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Clip des législatives : Sarkozy, ou le retour du refoulé à l’UMP

Publié le 29 mai 2012 par Variae

Mardi soir, j’ai regardé le clip de campagne de l’UMP pour les législatives. Je n’ai pas fait exprès : il m’est littéralement tombé dessus, à l’improviste, à la fin de la première interview télévisée de François Hollande. De facture classique pour ce genre d’exercice – donc raisonnablement médiocre – il n’avait pas de quoi, a priori, retenir l’attention. Sauf que.

Clip des législatives : Sarkozy, ou le retour du refoulé à l’UMP

Classicisme éprouvé que cette mosaïque de Français, que l’on imagine soupesée au trébuchet, alternant jeunes, vieux, moins jeunes, moins vieux, blancs, moins blancs ; ânonnant sans conviction un texte mêlant de manière baroque promesses de la campagne présidentielle (la retraite le 1er du mois !), vieilles rengaines anti-socialistes (l’opposition n’a pas été claire sur la burqa !), défense de l’héritage sarkozyste (il faut sanctionner les récidivistes!) et quasi-réquisitoire contre le précédent mandat (non à la fraude aux allocations !). Une œuvre que l’on dirait soigneusement travaillée pour décrocher un bâillement poli. Sauf que.

Sauf que ce clip officiel a pour fil rouge des images dont la présence va crescendo : des images de foules compactes, agitant des centaines de drapeaux français. Des images dont on comprend vite qu’elles proviennent de meetings, et pas de n’importe quels meetings : ceux de Nicolas Sarkozy pour la campagne présidentielle. La caméra, joueuse, parcourt d’abord la foule avant de remonter vers la scène ; on distingue, ainsi, Villepinte, puis, en apothéose avec Jean-François Copé en voix off, le fameux rassemblement du vrai travail au Trocadéro ( à 2 minutes 20).

Quelle est la signification de ces flashs qui viennent entrecouper une production vidéo des plus banales ? Les mouvements de caméra créent un effet de teasing ; on s’attend, quand l’image se fixe enfin sur la scène, à voir apparaître Nicolas Sarkozy, on la scrute d’ailleurs, cette scène filmée de loin, pour y distinguer les petites silhouettes qui s’y agitent, et pour essayer de comprendre si l’une d’entre elles appartient au président sortant, sorti. Pourquoi cette construction ? Vise-t-elle, avec l’image de Copé surgissant tel un deus ex machina aux ultimes secondes de la vidéo, à laisser subliminalement entendre que c’est lui le successeur légitime de Sarkozy, lui le mieux placé pour porter les couleurs de la droite en 2017 ? Est-ce une ruse à replacer dans le contexte de la guerre des chefs qui oppose l’élu de Meaux à François Fillon ?

Si on laisse de côté pareilles subtiles interprétations, l’effet premier de ce montage nostalgique est tout autre. Il place la campagne de l’UMP pour les législatives sous le patronage invisible, mais ô combien envahissant, du chef disparu de la formation politique, un chef (officiellement) perdu pour la vie publique française, et bel et bien battu dans les urnes. Et on en vient à penser que les rodomontades des uns et des autres – il n’y aurait plus de « leader naturel » à l’UMP, il faudrait désormais se tourner vers l’avenir – ne sont justement que des paroles en l’air, se heurtant sans cesse à cette implacable réalité : que reste-t-il d’une formation construite autour d’un homme, quand cet homme disparaît ? Que reste-t-il de la droite sarkozyfiée, sans Sarkozy ? Ce Sarkozy qui semble d’autant plus s’imposer dans les faits, qu’on le refoule dans les discours ?

Les images de meetings insérées dans ce clip de campagne résument finalement très honnêtement la situation : des foules faisant face à une scène vide. Une droite bien présente – son score au deuxième tour n’a pas été déshonorant – mais sans tête. Courra-t-elle tel le canard souffrant du même mal ? Réponse en juin.

Romain Pigenel


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