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La dialectique droite-gauche à l'heure de la quarantaine

Par Victor Vieilfault @Vic_Vieilfault

couple-separe-3972195jijam_2041.jpgEncore voilées par les larmes et les sourires de citoyens passionnés, les profondeurs du pays laissent s'échapper une plainte parfumée d’un murmure : « aimez-moi ». Comme lors de chaque campagne présidentielle, la patrie a quitté sa pudeur habituelle pour livrer son corps au diagnostic de ses membres. En ouvrant le débat sur son avenir, la France a ouvert ses entrailles. C'est la destinée d'une nation que de mêler harmonieusement le mystère de sa vocation au choix libre de ses bâtisseurs.

Les français font la France. Mais la France fait aussi les français. Alors il serait bon de ne pas simplement s'écouter, mais également de tendre l'oreille pour entendre gémir les tissus de l'hexagone. Les fibres historiques, culturelles, géographiques et religieuses qui bercent chacun des habitants de la patrie, les citoyens comme les étrangers.

Parfois des fils craquent, et des hommes tombent dans l'abîme de la désespérance;

Parfois des fils sont rafistolés, et des hommes retrouvent la grandeur de l'espérance;

Souvent des fils sont changés, et des hommes adaptent leur façon de vivre au quotidien;

Toujours les fils de la fraternité feront tout pour soutenir la vie. 

Mais chercherons-nous, nous générations du nouveau millénaire, à transformer l'essai de l'épopée française en une aventure exaltante quêtant les racines de l'amour? Cherchons-nous, dès aujourd’hui, à tramer dans l'étoffe de nos actions une toile tendue vers le rêve du compromis tricolore?

Car c’est une évidence, seul un trampoline pourra permettre au ciel d'inscrire sur le front de chacun : « liberté, égalité, fraternité ».

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Cette séquence politique a eu le mérite de révéler, à travers les crises multiformes touchant notre société, que la dialectique gauche-droite n’est pas encore sortie de la crise de la quarantaine. Cette crise profonde de la transition entre la folie des jeunes années et l’expérience des années d’après. Cette crise profonde entre le siècle des idéologies et le siècle de la vitesse et de l’audace. Au cœur de ce combat, la gauche et la droite s’observent, s’affrontent parfois, s’évitent souvent, se méfient toujours.

Pour la gauche, depuis plusieurs décennies, il s’agit de manier le vocabulaire et la sémantique avec une délicatesse qui confine parfois aux limites du ridicule. Un rejet de la chair, celle de la langue bien sûr, une défloraison de la finesse française, un brin nostalgique des descriptions balzaciennes précises et percutantes. On n’appelle plus un « chat » un « chat » au risque de ne pas être compris. La gauche et une partie de ceux qui se baptisent « humains » (sic) ont ainsi décidé de confisquer des éléments de langage à la matrice de la pensée politique. Effectivement, je suis certainement naïf :  il  est peut être plus simple de nier les maux en effaçant leurs dénotations du dictionnaire commun ; il est peut être plus simple de faire rêver l’électeur en évitant le mot qui pourrait siffler dans l’oreille du citoyen telle une balle traçante.

La nature ayant horreur du vide, une quarantaine s’est mise en place. C’est le Front National. Jean-Marie Le Pen n’omettant pas de mêler à cette liste noire, ses jeux de mots douteux. Le travail de sape s’est ainsi achevé en beauté et des concepts pourtant universels sont aujourd’hui dévalorisés voire stigmatisés : la frontière, le travail, les racines, la famille, la nation, l'autorité, le mérite.

Pour se réconcilier avec son électorat désorienté Nicolas Sarkozy a choisi, avec un certain brio, de mettre les pieds dans le plat et de reparler, pendant cette campagne, à la France profonde. Cette fameuse « majorité silencieuse » qui, malgré l’usage du « logiciel antivirus à la française », n’a pas oublié les mots qui habillent et décrivent chaque soir ses labeurs journaliers.

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Messieurs les apôtres de la pensée aseptisée, vos efforts sont vains : on ne peut rien contre les larmes et les sourires. Boucliers de l’âme pour les premières, lances de l’espérance pour les secondes, elles sont les attributs irrésistibles de la résistance personnelle aux temporalités closes de l’idéologie. En réintégrant les valeurs de l’ordre, du mérite et de l’autorité dans le débat public, l’ex Président de la République a posé les jalons d’une nouvelle ère politique pour notre pays. Et pour cela, il doit être salué et remercié. Il devenait irrespirable pour les compatriotes de se priver publiquement de la dialectique habituelle de la France des bistrots ; celle qui n’a pas peur de la joute de comptoir de bon sens car elle connaît les ressources infinies de la fraternité mais aussi de l’humour et de la prise de recul.

La dialectique droite-gauche devrait cesser de s’organiser amèrement autour de la perception du réel et se bâtir autour de la tension liberté-égalité qui est, celle-là, fondatrice et riche pour toute la société. 

A mon humble avis, la gauche française – suivie par une bonne partie de la droite – s’est lourdement trompée en plaçant la « tolérance » au-dessus de la « charité ». Car la tolérance mène au relativisme et à la platitude du discours politique, alors que la charité conduit à l’émulation de la dialectique des idées. En effet, ce n’est pas moi qui le dit mais un grand homme spirituel du XXème siècle, Pierre Goursat : « Dans la charité, la concurrence disparaît et devient émulation et encouragement dans la fraternité. »

Alors, afin de ne pas tomber dans l’idéologie et peut être une certaine forme d’« hérésie chrétienne », les hommes publics seraient bien inspirés, à mon sens, de méditer le geste du bon St Martin de Touraine à l’encontre du fameux mendiant. En effet, en partageant son manteau, l’apôtre des Gaules a fait montre non seulement d’amour mais également de responsabilité. Il a donné la partie qui lui appartenait en prenant bien garde de conserver celle qui revenait à l’empire. Savoureux mélange de liberté et d'égalité au profit de la troisième valeur tricolore.

La charité est affaire de liberté individuelle. Elle ne s'organise pas, ne s'impose pas. Le monde politique doit prendre de la hauteur : prémunir chaque citoyen et chaque étranger des grands malheurs publics pour laisser à tous le bonheur de trouver son chemin.

L’heure n’est en tout cas plus aux leçons de morale. Il s'agirait de grandir.

Le XXIème siècle, c’est maintenant !


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