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Pourquoi les marchés prêtent-ils encore aux États ?

Publié le 11 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Qu’est-ce qui pousse les marchés à continuer à acheter des obligations grecques, espagnoles, portugaises, irlandaises, françaises… en prenant des risques énormes ?
Par l’auteur du site Libéralisme expliqué.

Pourquoi les marchés prêtent-ils encore aux États ?
Tous les jeudis à 10h, l’agence France Trésor, rattachée au Ministère de l’Économie et des Finances vend aux marchés financiers les obligations émises par l’État français pour financer les dépenses qui excèdent les recettes fiscales.

Le problème est bien connu : en 2011, ce sont environ 125 milliards d’euros soit 5,2% du PIB qui ont été empruntés et ce montant était encore pire les années précédentes. Dans toute la zone euro, on a assisté les dix dernières années à une explosion des déficits publics qui amène certains États à être dans l’impossibilité de rembourser, d’où la crise des dettes souveraines que nous traversons.

Pourtant, les acteurs des marchés financiers ne sont pas idiots, ils savaient bien que la Grèce s’engageait sur une mauvaise pente et qu’il y avait un risque qu’elle ne puisse plus rembourser l’argent qu’ils lui prêtaient. Qu’est-ce qui pousse les marchés à continuer à acheter des obligations grecques, espagnoles, portugaises, irlandaises, françaises… en prenant des risques énormes ?

La réponse est suffisamment complexe pour n’être que peu expliquée par les analystes. Essayons donc de faire simple :

  1. La Banque Centrale Européenne propose des prêts extrêmement avantageux aux banques (avec des intérêts qui avoisinent actuellement les 1%). Des taux aussi bas n’existant pas dans la vraie vie, elle n’arrive à proposer de tels services que par la création monétaire. Ainsi, depuis 2005, la quantité d’euros existants a doublé !
  2. Mais la BCE met une condition à ces prêts : pour chaque prêt contracté, les banques doivent déposer à la BCE des garanties, appelées « collatéraux », d’un montant similaire, qui doivent être des titres financiers de bonne qualité (de note minimale de A-, descendue à BBB- pendant la crise). Pour obtenir un prêt à 1% d’une valeur de 1000€, une banque doit donc déposer un peu plus de 1000€ d’obligations d’État [1].
  3. Et pour pouvoir déposer ces obligations, il faut qu’elles les aient achetées ! L’opération est bien sûr profitable aux banques si le taux d’intérêt qu’elles demandent aux États est supérieur à celui du prêt qu’elles vont obtenir de la BCE. Mais ça n’est pas difficile de faire un peu plus que 1% ! Ainsi, l’État français emprunte à 3%…

Pour résumer : la BCE crée de la monnaie qu’elle prête aux banques à condition qu’elles achètent des obligations d’État.

Ce mécanisme s’avère au final être un cercle vicieux. Les banques achètent des obligations d’État à 3% ce qui leur permet d’avoir un prêt à 1% auprès de la BCE et à terme, de s’enrichir de la différence. Avec l’argent débloqué par le prêt, rien ne leur empêche d’acheter de nouvelles obligations d’État pour obtenir un nouveau prêt. Tant qu’il y a des obligations d’État à vendre, les banques répètent le mécanisme qui leur permet de s’enrichir par la « planche à billets » que fait marcher la BCE à plein régime.

D’une part, cette injection d’argent nouveau dans l’économie entraine progressivement de l’inflation (il y a une masse monétaire plus grande pour un nombre inchangé de biens matériels, donc à terme, les prix montent), d’autre part cela permet aux États d’emprunter sans limite à des taux bas qui ne représentent pas le risque réel de leur endettement. Les faillites réelles ou annoncées d’un certain nombre d’États européens n’ont donc plus rien de surprenant.

La récente rupture dans la tradition de la BCE de ne pas acheter directement d’obligations d’État avec le mécanisme de la planche à billet ne doit pas cacher le fait qu’elle le faisait déjà indirectement au travers du même mécanisme de la planche à billet associé à celui des prêts et des collatéraux.

En réalité, les deux mécanismes sont équivalents. Celui de la BCE est juste plus opaque. Le résultat est le même : les politiciens qui n’ont pas le courage d’affronter directement leurs peuples par des hausses d’impôts financent leurs promesses électorales par l’endettement et l’inflation, grâce à la complicité de leur Banque Centrale. C’est un schéma tout à fait classique des États corrompus par l’étatisme et le clientélisme qui n’a jamais mené à autre chose qu’à des récessions dramatiques marquées par des troubles économiques et sociaux graves. On n’avait juste jamais essayé de le faire à l’échelle d’un continent.

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Sur le web.

  1. La Tragédie de l’Euro, Philipp Bagus, Mises Institute, p.69.

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