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« Good luck, Mister President ! » (ou "Le corps électoral est-il efficient ?")

Publié le 20 mai 2012 par Denis_castel
Good luck, Mister President corps électoral est-il efficient

Hypothèse d’efficience du marché financier : un marché est réputé informationnellement efficient si le prix d’un actif coté sur ce marché intègre l’ensemble de l’information disponible (passée, présente, future). (Eugène Fama, 1965)

Comme dans une (mauvaise ?) pièce de théatre, la vie politique française s’offre un nouveau rebondissement avec l’élection de François Hollande à la Présidence de la République (une pensée pour Laurent Fabius qui espère peut-être encore qu’il va se réveiller et que ce mauvais rêve va prendre fin…).

L’alternance en cours depuis dimanche soir est déjà la preuve de la bonne santé et du fonctionnement intact de la démocratie et la République en France, contrairement à ce qu’ont essayé de faire croire certains depuis cinq ans.

N’en déplaise aux inconditionnels de l’UMP et aux détracteurs du candidat socialiste (qui sont bien souvent les mêmes), Nicolas Sarkozy ne méritait pas d’être réélu.

Il n’a certes pas été aidé (c’est un euphémisme) par le contexte économique où il a dû affronter la plus grave crise économique et financière des soixante dernières années et il n’a pas démérité dans la gestion de cette crise.

Mais, au-delà des maladresses commises au début de son quinquennat et de l’agacement légitime que suscitaient ses excès d’infaillibilité et de confiance en lui, il n’a pas su concrétiser les espoirs qu’il avait su faire naître avant son élection.

Les réformes trop timides et trop partielles (la révision des politiques publiques et des prélèvements obligatoires) ou trop tardives (la TVA sociale) n’ont pas pu provoquer la rupture promise. La révolution copernicienne dont a besoin la France pour favoriser la création de richesses avant de penser à les redistribuer, n’a pas eu lieu. Elle est restée dans les limbes (ou dans les oubliettes, au choix) de la bureaucratie décrite par Max Weber et ses zélateurs ont été broyés par les mammouths administratifs.

Après les improbables péripéties strauss-kahniennes qui ont fait de François Hollande le candidat du PS, ce rejet tout à la fois de la politique de Nicolas Sarkozy et de sa personnalité en font-ils le Président qu’il faut à la France ?

Il lui incombe maintenant de répondre aux attentes de ces millions de Français convaincus que la croissance peut se décréter et surtout que leur pouvoir d’achat va augmenter dans les prochains mois grâce à sa politique de taxation des plus riches. Et cela sans effrayer les vilains marchés financiers qui continuent de financer notre excès de dépenses publiques à des taux bien plus doux que ceux que doivent supporter l’Italie.

Tous les caciques du PS vivent dans la croyance qu’entre 1997 et 2002, ils ont su créer les conditions de la croissance grâce aux mesures prises par le gouvernement Jospin, notamment les 35 heures et les 150.000 emplois-jeunes. Ils ne voient donc pas pourquoi il n’en serait pas de même en 2012.

N’importe quel observateur avisé et un tant soit peu objectif en aura une interprétation inversant les causes et les effets : entre 1997 et 2002, malgré les chocs économiques qu’ont été les 35 heures et les 150.000 emplois-jeunes, la croissance est restée forte grâce au boom des nouvelles technologies de l’information et de la communication (internet, téléphonie mobile).

On peut donc sans trop se tromper prédire un retour aux réalités qui risque d’être douloureux si notre nouveau Président et son gouvernement s’en tiennent aux mesures annoncées durant la campagne.

Même si l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine et les excès de certains patrons et joueurs de foot en matière de rémunération rendent nécessaire une autre politique (on n’aurait pas sinon la moitié des électeurs qui se réfugient dans l’abstention ou le vote protestataire en faveur des frère et sœur ennemis Jean-Luc et Marine), la solution ne peut en aucun cas se trouver dans une augmentation parallèle des impôts et des dépenses publiques.

Car l’augmentation des impôts et taxes, qui sont déjà à un niveau très élevé dans notre pays, se traduira immanquablement par un ralentissement de la consommation, une fuite des capitaux, et donc au final moins de croissance, moins d’emploi, moins de pouvoir d’achat.

Et celle des dépenses publiques accroîtra la méfiance des investisseurs qui achètent encore la dette publique française.

La seule question qui se pose encore si Monsieur Hollande applique son projet à la lettre est de savoir quelle forme prendra la crise : délitement à petit feu jusqu’à un succès des extrêmes de droite et/ou de gauche aux prochaines élections majeures ? Ou crise financière suivie d’une explosion sociale ?

Une comparaison avec le cas de la Grèce qui commence de plus en plus à ressembler à la République de Weimar, paraît sans doute exagérée voire irréaliste à de nombreux Français. Mais qu’en sera-t-il dans deux ou trois ans ?

Répétons-le : sans être du tout un partisan du libéralisme économique, la seule politique qui n’a jamais été tentée en France mais qui a été expérimentée avec succès par le Canada , la Suède ou encore l’Australie, consiste à réduire les dépenses publiques et les déficits pour pouvoir ensuite baisser les prélèvements fiscaux et sociaux et relancer durablement la croissance à un niveau que l’on ne connaît plus depuis bientôt un demi-siècle.

Et si finalement, comme les marchés financiers, l’électorat était efficient, en tout cas à moyen terme ?

Si le corps électoral, dans une sorte de sagesse immanente, savait ce qui est bon pour la France ?

Si les électeurs avaient intuitivement compris que seul un Président et un gouvernement de gauche peuvent dans ce pays mener des réformes douloureuses ?

Dans douze, dix-huit mois ou vingt-quatre mois, si les marchés attaquent la dette publique française, si les taux auxquels emprunte la France grimpent à 6, 8 voire 10 %, François Hollande mettra alors peut-être en œuvre sous la pression le vaste plan d’économies budgétaires qui s’impose. Et sans mettre toute la France dans la rue comme Juppé en décembre 1995, simplement parce qu’il est un Président de gauche.

Et s’il a un peu de chance, il sera peut-être aidé alors par un contre-choc pétrolier ou une baisse de l’euro.

Allez, bonne chance, Monsieur le Président…

Original post blogged on b2evolution.


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