Poezibao publie en feuilleton Le Retour d’Arkadina, une pièce de Liliane Giraudon, en 13 épisodes. Voir ici l'avertissement de Liliane Giraudon. (épisodes précédents : 1, 2, 3, 4, 5)
Valérie Solanas mon amour Valerie Solanas ma Robespierre ma robe et ma pierre ma matrice et mon petit test…
Les gens arrivent. Les gens repartent..
Les vies sont des couloirs.
Arkadina, vous nous avez précédées.
C’est tout ce qu’il reste de vous.
S’il vous plait. Merci.
Merci. De rien. C’est un plaisir.
Allez-y, je vous en prie.
Après vous. Je n’en ferai rien.
Vous aussi. Vous aussi vous avez du sang.
Du sang plein vos chaussures.
Mosaïque, parquets vernis… N’empêche.
Du sang plein les chaussures je vous dis !
Ça se voit…
Et comme l’autre dans sa cave, avec sa clef…
Ce sang-là, impossible de l’effacer. Le barbu veille.
Aujourd’hui c’est une femme à barbe…
L’ultime perfection de chaque chose rejoint sa fin…
Et vous, si chatoyante, vous voilà morte…
Mais tout n’est qu’une histoire de tempo…
Son déroulement…cette logique invisible…
Engrossée d’un fils
qui se devait de la précéder dans la mort…
Lui, sa pauvre chair visible
Ses vêtements de pauvre
Son théâtre injouable…
Et ce pansement autour de sa tête…
Comment il croyait que seule sa mère…
Sa tendre mère…
(entre le fantôme d’Arkadina en femme à barbe sexy. Elle danse un tango ralenti avec Nina puis s’adresse à elle)
Arkadina
Pardon ma chère, pardon
Je ne voulais pas vous déranger dans votre travail…
Je ne suis que de passage.
Ce soir il semble qu’il y a peu d’habitués.
Anton a cessé de glapir.
Il a sans doute eu sa dose de poisson.
Et Trigorine ? A-t-il reçu sa lettre ?
Vous pourriez regarder ?
C’était quoi le nom ?
Là-bas on ne m’informe pas de tout…
Continuez-vous à jouer ?
Là-bas, c’est impossible.
Penser, boire, faire des projets, on peut.
Faire l’amour aussi.
Les dents, les lèvres et les couleurs c’est possible.
Mais l’acte et le projet sont assez longs.
Je veux dire ils prennent du temps.
Beaucoup de temps.
C’est pas comme ici…
Le balancement, le rythme, l’assouvissement--- vous voyez ?
On est très nombreux. Le choix est formidable.
Comme disait Meyerhold « on n’a que l’embarras du choix… »
D’autant plus que…
Ah oui, c’est ça. J’avais oublié.
Là-bas, dupliquer, répliquer, reproduire n’a plus grand sens…
Tous les morts se caressent.
Ils parlent et se cajolent.
Sans le moindre problème.
Je t’aime. Moi aussi.
Ça me plait de te prendre dans mes bras.
Tes lèvres sont si belles.
Ta jolie queue.
Et le bout de tes seins.
Plus de lui ni d’elle.
Tous le font avec tous.
Un incessant va et vient.
Fréquents changements
Embouchés pénétrés.
Toutes avec toutes.
Ils le font. Ils respirent.
suite (7) le vendredi 18 mai 2012