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Prospective

Publié le 24 mai 2012 par Toulouseweb
ProspectiveQue sera le transport aérien en 2050, en 2150 ?
D’entrée, évitons l’humour facile sur la difficulté de prédire l’avenir. Mais reconnaissons qu’en toutes circonstances, la curiosité relative aux perspectives à long terme qui s’offrent au transport aérien est omniprésente. Elle se traduit régulièrement par des échanges de vues souvent très pertinents, parfois contradictoires, toujours passionnés.
Il s’agit notamment d’admettre que les statistiques de trafic ne monteront certainement pas jusqu’au ciel mais qu’il est probable, plausible, sinon certain, que le trafic continuera longtemps de croître, tout d’abord au rythme annuel moyen de l’ordre de 5%, ensuite de manière probablement moins soutenue. Actuellement, pour faire simple, le trafic double tous les 15 ans, un tempo qui entraîne la prospérité d’Airbus et Boeing, de Bombardier, Embraer, ATR et quelques autres, en même temps que de sérieuses interrogations sur la gestion de l’espace aérien ou encore les capacités aéroportuaires.
Au fil de ces dernières années, experts et analystes se sont rarement risqués à contester les prévisions les plus largement répandues, à savoir celles des grands industriels, de l’OACI, de l’IATA et d’autres groupements professionnels. Tout au plus a-t-on noté ici et là l’expression d’une certain perplexité, voire d’un doute, à commencer par les propos entendus au sein de l’Académie de l’air et de l’espace (1). Mais comment procéder pour imaginer, définir, calculer ce que pourrait être le trafic à l’horizon 2050. Ou mieux, en 2150, une question moins farfelue qu’il n’y paraît à première vue.
L’exercice est difficile. Bien sûr, on sait que le transport aérien progresse en parallèle du PIB, qu’il est cyclique, que son rôle au cœur de l’économie est primordial. Les incidents conjoncturels, les crises, géopolitiques ou autres, affectent directement les compagnies aériennes, cassent provisoirement les courbes de croissance mais lesdites courbes, aussitôt «lissées», montrent que la tendance de fond n’est guère modifiée. La demande est bien là, elle ne cesse de croître et embellir. Les experts du cabinet français ID Aéro, quand ils cherchent à se projeter au-delà des habitudes et des idées reçues, affichent volontiers leur perplexité et contestent une affirmation que plus personne ne prend la peine de rappeler, à savoir que «l’avenir sera à l’image du passé».
Trop simple, voire simpliste ? Le fait est qu’il faut travailler, analyser, prévoir dans la durée, se baser sur ce qu’il est convenu d’appeler des séries longues, construire des modèles qui conviennent, qui plus est, au pas précis du transport aérien. Mais, de manière générale, l’exercice, plus on y réfléchit, apparaît périlleux, voire plein de surprises et, pire, de questions sans réponse.
ID Aéro, qui cherche à élargir le débat, prend l’exemple tout à fait inattendu des crues du Nil. Pourquoi ? Parce qu’elles sont observées, notées, répertoriées depuis l’an 662. Une vraie «série longue», un modèle quasiment parfait. Mais le Nil a changé son régime de crues à deux reprises, aux Xe et XVIIe siècles, sans qu’il soit possible d’en comprendre les raisons. D’où une formidable leçon de prudence et d’humilité.
Au niveau du bon sens, on retiendra qu’en toute logique, la croissance du transport aérien connaîtra au fil des temps une lente décélération, après une période de stabilité (à +5% environ) entamée en 1990. Mais des événements par définition imprévisibles ont perturbé le cheminement des statistiques, notamment l’explosion de l’URSS dont le trafic aérien a aussitôt reculé ou encore le transfert d’une part importante du trafic charter vers le régulier, mouvement qui a gonflé le taux de croissance.
Que dit ID Aéro ? Que la progression moyenne du trafic pour 2020/2030 pourrait se tasser à 4,6% par an, une érosion conduisant progressivement à un taux de 3,9% par an en 2040/2050. Plus tard, beaucoup plus tard, la courbe de la croissance «s’aplatirait», un mouvement qui se confirmerait à l’horizon 2100 et au-delà. Les Etats-Unis restent une référence indispensable, omniprésente, pour tenter d’imaginer l’avenir, dans la mesure où leur marché aérien est arrivé à maturité, avec une moyenne d’un peu plus de six voyages par an et par habitant, un niveau que devraient peu à peu rejoindre les autres régions du monde.
Reste notamment à savoir comment évoluera la démographie mondiale. ID Aéro a retenu l’hypothèse d’une progression «moyenne/haute» qui, en 2150, conduirait à 16 milliards de Terriens. Mais il existe d’autres hypothèses, la fourchette est très large, rendant toute prévision quasiment impossible. Reste le fait que le taux de pénétration du transport aérien en pourcentage de la population, 40% aux Etats-Unis, devrait être comparable ailleurs dans la seconde moitié du siècle. En d’autres termes, d’ici à 2050, le trafic mondial serait multiplié par 4 et, à l’horizon 2150, par 10.
Les analystes d’ID Aéro, devançant les questions, formulent une remarque de bon sens : «qui, en 1970, aurait parié que, 40 ans plus tard, le trafic aérien serait multiplié par 10 ?» Suivent d’autres interrogations : combien d’avions ? Quels avions ? Quels moteurs ? Combien de kérosène ? Combien de CO2 ? Combien d’aéroports ? Il y a là de quoi s’occuper…
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Les 30 et 31 mai, l’Académie de l’air et de l’espace organise à Toulouse un colloque prometteur, «Comment volerons-nous en 2050 ?». Renseignements : 05 34 25 03 80 ou [email protected].

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