Sur la Toile, récemment… (15)
Revue de presse
- Vacarme, printemps 2012, N°59
Le numéro 59 de la revue Vacarme, dans son nouveau format de poche inauguré récemment, est disponible. On y trouve notamment un entretien conduit par Dominique Dupart, Cécile Gintrac, Philippe Mangeot et Nicolas Vieillecazes avec le géographe David Harvey, à l’occasion de la parution, aux éditions des Prairies ordinaires, de la traduction de son ouvrage Paris, capitale de la modernité. Le chercheur anglais résidant aux Etats-Unis, adepte d’un matérialisme historico-géographique, y discute sa pratique de la discipline (« Il m’est souvent arrivé de demander de quoi la géographie critique fait désormais la critique… sinon celle des autres géographes. Je préfère en rester à l’idée de géographie radicale« ); sa découverte et son enseignement du Capital de Marx (« Si notre approche avait été exclusivement politique, nous aurions commencé par le Manifeste du Parti Communiste. Mais nous cherchions des outils théoriques avec lesquels nous puissions mener une réflexion critique au sein même de la géographie« ); l’élaboration de son grand ouvrage Limits to capital (« A l’époque, les textes consacrés à Marx ne s’intéressaient pas à la rente et au capital financier. Or il me semblait impossible de travailler sur la question urbaine sans disposer de ces catégories… Tel était le point de départ de Limits to capital. J’en suis venu par la suite à interroger la question de la temporalité de la formation du capital fixe et de son lien avec la circulation du capital financier, et comment l’un et l’autre contribuent à configurer l’espace. Il m’a fallu dix ans pour achever ce livre, que je considère comme lapierre anglaire de mon travail » ); le concept d’accumulation par dépossession; l’interprétation du « droit à la ville » d’Henri Lefebvre; le mouvement Occupy Wall Street; d’autres choses encore… C’est un entretien précieux, qui alerte sur les conséquences dans l’espace des mouvements financiers, dont on ne retient trop souvent que l’aspect purement économique, technique (spéculation, usure), au détriment des mouvements de population d’un nouveau genre que ces mécanismes provoquent, en bout de chaîne, et qui doivent être vus comme un fait distinctif de cette époque. »Le redéveloppement urbain est donc partie intégrante du processus d’absorption du capital excédentaire. C’est sans doute dans cette perspective qu’il faut envisager le projet du Grand Paris : celui d’une fantastique opportunité d’absorption du capital par la reconfiguration des infrastructures et de la vie urbaines« .
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Presstalis augmente son barême. Les éditeurs de presse rétribueront un peu mieux leur distributeur pour lui éviter la cessation de paiement. Une mesure qui permet au système de distribution de la presse quotidienne nationale de ne pas s’effondrer – la charge incombe entièrement à Presstalis – sous le poids des déficits accumulés. Quelles seront les conséquences sur les petits titres de presse ? Certains ont soulevé la question lors de la Journée de la presse libre qui avait lieu mercredi 16 mai à l’université Paris-8 (Saint-Denis) et qui regroupait des représentants d’Acrimed, Zélium, Fréquence Paris plurielle, Fakir, Article 11, l’Autrement… La société de distribution Presstalis, qui se partage le monopole de l’acheminement des journaux et magazines en France avec les Messageries lyonnaises, est sous haute surveillance de l’Etat par l’intermédiaire du Conseil Supérieur des Messageries de presse, qui a voté la hausse du barême. Une gestion de très haut niveau, comme on peut le voir. Cette faillite permanente du distributeur, soigneusement entretenue avec l’aide de quelques syndicalistes d’élevage, est le meilleur moyen de contrôle dont puisse rêver un Etat. Qui laisse tranquillement proliférer les distributeurs de merdes gratuites (Métro, 20 minutes, Direct Matin/Soir/Sport/Femme…), exemple parfait de concurrence déloyale mais bien utile, dans le cas présent, pour entretenir la pression sur des journaux qui auraient beaucoup de mal à se priver du large panel de subventions publiques qui leur est gracieusement proposé : face à des publications gratuites distribuées massivement, il est difficile de conserver un peu de marge de manoeuvre par rapport aux exigences publicitaires. Quant à ceux qui ont choisi de rejeter ces contraintes au mépris des bénéfices commerciaux, on a vu plus haut comment ils étaient traités : tout est fait pour que l’indépendance éditoriale se brise sur la dépendance organisée au système de diffusion. C’est un bel exemple de travail d’équipe entre Etat et groupes privés.