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Crise sociale: L'Histoire en quatre films

Par Espritvagabond

Pour ceux que l'Histoire (qui se répète souvent) intéresse, je vous invite à visionner 4 films, dont trois sont des classiques du cinéma québécois. Chacun à leur façon vient éclairer la crise sociale qui secoue notre Québec sans gouvernance. Car ces films, malgré que la plupart datent de plusieurs années (voir décennies), ils sont encore brûlant d'actualité. Leur visionnement (ou un second visionnement si vous les aviez vu il y a un certain temps) jette une lumière fort intéressante sur la crise actuelle et sa (non) gestion par le gouvernement.
Crise sociale: L'Histoire en quatre filmsSujet: Étudiants désirant rencontrer le gouvernement pour parler de frais de scolarité et d'accès à l'éducation.
Film: L'histoire des trois (1990), un documentaire de Jean-Claude Labrecque. En 1958, trois étudiants quittent Montréal en train vers Québec où ils désirent rencontrer le Premier Ministre Maurice Duplessis, pour lui demander de s'asseoir officiellement avec des leaders étudiants et ouvrir le débat sur l'accès aux universités, leur coût pour les étudiants et le financement des établissements. Ils sont accompagnés par un journaliste du Devoir, qui appuie le mouvement étudiant. Duplessis rejette la demande du haut de son mépris. "Les trois" demeurent à Québec et sollicitent à chaque jour une rencontre. Leur mouvement dure trois mois. Ils ne rencontreront jamais le Premier Ministre. En 1990, le documentariste Jean-Claude Labrecque les regroupent et ils reprennent le train pour Québec en se remémorant les événements de 1958. Ce film offre un regard sur le mouvement étudiant absolument fascinant! C'est incroyable comment ce documentaire aurait pu être tourné en 2012 (ainsi que les images d'archives et les titres des journaux de l'époque) tellement les parallèles entre leur situation et celle des trois leaders étudiants d'aujourd'hui sont nombreux. Il n'y aurait qu'à changer quelques noms, mais tout y est: Premier Ministre entêté (et blagueur), mainmise des grandes entreprises sur le parti au pouvoir, patronage, corruption et scandales sur les ressources naturelles, paternalisme face à ces "jeunes", offre de sortie de crise bâclée vers la fin, menace de perte de session d'études, etc. Une belle leçon sur les choses que l'on croit acquises, sur la nécessité des mouvements sociaux, sur le prix à payer pour revendiquer, sur les réflexions engendrées dans la population et sur les résultats obtenus sur le long terme. (***)
Crise sociale: L'Histoire en quatre filmsSujet: Le ton bon enfant et paternaliste des gouvernants du Québec en compagnie d'un parterre de gens d'affaire détenant le pouvoir.
Film: Le temps des bouffons (1985/1993), un court métrage de Pierre Falardeau, qui en assure également la narration (*). Ce pamphlet politique acide et cinglant montre une soirée d'anniversaire du sélect Beaver Club de Montréal, réunissant la crème du monde des affaires de l'époque, ainsi que des têtes dirigeantes et/ou d'ex-dirigeants (ministres, sénateurs, gouverneur général, etc). La ressemblance avec le salon du Plan Nord et le discours blagueur/méprisant de Jean Charest est absolument saisissante. La dénonciation de la mainmise de cette bourgeoisie économique et de celle, politique, à son service, n'a pas pris une ride. Attention aux oreilles sensibles; la narration de Falardeau est représentative de son ton habituel; provocateur, direct et souvent très vulgaire (parfois inutilement trop vulgaire, mais c'est Falardeau, que voulez-vous). Son message demeure toutefois parfaitement juste et toujours d'actualité.(**)
Crise sociale: L'Histoire en quatre filmsSujet: Abus de pouvoir, arrestations arbitraires et violence policière.
Film: Les Ordres (1974), de Michel Brault, avec Jean Lapointe et Hélène Loiselle. Dans la foulée de la Crise d'Octobre, la Loi des mesures de guerre est déclarée et donne à la police toute latitude pour arrêter n'importe quel citoyen sans mandat. Plusieurs arrestations d'opposants aux instances gouvernantes ont lieu. La violence à laquelle ces citoyens sont soumis par les policiers, puis par les gardiens de prison, est parfois dure à supporter. Ils sont libérés après 6 à 21 jours de détention (sans information ni accusation formelle), détention accompagnée d'un traitement qui peut être caractérisé d'inhumain à plusieurs égards. Ils n'ont jamais été accusé; les autorités évoquant des "erreurs de procédure". L'ensemble du film brosse un portrait tragique d'une page très noire de l'histoire du Québec et qui fait comprendre que ce que l'on prends souvent pour acquis (comme le droit d'expression) est encore fragile, même chez nous. Certains parallèles avec la situation actuelle sont inévitables. (**)
Crise sociale: L'Histoire en quatre filmsSujet: La mauvaise foi en négociation et la rédaction d'entente de principe.
Film: "La Stratégie du Choc" (The Shock Doctrine, 2009), documentaire tiré de l'essai du même titre de Naomi Klein. (Je vous en avais parlé dans ce billet en novembre dernier). Ce film démontre avec brio la mécanique derrière la stratégie des gouvernants néo-libéraux pour que le peuple accepte son idéologie et ses politiques. Le concept développé par Klein est idéal pour saisir comment le gouvernement Libéral a utilisé la privation de sommeil, le refus de faire des pauses, le climat d'urgence et l'ampleur du choc causé par la crise sociale qu'a exacerbé le conflit étudiant à son avantage lors des négociations de la "sortie de crise" de la fin de semaine dernière.(**)
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(*) Merci à Daniel Sernine et Gabriel TD pour le signalement très pertinent sur ce film.
(**): Disponible en DVD.
(***): Disponible sur le site web de l'ONF.


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