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Le jour où j'ai disparu

Publié le 19 mai 2012 par Desfraises
Le jour où j'ai disparuQuelque part en Afrique du Sud. Mai 2009
Je ne m'en suis jamais caché. Je m'en suis même ouvert à de nombreuses reprises. Je ne suis pas du genre à mettre sous le tapis mes failles, mes erreurs. Pas à mon âge. C'est sans hésitation que j'ai répondu à l'invitation d'une journaliste d'un magazine féminin qui souhaitait recueillir notamment mon témoignage en matière de disparition volontaire. J'ai bien signalé qu'il s'agissait d'un cas personnel et qu'en aucun cas il fallait y voir un exemple. Une date est gravée dans ma mémoire. Le 1er mars 2009. Jour où j'ai tout plaqué. Boulot, amis, familles, soucis et tout le toutim. Un coup de lune. Et rétrospectivement, j'ai eu souvenir de désir de fugue qu'ont beaucoup d'enfants. Ce désir, ce fantasme, je l'ai nourri quand j'étais enfant. Je l'ai vécu adulte.
Je considère aujourd'hui ma disparition comme un acte violent et salvateur. A la fois destructeur et salvateur. Je n'ai pas oublié l'inquiétude et la souffrance de mon entourage qui s'est demandé où j'étais passé, quel malheur avait pu m'arriver. Les jours et les nuits où je les ai laissés dans le désarroi, le silence. J'ai su, après coup, qu'une brigade était chargée de me retrouver. Chose quasi impossible quand un adulte disparaît. On ne peut empêcher un adulte de vouloir tout quitter, voire même de se construire une autre vie. La lieutenant chargée d'expliquer à ma famille, mes amis, que j'avais peut-être disparu de mon plein gré a, je le sais, essuyé l'incrédulité, l'incompréhension des personnes qu'elle a contactées alors. Rien ne leur avait mis la puce à l'oreille. J'étais un jeune homme plein de promesses, socialement et professionnellement épanoui. Mais il est des brèches dans une personnalité qui peuvent un jour laisser passer le drame. Aussi petit soit ce drame.
J'ai rencontré un paquet de gens lors de ce voyage initiatique que j'avais entrepris. Un coup de lune, je vous dis. Si l'agence de voyage avait pu, à l'époque, me vendre le billet aller que je souhaitais, je ne serais peut-être jamais revenu. Mais légalement, le pays, la ville, où j'avais prévu de poser cette parenthèse de ma vie, on ne pouvait me délivrer qu'un billet aller-retour. Je me souviens de ces jours, j'étais nerveux. J'achetais une valise et je passais les portillons de l'enregistrement à l'aéroport pour Le Cap en Afrique du Sud. Je n'y connaissais personne. C'est d'ailleurs aussi pour cela que j'y suis allé. Parce que je n'y connais pas âme. Ce voyage a duré trois mois. Je me souviens de chaque instant. Des lieux incroyables, des gens extraordinaires. Au gré des lignes que j'ai écrites là-bas - car j'ai consigné sur un blog mes pensées, mes divagations, mon chemin - j'ai raconté ces rencontres improbables, ce voyage en mer pour aller voir les requins avec un inconnu qui m'a alors aidé. Comme d'autres. Il n'était pas encore question de mon retour. J'avais fini par prévenir ma famille. Il m'avait fallu deux bonnes semaines avant de décrocher le combiné d'une cabine téléphonique pour parler à mes parents. Ils étaient restés sur un "je vais aussi bien qu'il est possible d'aller en de telles circonstances" que j'avais dit à la lieutenant, lui demandant de leur délivrer ce message aussi sincère que cruel. Je n'étais pas en mesure de parler, d'expliquer le pourquoi du comment. Je l'ai fait plus tard, lorsque je suis revenu.
Tout ceci est une longue histoire. Je suis revenu. J'ai essayé de recoller les morceaux d'un moi éclaté. J'ai payé toutes mes dettes. Car la parenthèse que je me suis accordée m'a coûté cher, très cher. Imaginez une vie réglée comme du papier à musique avec ses paiements et ses prélèvements mensuels. Quand du jour au lendemain, il n'y a plus de salaire, les dettes démarrent, s'accumulent, deviennent incontrôlables. Un appart vide de son locataire, un propriétaire sans nouvelle de son créancier, une amie colocataire non signataire du bail. Huissiers, intimidation, interdit bancaire etc.
Je ne vous livre aujourd'hui qu'un tableau majoritairement prosaïque, concret. Je vous laisse imaginer les hauts et les bas, les instants magiques, les paysages extraordinaires de l'Afrique du Sud.
L'objet de ce billet est d'accompagner et commenter le prochain article à paraître dans Grazia, sur le sujet de la disparition volontaire.
Mes états de d'âme, mon récit quotidien, figurent ici : le journal de voyage d'un disparu.
Le Cap. L'Afrique du Sud. Une ville, un pays où je souhaite retourner. Sereinement, joyeusement. Pour boucler la boucle. Revoir ce bout de village portuaire à la frontière de la Namibie où l'on m'a choyé un vendredi 22 mai 2009, jour de mon anniversaire, au bout du monde.

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