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De rouille et d'os de Jacques Audiard

Par Leunamme

Comment rebondir quand on s'appelle Jacques Audiard, que l'on a fait que des bons films, et que le dernier en date, "Un Prophète" est certainement ce que le cinéma français a fait de mieux depuis 10 ans (avec "Des hommes et des dieux", je le concède) ? Ben, c'est simple, on fait un autre chef d'oeuvre, c'est à dire, "De rouille et d'os".

Ali part du nord de la France avec son fils Sam de 5 ans. SDF, sans travail, il trouve refuge à Antibes, chez sa soeur. Passionné  de boxe, il va petit à petit s'engager dans des combats de rue, histoire de se faire un peu d'argent. Stéphanie, elle, dresse des orques et fait des spectacles pour le Marineland d'Antibes. Elle mène une vie tranquille jusqu'à ce qu'un terrible accident lors d'une représentation ne la prive de ses deux jambes. Ces deux êtres cassés par la vie, que rien a priori ne rapproche vont pourtant se rencontrer, s'aider l'un l'autre, et réapprendre à aimer la vie.

En soi, l'histoire est banale, déjà vue mille fois !  Oui, mais jamais ainsi ! Audiard est un virtuose de la caméra, laquelle est au service d'un scénario d'orfévre. Audiard ose tout et le réussit de façon magistrale, comme le simple fait de montrer des moignons de jambes cicatrisés ou des prothèses.  La scène où le jeune Sam touche les jambes de substitution de Stéphanie et s'interroge si cela lui fait mal, cette scène là, filmée par n'importe qui d'autre serait ridicule. Pas avec Audiard, elle est pleine d'émotions, de tendresse, parce qu'il n'y a que Sam et la jambe à l'écran, et que nous sommes psychologiquement avec l'enfant de 5 ans, dans sa tête. 

Tout le film est à l'avenant. Les scène de boxe sont magnifiques. En choisissant de les esthétiser, d'en faire presque une sorte de ballet, il rend la violence supportable, pour nous, certes, mais on comprend aussi qu'elle le devient en même temps pour Stéphanie. 

Comme dans tous ces films, Audiard ne juge pas ses personnages, il les accompagne, les montre tels qu'ils sont bruts de décoffrage, sans pudeur, mais sans pathos. Il n'y a pas de message dans ses films, il ne prend jamais position pour une cause ou une personne, ne dénonce ni ne revendique rien. Audiard n'est pas un cinéaste engagé. Et c'est tant mieux, parce que ce qu'il montre, c'est l'humain dans toute sa vérité, avec ses forces et ses faiblesses.

Il faut quand même dire un mot des deux acteurs principaux. Je n'avais pas vu "La môme", et franchement, jusqu'ici Marion Cotillard ne m'avais jamais transcendé, mais là, ce qu'elle fait est purement époustouflant. D'autant plus, et heureusement pour elle, qu'il s'agit d'un rôle de composition. Pourtant, on croit à sa souffrance, on ressent ses douleurs : elle est sublime. Quant à Matthias Schoenaerts, quelle trouvaille ! Audiard est définitivement un découvreur de talent. D'un bout à l'autre du film on finit vraiment par se persuader qu'il est réellement amputer de la notion même d'amour, qu'il est tellement cassé par la vie qu'il n'y a aucune résurrection possible, jusqu'à la scène finale, incroyable, stupéfiante, où il parvient enfin à ouvrir son coeur. Pour jouer cela, il fallait un acteur d'une immense générosité et d'un coeur immense : c'est le cas.

Dernières petites lignes pour souligner la qualité de la bande son, car décidément, dans ce film tout est bien. Alexandre Desplat mélange habilement morceaux originaux et des chansons plus ou moins connues. Discrète, fine, pointue, la musique de Desplat souligne le film sans jamais l'envahir : c'est de l'anti Morricone absolu, un chef d'oeuvre en soi.

Bref, si avec tout ça vous n'avez pas compris que j'ai vraiment aimé le film et qu'il faut aller le voir de toute urgence ...


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