Les images ont aussi leur mot à dire

L’année 2011 a été fertile en événements hautement significatifs en ce qui concerne le désir de citoyenneté et les luttes qui ont permis d’y accéder. En Espagne, le mouvement des Indignés a permis d'approcher le malaise de la jeunesse. Sur la rive sud de la Méditerranée et plus généralement dans le monde arabe, la contestation de régimes en place a secoué le joug de dictatures qui semblaient solidement établies. Retour sur images.

Les Indignés espagnols de la place de la Puerta del Sol, à Madrid, manifestent en signe de refus de la réforme des négociations collectives. Devant le ministère du travail, ils ont protesté contre le chômage, la précarité sociale, la violence des politiques antisociales. Pendant plus de quatre semaines, ils ont usé d’une gestuelle symbolique, celle du poing levé, qu’ils ont renouvelée pour signifier le caractère inédit de leurs revendications et de leur situation.

En juin 2011, Puerta del Sol, Madrid.

La répétition du même geste par chaque indigné donne à l’image une signification qui se décode aisément. Elle se construit en référence à des événements politiques majeurs de l'histoire espagnole. Le lecteur est aidé par l'aspect stylisé de l'image qui s'élabore par la posture même des manifestants. La thématique du poing levé revoie à la question des luttes sociales. Les bras qui enserrent le visage, paumes en avant, disent la volonté des jeunes espagnols de se défaire des dispositifs antisociaux qui détruisent leur vie. Les bras croisés devant le front sont une protection symbolique contre les coups que leur porte la société. Les poignets l'un contre figurent les liens qui ligotent leur avenir.

Au Yémen, les manifestants ont transmis leur hostilité au régime par une gestuelle partagée. Mains serrées l'une sur l'autre, doigts croisés : deux éléments qui soulignent la solidité des revendications des manifestants. Ils figurent comme un grillage qui les sépare de la liberté. Même principe de répétition d'une attitude qui accentue la dimension graphique de l'image.

Réunies, les mains témoignent du désir des manifestants. Ouvertes, elles délivrent un message.

Minimaliste, ce message n'est pas sans rappeler le "Dégage" des manifestants de Tunis, en janvier 2011.

Janubiyah Wilayat , Tunisia

Nul ne peut dire comment sont réellement nées ces imageries. Elles s’imposent néanmoins déjà comme traces. Elles prennent place dans les mémoires et témoignent de la situation de citoyens gagnés par l’exaspération. Elles traduisent l’engagement des jeunes générations qui cherchent à s'opposer à l'autoritarisme et à la stagnation.

La mémoire de l’image et sa transmission sont l’objet du travail de recueil et d’analyse qu’accomplit depuis de très nombreuses années Jean-Paul Achard. Les exemples ci-dessous sont tirés, avec son autorisation, des sites qu'il consacre à la place de l'image dans la communication. Deux scènes, à 44 ans d'intervalle, mises en dialogue par Jean-Paul Achard, démontrent que le combat pour la démocratie génère des images qui marquent notre imaginaire.

Marc Riboud - Washington - 21 oct 1967

Natalie Behring - Occupy Portland - 13 nov 2011

La résonnance de l'image fait son chemin. Ces deux images en appellent une nouvelle. The Lady, le film de Luc Besson, retrace la vie et les combats d'Aung San Suu Kyi, l'opposante birmane, Prix Nobel de la paix.