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wikipédia n'est pas combustible

Publié le 18 mars 2008 par Adamantane
wikipédia n'est pas combustible Dans Le Monde daté du 16-17 mars, page 2, Bertrand Le Gendre, sous le titre Faut-il brûler Wikipédia, fait avec finesse le point de l'état actuel des controverses autour de cette entreprise collaborative. Un article antérieur de Robert Solé paru dans le même quotidien avait posé le problème en d'autres termes, à propos de l'expérience scandaleusement partiale conduite par un enseignant dans une école de journalisme. Parler d'entreprise collaborative relève plus de l'oxymore que de la tautologie. Ce qui semble en effet être une propriété commune à la majorité des entreprises est d'être non pas un espace collaboratif, mais le lieu géométrique de tous les antagonismes, la table ronde de tous les égoïsmes, le champ d'affrontement de tous les individualismes. Pour que Wikipédia puisse déranger  l' Institut National de Recherches Pédagogiques au point que cette institution déclare que les contributeurs sont au mieux des amateurs, au pire des perturbateurs, combien faut-il que la remise en question d'un modèle vertical descendant de la connaissance orthodoxe que ce nouveau corpus stimule soit acérée et percutante ! Contributeur de (à?) Wikipédia, je plaide coupable. Oui, je suis un amateur. En dépit de cinq années d'études supérieures entées dans des études classiques à l'ancienne (mon bac remonte à 56 – l'année de Les racines du ciel et de Et Dieu créa la femme...), d'un diplôme d'ingénieur, de l'équivalent de trois années de formations complémentaires diverses, d'une expérience professionnelle de quarante années, dont vingt dans le conseil et la pédagogie, je demeure un amateur. C'est à dire une personne qui aime certains pans de la connaissance scientifique, culturelle et artistique. Si l'amateur que je suis vient intervenir dans des sujets techniques où il a déposé des brevets, sur des thèmes culturels dont il a été acteur direct, à propos d'artistes qu'il connait depuis des lustres et dont il a assimilé et défendu l'œuvre, il est bien entendu moins crédible, moins documenté, moins impliqué qu'un universitaire qui , sous l'autorité morale d'un académicien, recopie les thèses de ses professeurs, voit le monde depuis son bureau du campus, tire ses jugements des actes des congrès auxquels il est abonné. Oui, je suis un perturbateur. En dépit de la bonne éducation qui me pousse à émettre des points de vue de manière d'autant plus policée qu'ils sont iconoclastes ou libertaires,en dépit de la considération que j'éprouve envers et contre tout pour ces universitaires que je viens de brocarder un peu sauvagement – car j'en fréquente qui sont d'authentiques cherchants à la fois modestes et prudents – , en dépit du respect que j'ai pour les gros dictionnaires et les savants traités, je m'insurge contre l'idée que la connaissance serait un fleuve aux eaux tranquilles qui coulerait paisiblement d'une calme source. Le perturbateur que je suis croit que la connaissance est temporaire et indécise, que les dogmes révérés d'aujourd'hui sont les âneries moquées de demain, que l'image du savoir se construit dans la controverse, le débat, la confrontation des souvenirs et des angles de vue. L'affrontement des idées purifie la science des a priori et des tricheries, désengourdit la philosophie paralysée par les systèmes, débarrasse l'histoire des scories des idéologies. Et que font les wikipédiens sinon confronter les idées reçues, en tirer par approximations successives une description moins fausse des réalités qu'ils veulent mettre en mots transmissibles ? * * * Ce n'est pas Wikipédia qui pousse les étudiants à tricher dans leurs mémoires et confondre marquetterie de citations et travail original. Déjà il y a cinquante ans les paresseux de la version grecque ou latine cherchaient dans les grox lexiques bien documentés la citation la plus proche du texte à casser pour en emprunter la traduction au généreux compilateur qui avait établi la notice du mot clef de la phrase. Ce n'est pas Wikipédia qui incite les petits malins qui s'amusent à gribouiller partout des insanités à venir vandaliser le travail des abeilles contributrices. De tous temps, certaines personnes à certains moments se sont complues dans la destruction, le sabotage, la déprédation. Et les abeilles soldats découragent les intrus, pendant que les abeilles restauratrices remettent les rayons en ordre. Longue vie à Wikipédia.

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