Le président de la République française, nouvellement élu, a placé la transition énergétique dans la liste de ses priorités. C'est une excellente nouvelle quand on mesure la gravité des défis énergétiques qui nous attendent.
Crise économique, crise écologique et maintenant crise énergétique.
L'Europe et la France, face à la dette, au chômage et à la baisse du pouvoir d'achat voient de nouveaux nuages se profiler à l'horizon.Le plus inquiétant se révèle être celui du défi énergétique.
Quelques faits permettent de comprendre les difficultés que nous allons rencontrer. En dix ans (1999-2009), l'Europe a vu ses productions d'énergie fossile baisser de manière inquiétante : -42% pour le pétrole, -25% pour le gaz, -44% pour le charbon. Durant la même période, la consommation énergétique est resté stable. Aujourd'hui, 54% de l'énergie consommée dans l'Union Européenne est importée. Mais pour le pétrole, notre dépendance monte jusqu'à 83,5%
En réalité, ces chiffres sont sous-estimés car les statistiques considèrent le nucléaire comme une énergie "domestique", sans dépendance aux importations de combustibles, alors qu'en réalité il nécessite de l'uranium qui est importé à 97%
Pour la France, la situation est sans doute plus inquiétante encore. Certes, la France aurait un taux d'indépendance énergétique de 51%. Mais, les chiffres sont biaisés puisque les importations d'uranium ne sont pas comptabilisées, le nucléaire étant comptabilisé comme du "renouvelable". En réalité, la France ne produit réellement que moins de 1% du combustible nécessaire à sa consommation de pétrole, de gaz et de charbon. Et le taux d'indépendance énergétique se réduit à 12% (hydroélectricité, solaire, éolien ...)!
La conséquence directe de cette dépendance accrue est le coût de plus en plus élevé de la facture énergétique. Les prix ont augmenté, en Europe, de 60%, dont plus de 20% depuis 2009, alors que la crise a diminué la demande énergétique en Europe.
Ce déséquilibre a un coût de plus en plus important: l'Union européenne a importé pour 84 milliards d'euros d'énergie en 1999, soit 1% de son PIB. En 2009, on était monté à 488 milliards (3;9% du PIB).
Si l'Europe pouvait économiser cet argent, elle pourrait créer 17 millions d'emplois et résorber pratiquement son chômage !
Pour la France, la facture avoisine les 60 milliards par an et le nombre d'emplois perdus à 2 millions !
Sans verser dans un catastrophisme inutile, il faut être lucide et reconnaître que la situation risque de devenir intenable. Le pic pétrolier (peak oil) est atteint au niveau mondiale, il va encore davantage aggraver la situation. Il existe d'autres facteurs aggravants probables, des tensions géopolitiques par exemple. Les espoirs mis dans le gaz de schistes doivent être fortement relativisés. La Pologne, qui disposerait du gisement le plus important en Europe, pourrait couvrir ses besoins pendant seulement 23 ans.
Cette situation particulièrement fragile de l'Europe s'explique en grande partie par l'antériorité de son développement économique. Depuis deux siècles, le vieux continent a eu le temps d'exploiter ses ressources fossiles. L'Union Européenne sera donc le premier ensemble géopolitique qui devra affronter la crise énergétique et la résoudre rapidement si elle ne veut pas sombrer.
L'avertissement ne relève pas d'un catastrophisme de bas-étage mais d'une réalité triviale: les prix vont continuer à augmenter en situation croissante de pénurie.
On peut avoir une vision plus optimiste de cette situation: l'Europe va devoir affronter la première une pénurie qui deviendra mondiale. Elle doit donc inventer des solutions et acquérir une avance précieuse en ce domaine.
Faisons l'inventaire des différents enjeux à affronter et proposons des solutions concrètes audacieuses, à la hauteur des défis que la France et l'Europe, doit impérativement relever.
Il paraît de plus en plus évident que les objectifs définis, il y a quelques années, ne sont plus adaptés : c'est le cas, par exemple, de l'objectif 20% d'énergies renouvelables en 2020. Les politiques publiques utilisées jusqu'à présent ne soient pas à la hauteur.
Il faut faire preuve de davantage d'ambition particulièrement dans les secteurs de l'efficacité énergétique dans le bâtiment, dans celui de la production énergétique et dans celui de la mobilité. Cette hardiesse doit être d'abord s'appliquer aux politiques publiques qui, dans ces domaines, doivent faire preuve d'innovation.
Cette audace nécessaire doit consister d'une part à proposer des solutions techniques courageuses, d'autre part à inventer des politiques publiques qui tiennent compte des erreurs du passé : taxe carbone abandonnée, politique fiscale de soutien cahotique, effets pervers du bonus-malus automobile, marché carbone en grande partie inefficace. Dans ce contexte d'urgence, il serait illusoire d'attendre le "grand soir" d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe. Les politiques publiques doivent être volontaristes, efficientes, réactives, souples et transparentes; elles doivent favoriser l'investissement et le développement économique.