(photo @Alice Lechevallier)
→ Making of : film documentaire relatant le tournage ou la production d'un film ou d'une œuvre audiovisuelle
Á la fin de l'été 2009, pour m'amuser, j'ai esquissé un début de dialogue entre Honoré de Balzac (1799-1850) et Émile Zola (1840-1902), deux écrivains dont l'œuvre est bâtie à chaux et à sable : c'est du solide, du lourd dirait-on aujourd'hui.
J'ai publié cet échange sur le site internet AgoraVox. En retour j'ai eu droit à une quinzaine de commentaires, et agréable surprise, avec une tonalité très favorable¹. L'un écrivait : « On en redemande », l'autre : « Pourquoi n'en feriez-vous pas un livre? », etc.
Bref, je me suis pris au jeu, j'ai poursuivi cet échange. Pourtant une difficulté m'arrêtait : le statut littéraire de mon texte (impromptu? simple dialogue? future pièce?). Je n'avançais plus. Sur ces entrefaites est paru aux éditions franco-italienne « Portaparole » l'excellent L'un de nous deux de Jean-Noël Jeanneney, un dialogue en trois actes qui voit se confronter en juin 1944 Léon Blum et Georges Mandel, le Chef de gouvernement du Front Populaire et son ministre de l'Intérieur, prisonniers des Allemands à Buchenwald, à côté du camp de sinistre mémoire.
Ce fut un déclic, sans prétendre au talent (il est grand) de Jean-Noël Jeanneney, la parution de ce livre m'invitait à reprendre mon travail : il retrouvait à mes yeux une forme de légitimité.
Mon texte étant encore à l'état lacunaire j'entrepris, pour le nourrir et pour me familiariser avec le style et la syntaxe de Zola, des recherches sur la correspondance de jeunesse de l'auteur de Germinal. La Bibliothèque de « Carré d'Art » à Nîmes m'offrit ainsi l'opportunité de découvrir une édition « Fasquelle² » de 1907. Je lus également plusieurs ouvrages consacrés à Zola : sa biographie par Henri Troyat et d'autres travaux de Henri Mitterand. Sur Balzac, ma propre bibliothèque était déjà bien fournie et j'appartiens au Groupe d'études balzaciennes.
Je voulais appeler mon livre : Balzac vs Zola : une conversation au parc Monceau. Or en septembre 2011, patatras! les éditions « Héloïse d'Ormesson » publient : La Conversation de Jean d'Ormesson (dans le monde de l'édition on frise souvent la consanguinité, on reste en famille...), un dialogue entre Bonaparte et Cambacérès, respectivement 1er et 2ème consul sous le Directoire. Je dus me résoudre à abandonner mon titre et à en chercher un nouveau. Je songeais à ce vers de Verlaine : Et la nuit seule entendit leurs paroles. Mais Patrick Besson y avait pensé avant moi, en 1998, pour intituler ainsi son dialogue entre Arthur Rimbaud et Paul Verlaine!
Quelques internautes avaient parlé sur AgoraVox à propos de mon travail de mise en abyme et de jeu de miroir, je choisis en définitive : Balzac et Zola au miroir d'une mise en scène. Comme l'action se déroule au parc Monceau, il me fallait, à défaut du parc parisien, la vue d'un jardin en province. Je fis appel à une étudiante que j'avais connue lorsque je repris des études en lettres modernes en 2007. Auteur d'un mémoire de Master consacré au poète Charles d'Orléans, c'est aussi une photographe de talent ; la couverture représente les jardins de la Fontaine à Nîmes dont la conception remonte au XVIIIe siècle.
Si vous aimez Balzac, Zola, la mise en scène, et que vous gardez la faculté, tels les miroirs, de réfléchir, ce livre vous est destiné. Et peut-être en verra-t-on un jour l'adaptation au théâtre, ou sur l'écran comme le pense (il me l'a écrit) le biographe d'Arthur Rimbaud, Jean-Jacques Lefrère, d'où le titre, j'espère prémonitoire, de cet article.
Amen.
→ Michel Frontère, Balzac et Zola au miroir d'une mise en scène, éditions « Publibook », Paris, 2012, 10 € (disponible en juin)
M. Fr.
Notes
¹ j'ai demandé à AgoraVox la suppression de l'article et des commentaires car il s'agissait d'un travail préparatoire à mon livre, ce que j'ignorais au départ
² cette maison d'édition a fusionné en 1959 avec « Grasset »