Faut il sauver le soldat grec? Et si oui, sommes nous, nous citoyens Européens, prêts à en accepter les conséquences financières?
D'abord resituons les faits, c'est toujours utile!
La Grèce, avec la complicité de Goldman Sachs a menti à ses partenaires européens, en maquillant ses chiffres afin d'être acceptée dans l'euro il y a plus de 10 ans. On peut supposer que les Européens, euphoriques à l'idée de réaliser l'union monétaire du continent, ont un peu fermé les yeux, sachant que ce pays ne représentait que 2 à 3% du PIB de la zone euro. Avec le recul, nous réalisons que cela fut une coupable négligence.
Il n'est pas innocent de rappeler qu'en France, c'était le gouvernement Jospin qui était en place pour mettre la dernière main au grand projet initié par leur champion François Mitterrrand, et c'est donc un gouvernement socialiste qui a validé, avec l'accord de Jacques Chirac, l'entrée de la Grèce dans l'euro.
Arrivant au pouvoir en 2010, le socialiste Papandreou, conscient qu'il aurait du mal à délivrer ce qu'il avait promis lors de la campagne électorale, décide de rendre public la situation désespérée dans laquelle se trouvent les finances du pays. Il décide alors de lancer un appel à l'aide, à l'Europe d'abord, puis au FMI.
Les Européens, sous la houlette de Merkel et Sarkozy, qui venaient à peine d'échapper à l'implosion financière provoquée par la crise des subprimes puis la faillite de Lehmann Brothers ne veulent pas d'une nouvelle crise et décident, après plusieurs hésitations de la chancelière de se porter au secours du soldat grec. Ces hésitations font vaciller la confiance des marchés dans la solidité et la solidarité de la zone euro, ce qui encourage les spéculateurs vautours, forts de leurs CDS, à attaquer encore plus la bête à terre.
Au final, et afin de sauver les banques privées, essentiellement françaises et dans une moindre mesure allemandes, qui ont une forte exposition à la dette grecque, Allemands et Français se mettent d'accord pour mettre au point un plan de sauvetage en apportant leur concours financier public à hauteur plus de 300 Mards € et en convainquant les banques d'accepter de perdre 50% de leurs créances sur la dette grecque. On croit alors la situation réglée, Nicolas sarkozy annoncant même que la crise financière est derrière nous.
Survient alors la deuxième trahison des grecs, qui ne respectent pas les engagements pris lors de l'accord de sauvetage. Aucun homme politique ne voulant endosser une impopularité croissante engendrée par les mesures d'austérité demandées au peuple par la troika FMI, Europe(FESF) & BCE, et face à la colère populaire, le gouvernement appelle de nouvelles élections dont les résultats sont proclamés le 6 mai; résultat occulté en France par celui de notre propre élection présidentielle. Le résultat de ces élections est dramatique car il ne permet pas aux partis politiques de constituer un gouvernement, se traduit par la montée des partis extrémistes, et au final démontre que la Grèce n'a plus de gouvernement légitime pour négocier avec ses bailleurs de fonds.
Dans ces conditions, qui voudrait alors préter à un pays dont on sait qu'il n'a pas de représentant légitimement reconnu et dont les promesses seraient facilement remises en cause à tout moment par un successeur issu d'un nouveau scrutin. Les Grecs nous ayant trompés une première fois, on peut comprendre la réticence des Européens, et surtout des Allemands à ouvrir une nouvelle fois leur porte monnaie.
