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La « chasse aux sorcières » ou comment l’histoire est réécrite pour transformer l’Eglise en une machine à tuer

Par Oratoirenotredamedefatima @nd_fatima
Voici une théorie qui risque fort d’être maintenue dans le silence le plus absolu. Le professeur Gunnar Heinsohn de l’Université de Bremen avance la thèse que  ce que l’expression appelle « les chasses aux sorcières » de la Renaissance seraient directement responsables de l’augmentation spectaculaire de la fertilité chez les Européennes de cette époque. Ou comment l’histoire a été re-travaillée pour accabler l’Eglise.A la fin du Moyen-Age, l’Europe est dans une situation démographique désastreuse. Ce qu’on appelle le « Petit Âge de Glace » qui débute au début XIVe siècle provoque une série de mauvaises récoltes de 1335 à 1352, à l’origine de famines en série. La Peste Noire frappe le continent causant la mort de millions de personnes, près d’un quart de la population européenne. Entre 1300 et 1400, la population européenne s’est effondrée de 75 millions à 45 millions d’habitants, soit une contraction de 40 %. En un siècle, l’Europe a presque perdu la moitié de sa population. La « chasse aux sorcières » ou comment l’histoire est réécrite pour transformer l’Eglise en une machine à tuer L’Europe entame la seconde moitié du XVe siècle très affaiblie et dépeuplée. L’angoisse monte : un cruel manque de main d’oeuvre se fait sentir. Chez les intellectuels et économistes de l’époque, la question démographique devient centrale, cruciale même. Ainsi, Jean Bodin, probablement un des plus brillants intellectuels de la Renaissance  avouera « qu’il n’est force ni richesse que d’hommes ». Cependant, relancer la natalité européenne est très difficile pour la simple et bonne raison que le taux de fertilité moyen des Européennes est très bas : environ 2 à 3 enfants par femme seulement.Ce taux de fertilité, compte tenu d’une mortalité infantile bien plus forte que de nos jours, et du tribut prélevé par les maladies infectieuses, parvient tout juste à équilibrer les naissances et les décès.En effet, la femme de l’époque médiévale jouit d’une très grande latitude en matière de contraception. Dans les campagnes où vit la quasi-totalité de la population, le savoir ancestral presque exclusivement féminin et passé oralement de mère en fille, concerne notamment la pharmacopée : les nombreuses plantes, herbes, essences et philtres susceptibles d’affecter la sexualité des hommes et des femmes. Les sages-femmes en sont les gardiennes et jouissent d’une certaine crainte de la part de la population et ne sont que peu inquiétées dans leurs activités. C’est en grande partie pour cela, qu’en dépit de l’absence de contraception moderne, le taux de fertilité moyen durant la période médiévale fut si bas, bloquant tout espoir de renouveau démographique européen.La « révolution » vint d’une bulle du Pape Innocent VIII publiée en 1484 et surnommée la « Bulle des Sorcières ». En effet, si la magie, (empoisonnement des récoltes et du bétail, prodiges, etc., appelée sorcery en anglais) fut de tout temps combattue par le christianisme, il n’en était pas de même pour la sorcellerie (witchcraft en anglais, ce qui veut dire « l’art des sorcières »).

La loi, ce-faisant, décrète la peine de mort pour « les personnes des deux sexes…qui, par leurs incantations, sortilèges, conjurations, et autres charmes et procédés maudits, monstruosités et offenses, ont tué des enfants dans le ventre de leur mère et aussi les rejetons du bétail, ont détruit le produit de la terre,… ; elles empêchent l’homme d’avoir des rapports sexuels et les femmes de concevoir ». Autrement dit, la « chasse aux sorcières » qu’on nous a longtemps présenté comme du fanatisme d’amateurs de massacre était un moyen de protéger l’Europe de la disparition démographique.

En sus de la magie  »classique » vient se greffer le nouveau crime de sorcellerie. D’après le fameux Marteau des Sorcières (Malleus maleficarum), écrit à la même époque (1487) que la bulle papale, on définit les différents crimes de sorcellerie : contraception, stérilisation, avortement.

Par sorcellerie, on entend tous les actes susceptibles d’entraver le processus reproductif normal entre un homme et une femme. Ces pratiques seront dorénavant des crimes passibles de la peine de mort. Contrairement à une idée répandue, les chasses aux sorcières sont donc une invention de la Renaissance et pas du Moyen-Âge. Il s’agissait pour les autorités de l’époque de permettre à l’Europe de se repeupler. Le premier objectif fut atteint de telle sorte que de 1480 à 1750, on n’a pas la moindre mention de la contraception dans les traités alors que c’était un sujet régulièrement abordé durant l’Antiquité et le Moyen-Âge. Le redressement démographique de l’Europe, fut dépassé au delà des espérances. A la fin du XVe siècle, le déclin de population fut enrayé, revenant au niveau de 1300. Puis ce fut l’explosion démographique, le taux moyen de fertilité passant de 3 au Moyen-Age à près de 6 enfants par femme ! Ce très fort taux de fertilité, inconnu jusqu’alors sur le continent, allait se maintenir jusqu’à la fin du XIXe siècle. Même les rationalistes du XVIIIe siècle, si critiques à l’égard de l’Eglise n’abordèrent nullement la question de la contraception. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle et les politiques malthusiennes des états modernes pour voir la question réapparaître de manière marginale, bien que férocement combattue par la frange chrétienne de la population. Enfin, ce n’est que dans les années 60 que la contraception et l’avortement firent un retour fracassant dans les sociétés européennes, avec les résultats démographiques désastreux que l’on connaît.

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