Quand on évoque le droit naturel, la gauche actuelle fait une grimace de dégoût en croyant avoir affaire à une croyance religieuse ou à une espèce de mysticisme. Examinons les trois principales critiques instinctives qui émanent de la gauche socialiste lorsqu’on évoque la notion de nature humaine.
Par Alain Cohen-Dumouchel.
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Dès que l’on évoque la nature humaine ou le droit naturel, la gauche actuelle fait une grimace de dégoût en croyant avoir affaire à une croyance religieuse ou à une espèce de mysticisme. Examinons les trois principales critiques instinctives qui émanent de la gauche socialiste lorsqu’on évoque la notion de nature humaine.
- 1 - La nature humaine est d’origine mystique et obéit à une croyance.
Aucun besoin d’évoquer Dieu pour découvrir les lois de la nature, c’est-à-dire la nature des choses et des êtres. La nature d’une pomme, la nature d’un métal, la nature des corps célestes et leurs relations entre eux ne font pas appel à une conception mystique du monde. Le fait de découvrir des lois naturelles ne suppose ni de croire en Dieu ni d’ailleurs d’être athée.
Même si les droits de l’homme de 1789 sont reconnus « en présence et sous les auspices de l’Être Suprême », cette formule déclarative ne doit pas masquer le fait que la loi naturelle de 1789 n’est pas obligatoirement affiliée à la loi divine et qu’elle peut même, en toute logique, se concevoir sans elle
- 2 - La nature humaine est la marque d’un conservatisme aigu.
En effet, si la nature humaine est immuable, alors ceux qui la défendent sont opposés au progrès, ce sont des « réactionnaires ».
Cet argument, largement ancré dans la pensée socialiste, est pourtant totalement absurde. Les lois physiques de la nature sont immuables à notre échelle, on n’en déduit pas pour autant que les étudier et en tenir compte est une attitude conservatrice. Bien au contraire, c’est en appréhendant les lois naturelles que l’on peut progresser, c’est-à-dire améliorer nos conditions de vie. Ignorer volontairement les lois de la nature peut en revanche s’apparenter à de l’obscurantisme.
- 3 - La nature humaine est floue, imprécise, sujette à interprétation donc inopérante.
Effectivement, la découverte des lois de la nature humaine n’est pas une science exacte. Doit-on pour autant rejeter toutes les sciences « humaines » ? L’économie, l’histoire, la philosophie, l’ethnologie devraient être bannies des universités au prétexte que ce ne sont pas des sciences exactes ? L’argument ne tient pas !
Bien entendu la nature humaine est complexe et ne se résume pas à quelques règles sommaires. C’est d’ailleurs dans son interprétation, dans sa mesure, dans son évaluation, que des différences peuvent apparaître entre libéraux, et qu’un libéralisme « de gauche » pourrait à nouveau prospérer sans avoir aucunement besoin d’adhérer à un égalitarisme rawlsien.
On le voit aucun des obstacles évoqués par la gauche socialiste ne résiste à l’analyse et, ce qui est encore plus frappant, aucun de ses arguments ne réussit à placer le droit naturel « à droite ».
Au contraire le droit naturel possède des caractéristiques révolutionnaires qui devraient être susceptibles de séduire une bonne partie de la gauche. En effet, la notion de nature humaine permet de considérer l’Homme en tant qu’individu souverain et non plus dans ses rapports à la caste, à la hiérarchie ou à la religion. Cela ne veut pas dire pour autant que l’individu libéral est asocial, ou que son milieu n’a pas d’influence sur lui, cela signifie seulement que l’Homme possède des droits qui résultent de sa nature profonde qu’aucune organisation ni aucun pouvoir temporel ne sont fondés à lui contester. C’est ce qu’exprime très clairement la déclaration des droits de l’homme de 1789 dans laquelle les droits de l’homme sont reconnus (et non promulgués) par les représentants du peuple français.
Dans la déclaration de 1789, plus que dans aucune autre déclaration (même la Bill of Rights américaine), le pouvoir se place dans un état de sujétion, de subordination, par rapport à un droit qui le dépasse et qu’il reconnait comme supérieur à lui. La déclaration des droits de l’homme, qui figure toujours en préambule de notre constitution et qui a force de loi, est d’ailleurs extrêmement menaçante à l’égard du pouvoir : « L’oubli et le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements. »
Ce concept révolutionnaire des droits de l’homme de 1789 sera violemment critiqué par Marx pour son individualisme « bourgeois » et fait toujours l’objet de contestations de la part des dirigistes. Les tenants du relativisme culturel ou du positivisme juridique essayent toujours d’en découdre avec les droits de l’homme en niant la notion de nature humaine.
Les puissants de ce monde ont d’ailleurs rédigé en 1948 de faux droits de l’homme pour « reprendre la main » et tenter de faire oublier l’original. C’est ainsi que la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 abandonne complètement le principe subversif de 1789 qui consiste à reconnaître des droits inhérents à l’homme et opposables à toutes les formes de gouvernement (famille, clan, tribu, religion, patrie), pour devenir un catalogue de droits promulgués par des États et des gouvernements. Les droits de l’homme de 1948 redeviennent de simples engagements pris par des gouvernements, donc révisables et négociables, comme on a pu le constater à l’occasion des catastrophiques conférences dites Durban I et II.
Triste contresens qui ne doit pas faire oublier que le droit naturel continue de produire ses effets quelles que soient les appréciations que l’on peut porter sur lui et quel que soit le droit positif en place. Que Marx conspue les droits de l’homme ou que l’ONU les falsifie n’y change rien. Comme la gravitation qui attire et repousse ce qui doit l’être, comme la goutte d’eau qui creuse la pierre la plus dure, le droit naturel fait inéluctablement décliner puis s’effondrer les sociétés qui lui tournent le dos.
La négation de la nature humaine provient de la gauche et de la droite
L’expérience communiste est probablement l’archétype de la négation systématique de la nature humaine. Antihumanisme théorique, glacé, méthodique, dirigé par des gourous menant le peuple comme un troupeau au nom d’une « avant-garde », les multiples expériences communistes ont toutes abouti à des catastrophes humaines et sociales. Elles démontrent que lorsque le droit positif refuse de tenir compte de la nature humaine, le diagnostic génial de la DDH se réalise inéluctablement.
Mais là encore, ce n’est pas parce que le droit naturel explique parfaitement les raisons de l’échec communiste qu’il faut le positionner à droite. Car le droit naturel retoque également les positions conservatrices de ceux qui nient la souveraineté individuelle au nom de la patrie, de la religion ou de la famille.
Les désastreuses politiques de prohibition de la drogue ou de la prostitution qui, elles aussi, ne tiennent aucun compte de la nature humaine, proviennent incontestablement de la droite traditionnelle. En oubliant que les vices ne sont pas des crimes (mépris des droits de l’homme) les apprentis sorciers conservateurs provoquent (causent) de gigantesques trafics et désordres mondiaux (malheurs publics) dont ils tirent profit pour se faire réélire (corruption des gouvernements).
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