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Affiches mal

Publié le 18 février 2011 par Rolandlabregere

Les images ne sont pas toujours sages. C’est du moins ce que veut faire savoir la Région Bretagne et les responsables professionnels agricoles qui réagissent vertement à une campagne d'affichage de France Nature Environnement (FNE).

Que montrent ces affiches pour susciter un grincheux courroux et déclencher une prochaine assignation devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à l’image de la Bretagne ? La campagne comprend six affiches. Elles sont plutôt de bonne facture, cadrage en rapport avec le message, palette chromatique travaillée. L’une d’entre elles représente un enfant en bas âge assis sur une plage envahie d’algues toxiques. Chaque visuel est soutenu par un texte éclairant le visuel. Sur cette affiche, on peut lire sous le titre « Bonnes vacances », une phrase qui complète l’image. Elle est strictement informative, elle aussi soignée, simple, mémorisable et aisément compréhensible. « L’élevage industriel des porcs et les engrais génèrent des algues vertes. Leur décomposition dégage un gaz mortel pour l’homme ».

Qu’une autorité veuille interdire un message procède toujours du même principe : les récepteurs  potentiels ne sont pas en mesure d’en saisir la teneur. Les citoyens doivent être écartés du point de vue qui contrevient à la pensée dominante. Il y a deux ans un cheval en travail sur une plage polluée est mort après avoir inhalé des émanations issues des algues en décomposition. Le gaz dégagé par les algues a pu tuer un cheval. Pas un âne. Un cheval, sans doute un cheval de trait, dont le poids se situe entre 700 et 900 kg...

Certains ont crié « Au loup ! ». L’image est dangereuse car, dit l’un, elle est « malveillante ». Les professionnels parlent d’une « campagne parisienne de dénigrement ». Le mal vient donc de Paris. Le terroir contre Paris. La plage, comme la terre, ne mentirait pas ! Le terroir comme lien d’appartenance à la nation : le brouet vichyste est encore tiède. La santé publique exigerait le silence. D’autres responsables sont mieux avisés comme une ministre en fonction qui reconnaît que « le droit d'expression » est inhérent à la vie citoyenne. C’est, dit-elle, l’air du temps : la FNE, « a choisi d'affirmer ses inquiétudes sur un certain modèle agricole avec des visuels un peu choc. C'est un style contemporain que l'on trouve dans d'autres campagnes de communication, y compris dans certaines campagnes de communication de l'Etat ». (AFP, cité par LEMONDE.FR | 16.02.11 | 20h 05). Bien vu ! Les images choc sont désormais des outils de la promotion de la santé publique. Les paquets de cigarettes portant des photos sans équivoque pour inciter à l’arrêt de fumer sont maintenant en vente. D’autres pays avaient auparavant montré la voie (Belgique, Royaume-Uni, Finlande, Roumanie, Thaïlande, Canada et Uruguay). Les images coup de poing sont réputées être plus efficaces que les messages textuels. Sans compter qu’une plage, c’est plus qu’un morceau de terroir : c’est un bien commun, un espace avec horizon. FNE communique avec à propos et s’inscrit dans une démarche d’information et d’éducation (même si l’accent n’est pas au point).

La morale citoyenne est corrélée à la génération d’appartenance : le monde change, l’image va vite, le flux de l’information ne connaît pas de répit. Il y a des responsables politiques qui sont en phase avec leur temps, d’autres qui craignent que l’information soit destructrice. La bien-pensance s’installe par la volonté de positionner sur des pans entiers de la vie publique une vision unique d’un fait social : il y a des algues vertes, et alors ? Jadis (ou naguère), les bien-pensants du Kremlin savaient si bien faire disparaître certains gêneurs des photos officielles. Sous les algues, il y a la plage n’est-ce pas là l’essentiel ?

Un arrêt sur image s’impose néanmoins ! Une image, un message existent par leur réception. Il y a toujours une stratégie dans un acte de communication. Elle explique le projet, l’intention. La campagne de France Nature Environnement est réussie sous deux angles. Celui de l’action citoyenne et celui de la communication. Sur ce second point, retenons que la composition choisie (image + texte) fonctionne comme un ensemble dont il est difficile de dissocier les éléments. Pas de chausse-trappe, pas de jeu de mots caché, pas de vocabulaire compliqué, pas d’effet de style : deux petites phrases affirmatives qui décrivent une réalité, la pollution réelle des plages bretonnes dans certaines circonstances. La lisibilité est forte : du français fondamental, utilisable en cours de français langue étrangère. Chaque affiche fonctionne sur le même principe : une image et un mini texte qui fait entrer le passant dans l’image. Les deux forment un tout : un message d’alerte, mémorisable, au sens apparent immédiatement. Des visuels qui nous secouent la manche De quoi alimenter la conversation, la réflexion (ou la protestation). Le contexte de la campagne appelle à l’adhésion ou à la réaction. Aimer ou combattre cette campagne souligne sa pertinence.

Tout ce qui est vert n’est pas sain. Ces algues nous filent le mouron comme une marée noire. En cas d’algues répandues sur les plages, bien des râleurs manquent à la pelle.


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