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Rencontre : Caroline Perrin exploratrice de matières d’exception

Publié le 02 avril 2012 par Propos Déco

Propos Deco
Je rencontre Caroline Perrin, co-fondatrice d’AC Matière dans son atelier, là où le 10e arrondissement finit sa route ; dans ce lieu sans fard ni paillettes, où elle me parle de ce métier, celui qu’elle s’est choisi il y a maintenant neuf ans. Après une carrière dans le secteur bancaire, après avoir couru les plus grandes places financières, elle bifurque et emprunte un chemin différent, celui de la création, car pour elle, le premier des critères annonçant le changement a été celui « de la liberté, de choisir un métier où mon quotidien serait fait de rencontres avec des architectes ». Ces personnes « créatives et rationnelles », qui « mettent en valeur des volumes, pensent la lumière ». Elle se reconnaît dans cette recherche, alors elle n’hésite pas une seconde et, avec la complicité d’Anastasia Piatakhina, AC Matière voit le jour en 2003.
Depuis, AC Matière est l’un de ces précieux ateliers qui créent certaines des matières les plus exceptionnelles et qui ont pour clients les exigeantes maisons de luxe : Vuitton, Cartier, Guerlain, Christofle…

« Chaque jour, j’essaie de retrouver cette vibration, laisser vivre la matière… Manier le défaut, cette précieuse imperfection artistique »

Quand on pense belle matière et luxe, assez naturellement nous viennent à l’esprit l’or, la laque ou encore l’ébène. En effet, une belle matière se définit par ses qualités esthétiques évidentes « le galuchat par exemple est une peau avec un grain très rond et symétrique. Lorsqu’elle est travaillée et polie, la peau s’éclaire de l’intérieur comme des milliers de perles, le reflet du galuchat est particulier et sa texture devient brillante. » Dans ce cas, il s’agit bien sûr de qualités intrinsèques à la matière, mais il y a aussi ses qualités plus « intellectuelles », fruits de son histoire par exemple. Ainsi, « au départ, venue d’Asie, la peau de raie ou de requin a été travaillée en France pour la première fois par Jean-Claude Galluchat au XVIIIe siècle. Il façonnait des objets délicats et précieux dont Madame de Pompadour raffolait ! Toute cette dimension historique et cette maîtrise difficile de la tannerie amènent une fascination pour la matière. Ce n’est pas seulement de la peau de poisson, c’est un voyage en soi, une part d’exotisme et de rêve ».

Mais pour Caroline, l’essence du luxe ne réside pas seulement dans le matériau. Tout se joue dans « la rencontre entre la main de l’artisan qui façonne la matière et la vision d’un architecte ou d’un designer ». L’alchimie réside dans cette rencontre, comment l’artisan participera à l’idée, guidant sa main, parcourant la matière, expérimentant, cherchant jusqu’au moment où la matière elle-même sera sublimée. Elle est alors riche de cette « imperfection artistique », résultat d’un dialogue fécond, à l’opposé d’un travail lisse et usiné.

Caroline pose un regard personnel sur les métiers d’art, loin des ateliers gardant jalousement leurs secrets de fabrication, loin des redites stylistiques. Elle évoque « l’exigence de grandes maisons et d’architectes talentueux comme Peter Marino, qui ont formé mon regard au fil des années et incitent AC Matière a être toujours plus audacieux dans ses propositions ». La recherche est au cœur du travail d’un artisan contemporain. Il faut « vivre avec son temps, aller de l’avant et inlassablement être à l’affût de nouvelles techniques de mise en œuvre, tester de nouveaux outils et de nouveaux produits qui remettent en cause ce qui est établi » poursuit-elle. Indéniablement, c’est cette instabilité qui engendre de nouvelles matières et permettent à cet atelier d’être à l’avant-garde, loin des tendances du moment et plus proche de l’exception.

Dans son livre Matières d’exception, Breathtaking materials & their creators, fruit d’un travail mené en collaboration avec les Éditions Vial, Caroline propose une source inédite d’inspiration basée sur l’exceptionnelle connaissance et le savoir-faire qu’ont les artistes, les artisans et les créateurs de leurs matériaux. Ce livre nous invite a cette rencontre et nous plonge dans un monde encore assez secret. Au travers de ce livre, elle désire « mettre des mots sur des pratiques artistiques peu connues », afin de valoriser et « de montrer les artisans contemporains, leur talent et leur dynamisme ».

Définitivement, Caroline est sur la voie de la création et de l’exigence où chaque nouveau projet met en œuvre les sens et l’intelligence.

Ainsi donc, nous faisons tous l’expérience quotidienne des matières et cela depuis tout petit. Par exemple, en ce qui me concerne j’ai le souvenir très vif du premier jour où vers trois ans, j’ai saisi du gravier : c’était dur, froid et visiblement pas comestible ! On a tous, pour des raisons diverses, le souvenir d’un parquet qui craque, de draps doux comme une caresse, d’une lumière à travers la fenêtre… comme le dit si bien Peter Zumthor « les matériaux de l’architecte, nos matériaux, nous les connaissons tous. Et nous ne les connaissons pourtant pas. Pour concevoir un projet, pour inventer des architectures, nous devons apprendre à en faire un usage conscient : c’est un travail de recherche, un travail de mémoire ». (extrait de Penser l’architecture)

Créations, photographies ©AC Matière, tous droits réservés

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(Texte : ©Propos Déco / crédits photos : ©AC Matières, tous droits réservés)

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