Hawker Beechcraft dépose le bilan.
L’aviation privée et d’affaires américaine, frappée de plein fouet par une crise prolongée, elle-même liée à de fortes turbulences conjoncturelles, continue une véritable descente aux enfers. Les plans sociaux se succèdent et même les ténors, Cessna en tête, tremblent sur leurs bases. C’est à présent Hawker Beechcraft qui dépose les armes en demandant à être protégée de ses créditeurs grâce au Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Un Chapitre 11 tristement célèbre, assimilable à la notion de dépôt de bilan.
La société, dont le siège social est à New York mais l’essentiel des installations industrielles à Wichita, dans le Kansas, a fortement réduit la voilure, supprimé 3.000 emplois environ mais n’en arrive pas pour autant à boucler ses fins de mois. D’où sa décision de s’en remettre à un tribunal de commerce et, grâce au moratoire ainsi obtenu, à mettre sur pied un plan de redressement, dont la préparation était entamée depuis plusieurs semaines. Il s’agit donc d’un Chapitre 11 volontaire qui laisse supposer que l’entreprise arrivera à sortir de l’ornière malgré un passif de deux milliards et demi de dollars.
Vue d’Europe, Hawker Beechcraft souffre d’une image un peu floue. Sa création, en 1994, sous l’appellation Raytheon Aircraft, était née d’une fusion transatlantique. Ou plus exactement du rachat par Raytheon de deux entreprises a priori complémentaires, Beech (valeur sûre historique de l’aviation «générale» américaine) et de l’unité jets d’affaires de BAC, British Aircraft Corporation. Laquelle, avant les grandes restructurations survenues jadis au Royaume-Uni, faisait partie du canal historique que symbolisait de Havilland. Le petit biréacteur DH-125, devenu un moment HS-125 quand il était passé dans le giron de Hawker Siddeley Aviation, bénéficiait d’une bonne image, un peu bousculée quand il était devenu le Beechcraft 4000, sous l’ombrelle Raytheon.
Beech, pour sa part, était affaiblie, sans doute par manque d’audace et en raison d’une gamme vieillie. Ainsi, le quadriplace Bonanza, produit à plus de 12.000 exemplaires, a été mis sur le marché …en 1945. Certes, il a évolué au fil des temps, mais sans doute pas assez. Tout comme le bimoteur de voyage Baron qui a récemment fêté ses 50 ans ou encore le robuste King Air apparu en 1963. Reste le fait que l’examen des difficultés de Hawker Beechcraft confirme surtout les profondes difficultés de l’ensemble de l’aviation privée et d’affaires américaine. En 1978, année d’un pic industriel mémorable, 17.800 appareils avaient été livrés, à comparer à seulement 1.865 l’année dernière.
Les jets d’affaires, durement touchés par la récession depuis 2008, ont connu les pires déboires commerciaux, les annulations étant, par moments, plus nombreuses que les commandes nouvelles. Dassault Aviation, seul avionneur européen présent sur ce marché difficile, n’a pas échappé à ce marasme, ne vendant que neuf Falcon en 2010. L’année dernière, le constructeur français a relevé la tête, plaçant 36 avions.
Le parc mondial d’avions privés et d’affaires est estimé à 320.000 avions, dont 223.000 environ aux Etats-Unis. Ils accumulent chaque année 25 millions d’heures de vol, dont les deux tiers liés à des activités professionnelles. Les appareils exclusivement dédiés aux affaires sont au nombre de 70.000, toutes catégories confondues. On y trouve par exemple des Daher Socata TBM 850 monoturbopropulseurs, souvent pilotés par leur propriétaire, et, à l’autre bout de l’échelle, des Airbus Corporate Jet, d’imposants Boeing 747 et même, semble-t-il, un Airbus A380.
Chez Dassault, dont les dirigeants affichent une grande confiance dans l’avenir, la reprise est devenue une réalité. Moins bien armé, très diversifié, Hawker Beechcraft, tout au contraire, entreprend de lutter pour sa survie.
Pierre Sparaco - AeroMorning