Visite chez Alain Graillot, Crozes-Hermitage

Par Maigremont

St Joseph avec Pierre Gonon, Côte-Rôtie avec le domaine Gangloff. Nous redescendons un peu plus au sud pour nous attaquer à la célèbre appellation Crozes-Hermitage.

Vaste appellation (1130 hectares) qui propose blancs et rouges, la vigne de l'appellation sont disposées en terrasse ou en palissage sur des coteaux granitiques, d'anciennes alluvions du Rhone, de galets roulet, de graves ou de loess.

On y trouve de tout, du mauvais mais aussi du bon. Ici, nous sommes bercés par quelques cépages emblématiques : Marsanne et Roussane pour les blancs et sa majestée la Syrah pour les rouges.
En 1985, nous le verrons plus tard, un irréductible de 41 se démarque de ce qui se fait de consensuel en appellation Crozes-Hermitage : Alain Graillot. Pas d'herbicides, pas d'insecticides au domaine. Toutefois, la mention bio n'est pas revendiquée. A ce jour, le domaine travaille ses 21 hectares à la charrue sur sol plat et au treuil ou à cheval lorsque les vignes sont en coteaux (15 en rouge, 3 en blanc. 20 en appellation Crozes-Hermitage, 1 en St Joseph et symboliquement à hauteur de 10 ares sur l'appellation Hermitage).

Le domaine situé à Pont de l'Isère n'est pas simple à trouver : pas une indication dans le village, pas une pancarte à l'entrée. Lorsque nous arrivons, Alain est en pleine discussion téléphonique et en espagnol s'il vous plait. Un espagnol d'un très bon niveau, qui lui permet d'être le conseiller de plusieurs domaines ibères mais également en Afrique du nord comme au Maroc. Une reconversion qui assure à 68 ans et depuis 2008, une transition en douceur à la bonne tenue du domaine, à ses fils Antoine et Maxime. Ce dernier n'en n'est pas à son coup d'essais, puisqu'il mène désormais les domaines Graillot et celui des Lises qui lui appartient.

Bon, il est temps de se rendre compte par nous même si le vin est aussi bon que ce qu'on peut entendre dire  !

Nous commençons par descendre au sous-sol, au niveau destiné aux blancs. Les chais sont assez récents et fonctionnels, mélange de modernisme et de tradition, utilisant classiquement le principe des niveaux pour la gravité des raisins et des jus pendant les différentes étapes des vendanges et du début de la vinification. La structure béton de l'ensemble permet le maintient et le contrôle des températures.


Le Crozes-Hermitage blanc chez Graillot utilise deux cépages : la Marsanne à hauteur de 80 % et la Roussane pour compléter. Une partie des jus est élevé en cuves inox et l'autre en fûts anciens. L'embouteillage par capsule à vis intervient en avril suivant l'année de la vendange.
Le Crozes blanc 2011 prélevé sur fût est délicat, fin et tendu. "D'habitude, on a affaire à un vin plus puissant avec plus d'alcool. 2011 est un millésime léger". Le 2010 servi en bouteille, outre posséde une très belle couleur lumineuse. Son corps est plus imposant que son cadet d'un an, avec ses notes florales, de miel et de verveine. La finale légèrement saline achève d'en faire un vin agréable. D'après Alain Graillot, les terroirs sur lesquels reposent les vignes ne permettent pas d'en faire des vins de grande garde. L'objectif est d'en faire des vins simples, de plaisir immédiat, à boire rapidement sur leur fruit.

Nous remontons au niveau du plancher des vaches pour découvrir les rouges. L'objectif est d'intégrer une vendange entière. Même si c'est un millésime "compliqué", un tri drastique est effectué dans les vignes, ce qui permet d'élever le jus d'une vendange entière (avec la rafle) en cuvée béton fermée et en fût de un vin. "Au début, on m'a regardé de travers. Maintenant, certain font comme moi, c'est que ça doit être bon ! Mais attention, la rafle doit être parfaitement mure, sinon c'est la catastrophe". Un peu que c'est bon. Parmi les quelques bouteilles du domaine dégustées ailleurs et sur place, jamais il n'a été fait état d'un quelconque trait vert ou d'un ensemble manquant de maturité. Au terme de 12 mois, le vin est mis en bouteille.
Alain Graillot nous sert un peu de Crozes rouge 2011, tiré du fût pour l'occasion (malo faites). "2011 est un millésime sans pression particulière, où nous avons pris notre temps pour vendanger". Le vin est évident, ça pète de fruit. La structure n'est pas immense, mais on l'imagine bien le boire avant les merveilleux 2009 qui pourraient s'installer dans la durée et les grands 2010 qui sont une très belles surprise. "Du coup, ça fera un millésime de restaurateur ! ". Justement, parlons du 2010 : c'est une magnifique syrah, très fine, au corps soyeux mais ne manquant pas de nerfs. Tout petit rendement final (année sèche, un peu comme 1989), plaisir immense, le grain de tannin est diabolique, très fin et rend l'ensemble attirant et enivrant ! Une petite bombe en devenir. Amateur de Syrah, mets-toi immédiatement en chasse de cette bouteille ! Le Crozes-Hermitage 2009 n'est pas en reste. Servie en demie-bouteille, celle-ci devrait se refermer d'ici peu d'après Alain. "Elle est parfaite actuellement et me fait penser en tout point au millésime 1990" annonce fièrement son géniteur.
Nous terminons la dégustation par un Crozes rouge 1997. La couleur est évoluée sur le disque du verre, très légèrement orangée. Le nez est lui aussi évolué, c'est fumé et il appelle irrémédiablement le gibier. Malgré ses presque 15 ans, la bouche occupe encore une belle présence. Le voila le fameux effet vendange entière ! On est loin de la syrah croquante et juteuse d'un millésime récent, mais plutôt sur un équilibre bourguignon, caressant, avec une pointe d'orange et de clou de girofle. Seule la finale un peu "lâche" trahit son âge respectable.
Il existe également une autre cuvée de Crozes-Hermitage rouge : "la Guiraude". Genre de super cuvée provenant d'une sélection des meilleurs fûts. Nous n'aurons pas l'occasion d'y goûter.

Un grand merci à Alain Graillot pour ses explications, son savoir et son temps alloué aux petits adorateurs de la syrah que nous sommes !