D'autre part, nombreux sont ceux qui ont le sentiment que les Grecs jouent désormais un bras de fer avec l'Europe, convaincus qu'ils sont que l'Europe a plus à perdre à les laisser couler (effet domino redouté vers le Portugal et l'Espagne) qu'à les sauver à fonds perdus. Ils pensent donc que nous les sortirons d'affaire, quel qu'en soit le coût pour nous. Cest pourquoi aujourd'hui la grande majorité des Grecs souhaite rester dans l'euro (on les comprend) mais qu'ils votent pour des partis qui ne veulent pas honorer la dette de leur pays. Cela s'appelle un double jeu, ou encore, en langage trivial, vouloir le beurre et l'argent du beurrre (quant à la fermière Europe, ils l'ont déja baisée, merci pour elle)
Evidemment qu'ils souhaitent rester dans l'euro, puisqu'ils savent bien que le retour à la drachme instituerait de fait une dévaluation de 50% de leur monnaie, et donc de leur pouvoir d'achat. Dans le même temps, de nombreux Grecs commencent à comprendre que l'Europe est à bout et redoutent une issue fatale. C'est la raison pour laquelle, chaque jour, les citoyens grecs retirent près d'1 Mard d'€ de leurs banques, qu'ils thésorisent chez eux afin de se prémunir de cette dévaluation qu'ils sentent imminente.
Un tel run sur les banques les fragilise bien entendu encore plus, et pire, pourrait bien donner des idées à nos amis portugais et espagnols, augmentant considérablement le risque de défaillance des banques dans ces deux pays.
Alors que faire?
Pour ma part, je crois aux grands principes: quelqu'un qui m'a menti une fois le refera, et celui qui n'honore pas sa parole ne peut pas être pris au sérieux. C'est pourquoi je n'accorde aucun crédit à la parole donnée par ce pays et que je pense qu'il faut tout arrêter tout de suite, pendant qu'il en est encore temps.
La situation actuelle me fait penser à l'entreprise endettée qui va voir son banquier: elle lui doit 100 000 €; le banquier n'est pas content, mais l'entreprise ment, triche et promet que çe n'est qu'une mauvaise passe, que cela va aller mieux; le banquier ne souhaite pas perdre ces 100000 €, il donne donc une rallonge. L'encours devient alors de 150000 €. Nouvelles promesses et manipulations, la dette grimpe à 500000 €. Alors qu'au début de l'histoire le chef d'entreprise ne dormait pas, apeuré de se voir couper les vivres par le banquier, désormais la situation est inverse: c'est le banquier qui ne dort plus, car la perte encourue est devenue colossale et prendre sa perte devient énorme (C'est exactement ce qui s'est passé avec la Société Générale dans l'affaire Kerviel).
Dans un précédent billet publié le 12/9/2011 , j'avais déja indiqué ma préference, et le pourquoi de mon choix, pour laisser la Grece, qui nous a trahis, aller à la faillite. Je ne suis aujourd'hui que renforcé dans mon avis. Depuis cette date, notre risque s'est accru de plus de 100 Mards d'euros, probablement en pure perte. Il est temps de prendre notre perte, 66 Mards € pour la France seule, soit 1000 € par français, avant que cette somme ne devienne 5000 ou plus.
Quand on fait des affaires, on ne peut le faire qu'avec des partenaires de bonne foi qui respectent les règles du jeu! Je ne suis pas sur que ce soit le cas de nos amis grecs car pour moi, ils ne jouent pas le jeu, et ils optent plutôt pour la politique du pire. Dans ces conditions, on ne peut pas garder la même monnaie pour des pays dont la gouvernance économique et financière sont aussi opposées que celles pratiquées par l'Allemagne et la Grèce. Angela Merkel est prête à faire des efforts, mais elle a une opinion publique, elle aussi.
Il faut donc laisser , voire la contraindre si nécessaire, la Grece quitter l'euro.
Une fois la Grèce laissée à son triste sort, ce qui n'exclue pas de notre part une aide de solidarité envers un pays sinistré, il sera alors urgent de réformer notre accord pour permettre aux pays de la zone euro de continuer avec la monnaie unique, faute de quoi, le destin de celle ci est scellé, et il faudra envisager de revenir aux monnaies nationales.
Cessons de prendre nos désirs pour des réalités, et prenons la moins mauvaise des solutions: la Grèce doit quitter l'euro. Quand un bras est gangréné, il faut le couper, aussi désagréable et douloureux cela soit, sinon la gangrène gagne tout le corps avec des conséquences bien pires. Toute autre solution serait tres dangereuse pour notre continent.