Patrick Neveu et Jacques Benoît créent l’École de Management par les Valeurs (l’EMAV). Véritable initiative de qualité de vie, je les ai rencontrés afin d’en savoir un peu plus.
Brigitte Baeckelandt : Comment avez-vous eu l’idée de fonder l’EMAV ?
Jacques Benoît : C’est la suite logique de ce que j’ai fait par le passé. Depuis 10 ans que j’ai quitté l’entreprise j’interviens dans des écoles de commerce et des grandes écoles d’ingénieur afin de parler d’éthique et de développement durable. Je m’aperçois que l’on parle surtout de management à travers des méthodes et des techniques et peu à travers les valeurs. Les étudiants me disent que c’est intéressant et enrichissant et que cela permet de compléter ce qu’ils apprennent par la technique. C’est pour cela que j’ai eu l’idée de fonder EMAV.
Cette idée provient également de la rencontre avec Patrick Neveu qui a un parcours complètement différent. Nous nous sommes rejoints sur le constat qu’effectue également François Guichard (fondateur du Casino) : « La plus grande habilité en affaires est la loyauté et l’honnêteté »
Patrick Neveu : De mon côté, c’est un parcours de pédagogue qui m’a amené à réfléchir sur le management. Pendant 10 ans j’ai accompagné des jeunes et des moins jeunes dans des animations socio-culturelles et je les ai préparés à ma manière à l’arrivée dans le monde du travail. Ils cherchaient à mieux comprendre, mieux apprendre et mieux réussir dans la vie professionnelle. C’est une démarche d’accompagnement de citoyenneté.
La rencontre avec Jacques est la rencontre du monde de l’entreprise avec le monde de la pédagogie. C’est assez particulier. Pendant 10 ans, depuis 1997, j’ai également travaillé dans le développement durable. Quand nous nous sommes rencontrés, Jacques avait une approche de l’éthique et du développement durable en entreprise, j’en avais une plutôt dans le monde de la pédagogie. Après plusieurs mois de discussions et de contacts, nous avons décidé de monter ensemble une école où nous ferions du management autrement. Aujourd’hui notre collaboration est du contenu et de la forme. Le contenu : éthique, valeurs, développement durable.
Derrière il y a la création de modules de formation. Un premier module enseigne le commun qui est « obligatoire ». Une fois que l’on a suivi ce module de management général par les valeurs, il y a la possibilité de se spécialiser sur la création d’entreprise, la stratégie d’entreprise, le développement durable, le leadership etc. Il y a 8 thèmes. Ces formations sont proposées en inter-entreprise et sont ouvertes à tout le monde. Mais aussi en intra-entreprise, nous nous déplaçons en entreprise. Nous formons alors une équipe qui souhaite spécifiquement réfléchir sur le management sur les valeurs. Voilà pour une présentation générale de l’EMAV jusqu’au côté concret de la formation.
Brigitte : Proposez-vous d’autres produits ou services ?
Patrick : Oui. A l’issu du premier module de formation, les clients écrivent leurs engagements, leur propre charte de valeurs. C’est une originalité. Ils ne sortent pas avec le livret du formateur ou son livre. Ils sortent avec leur propre charte personnelle. Nous intervenons également dans les entreprises qui le souhaitent afin de les accompagner dans rédaction de leur charte de valeurs. Nous pouvons aller jusqu’à la mise en place d’un agenda éthique suivant les souhaits. Si nous effectuons le parallèle avec la charte du développement durable en entreprise et l’agenda 21 entreprise, nous proposons la même démarche. Une charte éthique, une charte de valeurs, et derrière un agenda éthique. C’est une démarche de consulting en entreprise.
Jacques : Nous ne pouvons pas délivrer de diplôme. Nous sommes dans le domaine de l’éthique qui a un lien très étroit avec la morale. C’est une histoire de conscience, de discernement. Nous n’avons pas le droit de dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Nous n’avons pas le droit de juger le comportement des personnes. Il est donc difficile d’attribuer un diplôme. Nous délivrons une attestation comme quoi le client a suivi nos cours, et c’est comme cela que nous avons eu l’idée que chacun rédige sa propre charte en lieu de diplôme. Il peut ensuite le garder afin de le mettre dans son bureau, ou le montrer à un employeur afin de lui montrer ses engagements. Nous avons trouvé une solution car en éthique nous ne pouvons pas mettre de note à quelqu’un.
Nous avons déjà donné deux formations et les réactions sont particulièrement encourageantes car les participants sont enchantés. Ils ont eu l’occasion d’aborder un sujet qui l’est rarement, de prendre du recul sur leur travail et sur leur vie, sur leurs valeurs. C’est une bouffée d’oxygène pour eux.
