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Revenu Maximum Autorisé 1

Publié le 16 mai 2012 par Boprat
Source : Alternatives Economiques
Le facteur 12. Pourquoi il faut plafonner les revenus, par Gaël Giraud et Cécile Renouard
Carnets Nord-Montparnasse éditions, 2012, 246 p., 18 euros
Revenu Maximum Autorisé 1
Critique de Denis Clerc
"Le sous-titre éclaire le titre un peu énigmatique. L'ambition des deux auteurs est de montrer que réduire fortement les écarts de revenus, aujourd'hui abyssaux, de sorte qu'ils ne dépassent pas une fourchette allant de 1 à 12 est non seulement souhaitable mais surtout possible. Pour cela, il faut relever sensiblement les revenus du bas et amputer largement ceux du haut. Le lecteur est intrigué et sceptique : comment est-ce possible dans une économie mondialisée, où les capitaux peuvent circuler à la vitesse de la lumière et où l'argent joue un rôle de marqueur social ? Sans être totalement convaincant, ce livre prouve pourtant qu'il y a beaucoup à faire dans cette direction. L'argumentaire mobilisé n'est pas juste éthique, il est aussi économique, et c'est là une grande part de l'intérêt du livre.
Croyance
Premier élément : le marché fonctionne sur un modèle psychologique bien connu des marchés financiers, qui veut qu'une croyance anticipée engendre un résultat conforme à cette croyance. La décision de certains d'acheter davantage un produit donné entraîne une hausse des prix, qui pousse les autres à acheter davantage, soit par précaution (avant que cela n'augmente), soit par mimétisme (effet de mode). Le marché a donc impérativement besoin d'une régulation, car les prix (les salaires notamment) qui s'y forment sont souvent loin de refléter les tensions entre offre et demande. Curieusement, les auteurs ne mobilisent pas, dans ce cadre, la notion de salaire d'efficience, selon laquelle loin d'être le reflet de la productivité du travail, le niveau des salaires détermine cette productivité.
Deuxième élément : c'est de plus en plus la demande intérieure qui, à l'avenir, tirera l'activité, y compris dans les pays émergents. Or, nos sociétés fonctionnent sur un modèle déflationniste : " La baisse des salaires [y] assèche la demande solvable. " D'où l'importance de regonfler cette dernière, notamment en relevant les salaires du bas de l'échelle, mais aussi en luttant contre les rentes de situation (les hauts revenus) " qui capturent et stérilisent l'épargne ".
Relocaliser
Troisième élément : les dettes publiques actuelles ne pourront jamais être intégralement remboursées, sauf plongée déflationniste suicidaire, car nos sociétés doivent l'essentiel de leur croissance passée à l'utilisation sans cesse accrue d'une énergie dont le prix, augmentant fortement, va ralentir, voire annuler, la croissance potentielle à venir. Dans ce contexte, les rémunérations élevées des uns, tout comme les rendements mirobolants promis par les marchés financiers, sont des formes déguisées de prédation. La conclusion s'impose : réduire fortement les inégalités de revenus, investir massivement dans l'indispensable transition énergétique, favoriser la relocalisation, fût-ce par " un protectionnisme européen raisonné (social et écologique).
Dans ce raisonnement résumé à gros traits, deux points posent problème. Pourquoi attribuer l'essentiel des gains de productivité à l'usage accru d'énergie (selon les thèses contestables de Jean-Marc Jancovici), alors que d'autres les attribuent par exemple au capital humain ? Et, si les auteurs font fréquemment référence à Jean Gadrey, il n'est pas sûr que ce dernier apprécie le plaidoyer en faveur d'une croissance verte. Mais c'est le propre des livres importants que d'ouvrir des discussions passionnées."

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