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Bayrou, le courage

Publié le 05 mai 2012 par Triton95

Je crois que c’est la première fois qu’un dirigeant de droite appelle à voter pour l’autre bord. Bien sur, Chirac en 1981, dans une contorsion théâtrale avait fait comprendre à ses électeurs qu’ils souhaitaient reporter ses voix sur Mitterrand, mais là l’intervention est personnelle et à haut risque pour le président du MODEM.

Il a bien saisi le malaise de la droite modérée, qui ne s’exprime guère, et contribue ainsi à mettre fin à l’expérience Sarkozy. Il laisse le président s’enfoncer seul dans l’abîme, dans une logique qui le conduit à glisser au-delà du front national, moins ploutocrate que lui. Bayrou ne peut suivre un politique qui est en train d’attiser toutes les haines, dénonce les communautarismes, pour mieux les réveiller, en promettant aux uns, et en jetant l’anathème sur les autres. Il vient un moment où même la droite peut y perdre son âme, en divisant pour ne pas régner.

Bayrou s’est attaqué courageusement à certaines mesures scandaleuses mais non dénoncées dans un premier temps, comme l’affaire Tapie, dans laquelle son parti n’était pas mouillé. Il semble que ce soit du courage parce qu’il n’est pas évident qu’il tire un bénéfice politique de son choix, à moins qu’il parvienne à recomposer un nouveau centre droit autour de lui, et que le sarkozysme disparaisse dans les poubelles de l’histoire, comme une parenthèse désenchantée.

C’est une vraie position politique “morale” parce qu’elle échappe à la politique et ses arrangements habituels. Le sarkozysme est allé trop loin dans ses excès, à un point tel qu’il ne parvient plus à faire valoir les points positifs de son action. Je dirais que la moitié de mes amis ont eu de l’admiration pour Sarkozy et sa “dream team”, sa volonté de réforme après un certain immobilisme chiraquien. Mais le malaise a été immédiat, dès la soirée au Fouquet. Il a été l’élu des beaux-quartiers, la marionnette de milieux financiers que l’on nous promettait depuis longtemps, en réaction à un Chirac jugé trop peu fiable.

Le MODEM est un parti que l’on pourrait qualifier de notables, on le constate en observant ses scores, plus fort dans les villes aisées de la région parisienne. Pourtant, on peut être un notable et souffrir des entorses au droit et à la probité qui minent d’ailleurs la position que l’on occupe. Les vieilles familles avaient horreur du bling-bling et de l’étalement naïf des richesses, réservées justement aux nouveaux riches, et qui les rendaient peu assimilables.

C’est un évènement important que cette prise de position de Bayrou, c’est l’éclatement de la droite, entre ceux qui dirons “nous au front national” et une tradition plus modérée, plus notable justement.

Le front national continue Sarkozy, tout en lui étant opposé, en le renvoyant à l’”établissement”. Il ne pouvait séduire deux lièvres à la fois. Le centre droit a choisi son côté de la fracture, il se serait dénaturé en votant Sarkozy, surtout après l’affaire Tapie, révélatrice d’un climat et d’un appui non dissimulé à des milieux financiers, dont l’homme d’affaires est soit le représentant, soit le scribe.



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