Cet anglicisme concernant François Hollande est particulièrement irritant.
Elu le 6 mai, il prendra ses fonctions le 15. D'ici là, je ne crois pas qu'il bénéficie d'un statut particulier, en tout cas pas au niveau constitutionnel.
Qu'importe d'ailleurs les mesures de transition permettant au candidat élu de préparer son entrée en fonctions, elles sont en France de peu de portée. Le futur président n'a qu'une semaine à patienter avant de s'installer à l'Elysée.
Aux Etats-Unis, le "president elect" est une notion bien plus importante (dont d'ailleurs le statut constitutionnel est débattu).
Le vainqueur théorique des présidentielles est connu dès novembre, mais n'entre en fonction qu'en janvier. Notamment parce que la présidentielle américaine est une élection indirecte, il faut donc laisser le temps d'organiser le vote des grands électeurs. Comme il y a cependant peu de suspense, le futur président reçoit progressivement les moyens officiels de préparer son accession au pouvoir pendant les deux mois de la période de transition.
La notion de "president elect" a donc aux Etats-Unis une importance bien plus grande car la transition y dure deux mois, contre moins de dix jours en France.
Dès lors l'emploi à tout bout de champ de l'expression président élu pour désigner Hollande est trois fois risible.
D'abord, elle dénote l'idée qu'un concept constitutionnel ou juridique venu des Etats-Unis est forcément plus chic que des expressions plus appropriées comme "futur président", ou même "nouveau président", la transition étant si courte qu'on peut considérer qu'un président français battu encore en fonctions n'a plus de rôle effectif.
Ensuite cela marque le côté moutonnier de la presse, qui se gargarise de ce nouvel objet avec une gourmandise probablement d'autant plus importante qu'une bonne partie de ceux qui emploient cette expression ne savanet pas d'où elle vient - mais ça fait savant.
Enfin c'est une façon pour nos bonnes élites de se distinguer du vulgaire par l'emploi d'expressions codées, quitte à ce qu'elles n'aient aucun sens (comme la France "trop petite", le protectionnisme forcément européen ou autres idées reçues).
Pour moi l'emploi de ce terme sert d'immanquable détecteur à crétin...
Florilège :
La France se réveille avec un nouveau président élu, François Hollande
Le Nouvel Observateur - il y a 6 jours
Victoire de Hollande. Le nouveau président élu s'est mis au travail Ouest-France - FRANCE 24 - il y a 2 jours