Brigitte : Cependant nous sommes en France, comment une personne peut-elle intégrer votre formation dans son cursus afin qu’elle soit perçue comme un plus ?
Jacques : Notre ambition n’est pas de remplacer les diplômes, nous offrons une double compétence. Les diplômes sont une chose. Il y a beaucoup de personnes qui sont diplômées, est-ce pour autant qu’elles vivent des valeurs ? Jean-Marie Messier, diplômé, a-t-il vécu des valeurs ? Notre ambition est d’apporter un plus.
Patrick : Nous avons également l’ambition que notre démarche soit intégrée dans des troisièmes cycles et des masters. Jacques voit dix milles étudiants par an depuis dix ans. Ils sont dans des parcours diplômants. Il n’y a pas de diplôme de management par les valeurs. Faut-il d’ailleurs qu’il y ait un diplôme de management par les valeurs ?
Le meilleur diplôme est celui qui est reconnu comme utile dans le monde de l’entreprise. De plus en plus de salariés et de managers se lancent dans des validations d’acquis de l’expérience, dans des démarches d’acquisition de compétences qui ne sont pas données par un diplôme car il est trop tôt encore. Le diplôme est une démarche qui peut prendre plusieurs années jusqu’à huit ans pour avant d’être reconnu. Nous n’allons pas attendre ce temps-là pour faire du management par les valeurs.
Jacques : Il s’agit d’une ambition à long terme. Nous aurons un troisième cycle qui intègrera les valeurs. Les différents intervenants en gestion, en comptabilité, en marketing, mettront en avant les valeurs. Aujourd’hui nous avons des formations continues, des formations courtes sur deux ou trois jours.
Patrick : le programme de master avec six mois d’enseignement plus stage est déjà prêt.
Brigitte : Qu’est-ce que le management par les valeurs amène en terme de qualité de vie aux dirigeants, aux cadres et aux salariés ?
Jacques : Je citerai seulement quelques chiffres. Il y a 40% des gens qui sont stressés au travail, il y plus de 400 personnes par an qui se suicident au travail, on voit qu’il y a une pression de plus en plus forte due à la mondialisation. Tout cela est un dysfonctionnement au niveau du management. Il faut comprendre qu’organiser une équipe n’est pas spécialement la stresser, donner des objectifs n’est pas mettre la pression, et qu’au contraire la performance passera par l’épanouissement de la personne. Cela va tout à fait dans le sens d’une meilleure qualité de vie.
Patrick : J’aime bien la phrase : « Mon regard fabrique l’autre », si je regarde l’autre positivement, çà va l’aider dans son travail. Parmi les valeurs qui nous étudions dans cette école, nous parlons de confiance, de loyauté, de bonté, d’unité, d’humilité, de sagesse… Je crois que c’est plus facile lorsque nous travaillons avec un collaborateur qui a développé ce type de valeurs et qui les développe avec nous de travailler sereinement et de développer une qualité de vie professionnelle nettement supérieure à celle que nous pouvons rencontrer dans l’entreprise classique aujourd’hui.
Brigitte : Avez-vous envie d’ajouter quelque chose ?
Jacques : Oui. C’est une belle aventure et je suis content d’avoir rencontré Patrick Neveu. Nous croyons à ce projet et au delà de la réussite purement économique, c’est une réussite au niveau de la réalisation de soi de pouvoir être des acteurs pour une entreprise plus humaine. C’est vraiment une très belle aventure.
Patrick : Je reviens sur une des premières phrases du site. Aujourd’hui nous avons mis l’homme au service de l’entreprise, nous remettons l’entreprise au service de l’homme. Cela nous permet d’être tout aussi performants. Nous dépassons la performance économique pour ajouter une performance dans sa vie personnelle qui s’exprime autrement que par l’argent. Même si l’argent c’est bien !
Jacques : Ce n’est pas incompatible. Plus nous aurons une équipe soudée où les gens seront heureux, plus nous aurons une entreprise performante et les résultats économiques et financiers seront positifs. L’enjeu de la nouvelle génération est le choix de l’éthique. L’éthique est une chance pour la personne, pour l’entreprise, pour la société, pour la planète et pour les générations futures. Nous n’avons plus le choix, il faut saisir cette chance. Il faut que les jeunes la connaissent et la saisissent.
Retrouvez l’Ecole de Management par les Valeurs à l’adresse suivante : http://www.emav.fr.
N’hésitez pas également à visiter mon site internet : http://qualite-de-vie.com.