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Lettre ouverte au nouveau Président de la République

Publié le 11 mai 2012 par Albert @albertRicchi
Lettre ouverte au nouveau Président de la RépubliqueDégager Nicolas Sarkozy, le peuple français vient d’y parvenir. On ne peut que se réjouir de ce choix souverain tant la souffrance des citoyens, en particulier des salariés et de leurs familles, a été forte au cours de ce règne monarchique.
Mais une nouvelle bataille complexe s’ouvre maintenant sur les conditions nécessaires d’une vraie transformation sociale et politique sans laquelle tout enthousiasme finit dans la déception, voire la fatalité…
Monsieur François HollandePrésident de la RépubliquePalais de l’Elysée55, rue du faubourg Saint-Honoré75008 PARIS
Avignon le 10 mai 2012, 
Monsieur le Président de la République,
La situation économique et financière de notre pays semble s’améliorer depuis la tempête du mois de décembre dernier. Mais, cette accalmie n’est que temporaire et conjoncturelle. La crise de l’Euro est loin d’être finie et de graves problèmes économiques sont prévisibles dans les prochains mois.
Les taux d’intérêts se tendent à nouveau sur l’Espagne et l’Italie. La Grèce est au bord du gouffre et le Portugal est dans une situation critique. Quant à la France, elle a retrouvé l’écart de taux avec l’Allemagne qu’elle avait avant même la création de l’Euro.
Les politiques d’austérité mises en œuvre par l’UE, en raison notamment de leur cumul, sont financièrement contre-productives et économiquement désastreuses. Elles nous conduisent tout droit à la catastrophe. Depuis l’épisode de la déflation allemande du Chancelier Brüning (1930-1932), nous savons que l’austérité permanente engendre de tragiques conséquences politiques dont nous avons pu voir déjà quelques effets dans le score record du Front National lors du premier tour de l’élection présidentielle en France ou encore dans le résultat des dernières élections législatives en Grèce qui ont laminé la droite et les sociaux-démocrates grecs.
Les perspectives de croissance pour notre pays ont déjà été réduites. Elles devraient l’être encore dans les mois à venir si rien n’est fait pour rompre avec la situation actuelle. La baisse de l’activité engendre une baisse importante des ressources fiscales et vous risquez fort d’être dans l’obligation d’ajouter de l’austérité à l’austérité, comme le propose d’ailleurs M. Cahuzac, président socialiste de la commission des finances de l’Assemblée Nationale.
Devant le risque que le pays plonge dans une récession de plus en plus profonde, vous proposez une renégociation du « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire » adopté lors du Conseil Européen du 30 janvier pour le compléter par des mesures en faveur de la croissance. Mais au Parlement européen, le groupe socialiste a rédigé une résolution commune avec la droite (le Parti populaire européen de Merkel et Sarkozy), les libéraux (dont le Modem de Bayrou) et les Verts de Cohn-Bendit.
Que dit cette résolution adoptée le 2 février dernier sous la référence P7_TA-PROV(2012)0023) ? Elle indique que les quatre groupes parlementaires, constituant la majorité du Parlement, « prennent acte de ce traité ». Et qu’ils estiment « que, pour plusieurs points, le texte final représente une amélioration par rapport au texte initial et qu’un certain nombre des modifications proposées par le Parlement ont été reprises dans celui-ci. » En clair, cela signifie que ces quatre groupes politiques, avec quelques restrictions sans doute, acceptent la logique de ce traité.
Si plusieurs députés européens socialistes français se sont abstenus (dont Vincent Peillon qui avait voté contre, mais qui a fait corriger son vote en abstention…), nombre de vos conseillers politiques indiquent aujourd’hui qu’un simple protocole additionnel suffirait à rendre acceptable un traité qui dépouille les Français d’une part de leur souveraineté et qui les condamne à une politique de misère.
En tant que nouveau président de la République, vous représentez un certain espoir pour de très nombreux Français qui font partie de votre électorat naturel et qui attendent des choix clairs et fermes face à une Europe ultra-libérale en crise.
Et comme vous le savez, les relations entre les États de l’Union européenne, et de la zone Euro, sont régies par les rapports de force. Si vous voulez imposer dans ce traité des clauses qui soient réellement efficaces et non de pure forme, il faudra les imposer aux gouvernants de plusieurs pays, dont l’Allemagne.
Ainsi, on pourrait penser à l’émission d’un grand emprunt de plusieurs centaines de milliards d’euros – gagé sur l’argent mis en réserve dans le MES - pour relancer la croissance dans les pays qui sont aujourd’hui étranglés par une rigueur assassine (la Grèce, le Portugal et l’Espagne).
De même, un programme de grands travaux d’infrastructures, destiné à financer la transition vers une économie respectueuse de l’environnement, réconciliée avec la diversité humaine et naturelle, s’impose. Ces mesures pourraient faire en sorte que la zone Euro - dont la croissance a été particulièrement faible depuis dix ans – retrouve rapidement le chemin de la prospérité.
Enfin, une réflexion sérieuse doit s’engager sur la politique monétaire fortement restrictive mise en place par les banques privées qui prêtent aux états à des taux exorbitants des crédits qu’elles ont obtenu initialement auprès de la Banque centrale européenne à un taux dérisoire. Les conséquences sont extrêmement néfastes sur l’activité économique des pays européens emprunteurs.
Car s'il convient d’éviter les gaspillages, il ne faudrait pas oublier d'où vient principalement la dette. Elle est surtout le fruit d'un racket sur l'argent public organisé notamment en France depuis 1973 par nos dirigeants successifs en complicité ou au service des banques. Depuis cette année là, nous sommes forcés d’emprunter aux banques privés à des taux d'intérêts élevés alors que jusqu'ici nous pouvions emprunter à la banque de France à taux zéro. C'est ainsi que les 1700 milliards d'euros de dette de la France sont dus essentiellement au paiement d’intérêts exorbitants que l'Etat paie aux banques. C'est un véritable tonneau des Danaïdes, duquel il faut impérativement sortir, y compris à l’échelon européen en autorisant la BCE à prêter directement aux états.
Nous sommes aujourd’hui à un tournant décisif de la construction de l’Europe. Si nous avons besoin de renégocier ce traité, nous avons surtout besoin d’une refondation bien plus ambitieuse : une Europe rompant les liens avec le monde de la finance que vous avez dénoncé, une lutte sans merci contre l’existence de paradis fiscaux au sein même de l’Europe, un protectionnisme intelligent évitant les délocalisations, une taxe sur les transactions financières, etc.
Sur ces différents sujets, il vous faudra construire un rapport de force avec une crédibilité qui ne fasse pas douter nos partenaires de la résolution de la France à mettre en œuvre une toute autre politique. Vous pourriez imposer alors des mesures à l’efficacité réelle, ou à contrario faire la démonstration que certains de nos partenaires se refusent à sauver l’Euro. Il vous faudrait dans ce dernier cas avoir le courage d’en tirer toutes les conséquences…
Si tous ces gestes de votre part n’étaient pas faits, et en dépit de l’aversion que suscite la majorité présidentielle sortante, de nombreux électeurs de gauche risqueraient de faire défaut lors des prochaines échéances électorales.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma considération respectueuse.
Albert Ricchi
Photo Creative Commons : François Hollande par A. Bouirabdane(http://www.flickr.com/photos/33227050@N07/7152045341/

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