Les travailleurs chinois sont-ils bling bling ?

C’est un homme heureux. Il a plus de cinquante ans. Son poignet est diamanté d’une montre de luxe. Pour cette raison, il sait qu’il n’a aucun motif de penser qu’il a raté sa vie. Il croit que bling bling, en chinois, ça veut dire «  tout va bien ». Mais à cet âge-là, il est temps d’admettre qu’une montre multi fonctions ne mesure pas la profondeur de la pensée.

Cette onomatopée signifiante a gagné sa place dans l’abécédaire des années 2007-2012. Simple à retenir, elle appartient au lexique fondamental de l’imagerie libérale. Elle s’est imposée en raison de sa remarquable polysémie. Elle peut être employée aussi bien pour rejeter un argument pendant son énonciation que pour grincer des dents lors d’un discours officiel. Plus moderne que « cause toujours » ou plus germanopratine que le populaire mais néanmoins obsolète « parle à mon cul ma tête me fait mal », elle est d’une portée universelle. Même celui qui a dû revendre son Solex à cinquante ans pour s’acheter une carte Orange se sent obligé in peto de questionner le bling bling.

Le bonheur, s’il est dans le bling bling, est quand même bradé à Pekin. Là-bas, nous dit notre homme, « le salaire moyen est 10% du smic et ils sont heureux ! ». Sacrés chinois ! Leur bonheur n’est pas contagieux. Les travailleurs chinois découvrent « le plaisir du travail » récompensé par une petite poignée de piécettes pour une journée de labeur. Pas une journée à la française mais une vraie journée de travail. 35 heures sans pause. Ce modèle là, très en vue à Paris, en fait rêver plus d’un, car « ça devrait nous donner envie de grandir». Tout le contraire des ramollos perclus de troubles musculo-squelettiques, de frimeurs abonnés aux congés maladie.

Travaillez plus, gagnez moins et vous grandirez vers une forme aboutie de bonheur. A la chinoise. Il n’y a cependant qu’une façon de se grandir devant un micro, c’est de la fermer.