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Un « Buy Environmental and Social Friendly European Act* » plutôt qu’un « Buy European Act »

Publié le 21 mai 2012 par Jblully

Un « Buy Environmental and Social Friendly European Act » plutôt qu’un « Buy European Act » - © Artshot - Fotolia.comDurant la campagne présidentielle, la France s’est fait « le poil à gratter » de l’Europe, en particulier sur le champ de la politique commerciale. Avec le « Buy European Act », la France sort d’un schéma de pensée unique et remet en cause une idéologie longtemps dominante dans l’Union européenne : celle d’une ouverture aussi large que possible à ses partenaires sans s’assurer sur le terrain d’un véritable équilibre dans les concessions commerciales.

La proposition d’un « Buy European Act » d’obédience protectionniste constitue-t-elle une radicalisation du positionnement français ou s’agit-il d’une provocation pour inviter l’Union européenne à une politique commerciale plus clairvoyante et à des mesures concrètes en ce sens ?

D’ores et déjà, l’Union européenne est en marche vers la recherche d’une voie médiane entre la naïveté du « tout libéral » et le protectionnisme: celle de la réciprocité ou de la restauration de pratiques commerciales déloyales. Pour autant, l’UE s’est fait attendre pour concrétiser ce changement de stratégie. La proposition législative présentée le 21 mars dernier par le Commissaire européen, Michel Barnier, sur les marchés publics en constitue la première pierre. Selon ce projet de texte, les entreprises étrangères ne pourront soumissionner aux marchés publics européens qu’à la condition que les entreprises européennes aient elles-mêmes la possibilité de le faire sur les marchés étrangers correspondants.

Si ce principe de réciprocité relève du bon sens, il ne suscite pas encore l’unanimité dans les rangs des membres de l’UE. Alors pourquoi la France arrive-t-elle au même moment avec une proposition plus radicale, celle d’un « Buy European Act » ?

Certains diront qu’en période électorale, il était de bonne guerre de pratiquer la surenchère d’idées. Concrètement, la proposition de privilégier l’achat de biens européens par les entreprises – européennes ou étrangères – opérant sur le territoire communautaire est alléchante pour l’électeur. Le « Buy European Act » fait également écho au « Made in » pour les consommateurs. Tous deux tendent à favoriser l’usage et la consommation de produits européens et, par là-même, la réindustrialisation de l’Europe et de la France. Il convient, toutefois, de noter que le premier introduit auprès des entreprises une obligation quand le second invite simplement les consommateurs à un choix averti.

Au demeurant, le « Buy European Act » s’éloigne de la nouvelle ligne de conduite que la Commission européenne essaie d’insuffler à l’ensemble de ses membres. Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux expériences des États-Unis et de la Chine. Le Buy American Act est une vieille disposition qui n’a cessé de connaître des prolongements à la faveur des crises économiques et des replis protectionnistes consécutifs. Le Buy Chinese Act est né, quant à lui, au plus fort de la crise économique de 2008-09, cette dernière servant probablement de prétexte à des tentations larvées des autorités chinoises de protéger un certain nombre de producteurs devenus aujourd’hui les champions nationaux que l’on sait.

La probabilité pour la France de convaincre ses partenaires européennes d’opter pour une approche protectionniste quand la réciprocité n’est déjà pas un sujet consensuel est des plus limitée. Pour autant, la proposition française a le mérite de réveiller les esprits et de faire prendre conscience à l’UE que si elle ne s’accorde pas sur le sujet de la réciprocité, elle peut s’attendre à des tensions plus exacerbées dans la gestion de sa politique commerciale commune. À plaider plus pour obtenir moins, à promouvoir la « loi du Talion » en remplacement de la « joue tendue », la France pourrait ainsi favoriser le passage au forceps du concept de réciprocité en Europe. En prônant un « Buy European Act », la France s’affiche aussi aux yeux de ses partenaires non européens comme déterminée à reprendre en main les sujets commerciaux.

Néanmoins, la France ne doit pas se contenter de « ruer dans les brancards » ; elle doit pousser la réflexion plus loin. Si un « Buy European Act » risque d’engager l’Union européenne dans des bras de fer avec ses partenaires commerciaux, un « Buy Environmental and Social Friendly European Act » pourrait compléter l’initiative de Michel Barnier en imposant aux soumissionnaires de marchés publics européens des obligations plus fortes en matière sociale et environnementale. Sous prétexte de cohérence entre sa politique normative imposée aux producteurs européens et sa politique commerciale, l’Union européenne favoriserait ses entreprises. Une telle initiative imposerait à l’UE de clarifier sa stratégie normative pour le Marché intérieur et en dehors de ses frontières. L’Europe renouerait également avec ses tentatives vaines de taxer les produits étrangers qui ne respectent pas les normes européennes.

Ce n’est pas tant la méthode ou les objectifs qui changent par rapport à un « Buy European Act » que la tonalité de la démarche qui ne s’apparente plus à un protectionnisme déguisé. Certes, la différence est subtile mais elle n’est pas sans valeur. Après tout, « user de la ruse, c’est reconnaître des limites à sa puissance » selon Louis Scutenaire et faire preuve ainsi de réalisme.

La campagne électorale étant achevée, il serait dommage que la réflexion sur le commerce international retombe aux oubliettes. Les entreprises ont un rôle à jouer pour maintenir cette thématique au cœur du débat politique et pour que des pratiques concrètes soient adoptées. Dans tous les cas, ces réflexions mériteront d’être versées également au débat sur le « Made in » et aux travaux que les décideurs politiques et économiques ne manqueront pas de mener ces prochains mois.

* Un Acte européen pour promouvoir des achats respectueux de l’environnement et des conditions sociales


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