En mathématiques, certaines fonctions sont plus difficiles à intégrer que d’autres, mais on imagine qu’il doit bien y avoir un moyen, pensant par là qu’un mathématicien s’en sortirait en moins de deux. Détrompez-vous !…
La fonction inverse est simple à intégrer : un logarithme népérien et le tour est joué… De même, le polynôme x100000000000 + 14*x + 20 est d’une simplicité effarante à intégrer ! Par un tour de passe-passe nommé intégration par parties, on intègre facilement ln(x) en considérant 1*ln(x).
Puis, arrivent les fonctions paradoxalement plus corsées (ce n’est pas le nombre de chiffres qui compte !) : 1/(1+x2), admettant la fonction Arc tangente comme primitive. Quant aux fonctions rationnelles, leurs intégrales ne sont pas des plus commodes (et ce n’est rien comparé à des fonctions plus tordues) :
Ne voyez-vous pas ? D’où sort Arc tangente ? On se demandera du coup d’où sort le logarithme…
Pour ne pas s’embêter avec des expressions tarabiscotées, on a été amener à développer de nouvelles fonctions. Parfois, elles sont plutôt naturelles, parfois non. Le sinus hyperbolique (sh) s’exprime ainsi :
C’est-à-dire qu’il est difficilement interprétable sans l’intervention des nombres complexes ! De même pour son amie cosinus hyperbolique (ch) :
Cela dit, de même que cos2 (x) + sin2 (x) = 1, les fonctions trigonométriques hyperboliques sont solutions de l’équation ch2 (x) – sh2 (x) = 1 : elles sont à l’hyperbole ce que leurs cousines sont au cercle, mais sont surtout révélées par une équation. De même, de nouvelles fonctions font surface dans les équations différentielles non linéaires, ou aux dérivées partielles, l’idée étant qu’elles ne jaillissent pas du néant (en quelque sorte)…
Fonctions sur mesure
On ne sait pas intégrer sin(x)/x (sinus cardinal) ? Inventons la fonction Sinus intégral (Si), dont la dérivée est précisément sin(x)/x ! De même, Logarithme intégral (Li) et Exponentielle intégrale (Ei) font leur apparition dans le joyeux monde des fonctions :
Au dix-neuvième siècle, mathématiciens, et surtout physiciens, peinaient à résoudre les équations différentielles d’ordre deux et quatre. Des fonctions virent alors le jour et furent baptisées bien souvent du nom de leurs découvreurs/inventeurs : là est la question…
Les interférences s’expliquent grâce aux fonctions de Bessel.
Logarithme intégral : au fou ! Pour sûr que l’inverse du logarithme népérien s’intègre ; cela doit être la flemme : il doit exister, taries au fin-fond des mathématiques, de mystérieuses fonctions primitives de ces fonctions en manque de primitives… Non, justement !
Sinus intégral (Si) et Logarithme intégral (Li) ne peuvent s’exprimer à l’aide de fonctions usuelles. Elles font partie des fonctions spéciales, dont la liste est consultable : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_fonctions_sp%C3%A9ciales
Le théorème de Liouville-Rosenlicht affirme que seules certaines fonctions sont intégrables à l’aide de des fonctions usuelles !
Ainsi, une primitive de la fonction Tangente n’appartient pas au corps des fractions rationnelles ! Il existe en revanche une primitive dans une extension logarithmique de ce corps…
Un exemple simple est le suivant, déduite de la formule d’Euler :
.La fonction Arc tangente se ramène donc à une fonction plus simple, explicite. La décomposition en éléments simples eût mené au même résultat… Pour autant, d’autres fonctions, telle la fonction d’erreur, erf (primitive de e-x2) ne peut s’écrire comme composée de fonctions usuelles ; et ça n’est pas la seule – loin de là…
L’heure est grave, voyez-vous : certaines fonctions sont privilégiées par la nature (mathématique) ! Ne nous voilons pas la face : certaines fonctions n’ont pas de primitive simple, et n’en auront jamais, puisque le théorème de Liouville-Rosenlicht a été prouvé… par Maxwell Rosenlicht (1924-1999). Beaucoup de ces fonctions spéciales sont alors ce qu’on peut appeler des aliens mathématiques. Oui, des fonctions venues d’ailleurs : plus que d’un autre corps, d’un autre monde ! Pourtant, elles ne sont pas une pure création de l’esprit, puisqu’elles débouchent vers d’autres pans des mathématiques, et surtout la physique ne peut s’en passer : elles sont là, mais on ne les voit pas. Remarquez, on les perçoit : c’est déjà ça !
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