Les Français ont tranché et ont voulu croire aux lendemains qui chantent. En tous cas, la chanson a commencé avec une voix plutôt éraillée, tant les efforts de cette longue campagne ont marqué la voix de notre nouveau président. Espérons qu'il saura retrouver sa voix pour imposer ses vues à nos partenaires Européens et pour maitriser les marchés. Car au landerneau des grands sentiments s'invite dès aujourd'hui la réalité économique. Sarkozy c'est fini, le changement c'est maintenant.
31 ans après la victoire de François Mitterrand, cette victoire est une preuve de plus que les Français sont très attachés aux landais, même si ceux de Tulle ne sont pas ceux de Latché.
Quels enseignements peut-on tirer de cette soirée électorale.
Sur la forme d'abord: Il y a quelques annéees en arrière, les télés privilégiaient lors des soirées électorales, les interventions des hommes politiques qui venaient nous expliquer, d'un coté, qu'ils avaient gagné, et de l'autre, qu'ils n'avaient pas perdu. Hier soir, que nenni, la priorité fut donnée au ballet irréel, et sans interet, de cette cohorte de motards qui suivait la voiture présidentielle, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité. Quel bel exemple ont donné là nos journalistes donneurs de leçons moralisatrices! On aurait dit Lady Diana coursée par les paparazzis. Un signe de plus de l'abaissement de l'information qui privilégie le spectaculaire sur le fond.
D'autre part, la loi inappropriée sur l'obligation faite aux télés de ne pas divulguer les résultats nous a imposé une longue litanie hypocrite des commentateurs qui consistait à ne rien nous dire tout en nous montrant tout: une Bastille prise d'assaut face à une Concorde désertée. En France, le ridicule ne tue pas! et on a vraiment tendance à nous prendre pour des gogos....
Quant au fond: Dès 20:20, une intervention très digne du Président défait qui assume l'entière responsabilité de la défaite. Un moment émouvant qui en dit plus sur l'homme en quelques minutes que tous les commentaires journalistiques qu'on a pu faire sur lui depuis 5 ans. Il sera reconnu par l'Histoire pour avoir tenté de réformer la France face aux conservatismes de gauche, ancrés dans leurs certitudes et leur attachement aux avantages acquis. Mr Sarkozy, une nouvelle vie vous attend, mais votre sens de l'engagement me laisse croire que l'on vous reverra car vous n'êtes pas homme à rester inactif. Puis-je alors vous suggérer de vous occuper désormais de l'Europe: un terrain de jeux plus approprié à la hauteur de votre talent que ne l'est ce vieux pays conservateur qu'est la France. Si un jour, l'Europe devait se doter d'un président, vous seriez incontestatblement la personne idoine pour assumer cette responsabilité et mener notre continent vers une grande destinée.
Car hier soir, la France a perdu un président moderne, actif et soucieux de l'amener au XXIème Siècle, en abordant les problèmes frontalement, pour se réfugier dans les bras d'un président issu, non pas de la VIème République comme le souhaitait Arnaud Montebourg, mais bien plutôt de la IVème République, rond, esquiveur des problèmes et soucieux de réaliser le consensus, même si celui-ci se révèle mou. Cette attitude permettra t-elle de nous sortir des maux qui traversent en profondeur le pays, j'en doute, mais à voir l'ivresse de la Bastille hier soir, la gauche semble le croire.
Ce que je crois moi, c'est qu'à force de ne pas résoudre les problèmes, on favorise la montée des extrèmes, et j'ai bien peur que ce soit, à l'instar de ce qui s'est passé hier en Grèce, ce qui nous attend, si le nouveau président ne prend pas à bras le corps les problèmes qui se posent à notre pays.
Il part, grace au ciel, avec plusieurs avantages:
Homme de gauche, il peut s'attendre à bénéficier d'une complicité plus grande des corps intermédiaires marqués idéologiquement que sont les syndicats, la justice et les médias; c'est un gros atout, il devra s'en servir habilement. En cela je lui fais une certaine confiance, tant je pense que François Hollande a un sens politique aussi acéré que ne l'avait le fantôme qui l'habite, François Mitterrrand. A une différence près, François Hollande est un homme honnête et éminemment plus respectable que l'ancien président; je ne crois pas qu'on puisse un jour le traiter de Machiavel ou de Florentin comme on put le faire avec son prédecesseur soi-disant socialiste. Je suis persuadé qu'il s'efforcera de faire passer les interets de son pays avant tout. Mais dispose t-il pour cela du bon logiciel? c'est bien là ma plus grande interrogation.
François Hollande a gagné car il a su donner un espoir à la jeunesse, et je suis persuadé que c'est ce message là qui l'a fait gagner. Mes lecteurs savent à quel point je crains l'insurrection générationnelle, car, pour avoir voyagé dans le monde, je mesure à quel point notre jeunesse française se prépare, bien malgré elle, un avenir difficile. Car enfin, il faut regarder les choses en face, la génération de soixante-huitards qui a pris le pouvoir en mai 68, en renversant la table ne l'a depuis jamais laché, tout en refusant de se voir vieillir. Cela avait commencé par un premier signe, avec l'émergence des yéyés, au début des années 60, qui voyaient pour la première fois dans l'histoire d'une société, des jeunes être beaucoup plus riches que leurs parents. Cela s'est poursuivi par la prise du pouvoir médiatique, philosophique et enfin économique de cette génération qui a tout croqué , s'ennivrant dans la jouissance que confère le pouvoir, en s'accaparant tous les leviers du pouvoir, refusant d'en céder un pouce, et dont les plus grands symboles sont Michel DRUCKER, Jean-Pierre ELKABACH, Patrick POIVRE d'ARVOR, Serge JULY ou Johnny HALLIDAY, parmi tant d'autres..... Le monde a changé, il est temps de faire un grand nettoyage: PLACE AUX JEUNES!...
François Hollande, qui a beaucoup réfléchi avant de se lancer dans course à l'Elysée, a saisi cette désespérance de la jeunesse qui sent bien que son avenir ne sera pas aussi rose que celui qui s'ouvrait devant ses parents il y a 50 ans; et le pire c'est que nourris dans le déni de l'effort, ils se demandent au fond d'eux mêmes comment il va falloir s'y prendre pour faire tomber le mur de l'argent et du pouvoir qu'ont dressé devant eux leurs ainés. François Hollande leur a tendu la main, ils l'ont saisie; pour une partie d'entre eux. Car une grande partie a exprimé son rejet profond de cette société figée, en donnant son âme à Marine Le Pen, qui, elle, leur propose le grand chambardement; ce n'est pas anodin d'ailleurs qu'à 44 ans, ce soit, et de loin, la plus jeune des candidates.
Voila le plus grand défi de notre pays! Donner une place à sa jeunesse, mais sans l'amadouer par des discours lénifiants, non, en lui proposant de retrousser ses manches et de prendre toute sa place dans le redressement du pays pour en garantir le rayonnement économique, sportif ou culturel dans le monde. Si François Hollande réussit ce challenge, il aura bien mérité de la patrie. Mais pour cela, il lui faudra réinventer la gauche, avec des hommes neufs, comme Manuel Valls, face aux éléphants du Parti Socialiste. Il lui faudra, comme l'a fait magnifiquement Michel Onfray, réhabiliter et promouvoir les valeurs d'Albert Camus, l'homme de gauche libertaire, et ranger au placard celles de Jean-Paul Sartre, le fossoyeur des vertus humanistes et d'espoir de la gauche.