’ai entendu une sirène hurler
dans le district des tailleurs
Entendu deux chiens s’engueuler dans Park Avenue
grondement dans mon crâne de la rame Bronx 242eLexington Avenue
piaillement des moineaux solitaires sur la vieille corniche 1860 vert-de-gris
Claquement de pas, tintement de monnaie sur le parquet ciré de la salle de méditation
bruits d’autos déferlant sur la rive de 85
la voix d’adolf Hitler dans le klaxon d’un taxi
couinement soprano métallique des freins d’un Chevrolet
souffle du métro montant vers la Terrasse Panoramique de l’Empire State
claquement des portes en fer des réfrigérateurs
craquement des os dans l’antichambre de mes genoux
J’ai entendu le long couac d’un klaxon de Cadillac sur les façades en brique
de la rue transversale
les ascenseurs vont et viennent dans un millier de gratte-ciel
roues dans les roues, acier et caoutchouc tournent dans les couloirs d’asphalte
les tuyaux d’échappement lâchent leur oxide de carbone dans Broadway
J’ai entendu le ciel se taire
Entendu une conversation dans les arbres du Bronx
Entendu l’Afrique soupirer
L’Asie s’est retournée dans son sommeil sur son bas-flanc
le sang a coulé sur des rochers en Amérique du Sud
J’ai entendu le thorax de l’Amérique Centrale craquer entre deux grilles de fer
le fracas de vaisselle du Moyen-Orient dans les décombres des bombes
Les danses polynésiennes avec les bactéries
Entendu le Japon mâchonner riz & cosses avec des baguettes
Entendu l’Australie taper sur ses bâtons en chantant dans le Désert de Simpson au bout du monde
New York, 16 juin 1985 – Traduit de l’américain par Yves le Pellec et Françoise Bourbon

*
*

HOWL

J’ai vu les grands esprits de ma génération
détruits par la folie, affamés hystériques nus
se traînant à l’aube dans les rues nègres
à la recherche d’une furieuse piqûre, initiés
à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste
ancienne avec la dynamo étoilée
dans la mécanique nocturne
qui pauvreté et haillons et oeil creux et défoncés
restèrent debout en fumant dans l’obscurité
surnaturelle des chambres bon marché
flottant par-dessus le sommet des villes
en contemplant du jazz, qui ont mis à nu
leurs cerveaux aux Cieux sous le Métro Aérien
et vu des anges d’Islam titubant illuminés
sur les toits des taudis, qui ont passé à travers
des universités avec des yeux radieux froids hallucinant
l’Arkansas et des tragédies à la Blake
parmi les érudits de la guerre,
qui ont été expulsés des académies pour folie
et pour publication d’odes obscènes
sur les fenêtres du crâne…



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