En quoi François Hollande mènera-t-il le pays différemment de ce que Sarkozy l’aurait fait ? Ce qui opposait Sarkozy à Hollande était en définitive moins important que ce qui les distingue l’un comme l’autre du camp des refuzniks de la réalité.
Par Guy Sorman.
Le 22 avril, un tiers des Français avaient réfuté toute approche rationnelle de la panne économique, voire intellectuelle, qui affecte nos démocraties. Le second tour a occulté la vague dite populiste du premier tour, mais de manière provisoire : les élections parlementaires la feront resurgir. Le nouveau Président confronté au chômage, au risque de faillite de l’État, à une Europe en désarroi, à la concurrence mondiale, ne pourra ignorer l’alliance objective des communistes, trotskistes, nationalistes et écologistes profonds. Tous ceux-la, chacun dans sa mythologie, exaltent des souvenirs de Révolution, d’Empire ou de degré zéro de la civilisation.
Si bien que ce qui opposait Sarkozy à Hollande était en définitive moins important que ce qui distingue d’un côté Sarkozy et Hollande, tous deux « réalistes », et de l’autre, le camp des refuzniks de la réalité. Certes, Hollande a emporté le référendum anti-Sarkozy, ce que fut le second tour, bien plus qu’un choix entre deux programmes ou deux idéologies.
Le socialisme de Hollande est avant tout un esprit de clan qui le conduira à gouverner avec son cercle (avec Bayrou en supplétif ?), à recourir aux codes de ce clan, mais en quoi mènera-t-il le pays différemment de ce que Sarkozy l’aurait fait ? Entre le socialisme affecté de Hollande et le libéralisme de façade de Nicolas Sarkozy, il n’y avait pas l’épaisseur d’un papier à cigarette : l’un et l’autre chevauchaient sur une voie française, qui glorifie l’État, tolère l’esprit d’entreprise mais se méfie du marché libre et abhorre la concurrence.
Voici donc Blanc bonnet, à moins que ce ne soit Bonnet blanc, Président et peu préparé à affronter le Troisième tour, la notation que les marchés financiers vont infliger à la France. La France confrontée à trois défis esquivés pendant la campagne : l’excès de la dépense publique rendra impossible, d’ici un an au mieux, le financement de la dette publique ; le vieillissement de la population conduira notre système de solidarité à la faillite ; les coûts de production sont les plus élevés en Europe.
François Hollande, s’il reste rationnel, devra donc accepter une intégration financière de l’Europe avec création d’un ministère des Finances européen, réduire la dimension de l’État (coupant dans la Défense et l’Éducation), tempérer la solidarité par plus de responsabilité individuelle, et contenir les revendications salariales.
Sarkozy, contre la rue, n’y serait jamais parvenu ; Hollande, parce que de « gauche », le pourrait. De Gaulle avait bien liquidé l’Empire, Mitterrand anéanti ses alliés communistes : Hollande, en père-la-rigueur, démontrerait que les hommes d’État ne sont grands qu’à contre-emploi.
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