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Guillaume Tabard « L’opinion publique n’a jamais été aussi lucide sur la situation économique et politique »

Publié le 31 mai 2012 par Délis

Délits d’Opinion : Estimez-vous que le Parti Socialiste, désormais au pouvoir, a bien négocié cet intermède avant les élections législatives ?

Guillaume Tabard : « Le premier élément à noter c’est l’existence d’un fort capital confiance pour l’exécutif, que cela soit pour le Président ou son Premier ministre.  La stratégie qui visait à insister sur l’absence d’un état de grâce semble aujourd’hui payer dans la mesure où les Français confient une « bonne surprise ». En réalité, les socialistes bénéficient d’un effet mécanique qui permet au nouvel entrant d’être largement soutenu dans l’opinion. Les 65% d’opinions favorables mesurées par l’Ifop pour Jean-Marc Ayrault représentent certes un record mais il ne faudrait pas oublier que ses prédécesseurs disposaient eux aussi, d’une côte de confiance supérieure à 60%. Cependant, il est très intéressant de noter à quel point Ayrault a su émerger, au point qu’une grande majorité de Français possèdent déjà un avis tranché sur le nouvel hôte de Matignon.

On note également l’habileté du gouvernement Ayrault pour faire de ce « sas » une séquence résolument positive. En effet, les mesures annoncées dès les premiers jours ont recueilli l’assentiment d’une majeure partie des Français ; que l’on évoque la diminution du salaire des ministres ou la charte de déontologie ministérielle. Ces mesures sont non seulement la preuve que le gouvernement agit vite mais également en conformité avec ce qui avait été avancé lors de la campagne. Dans la même logique, la concertation organisée mardi 29 mai avec les organisations syndicales permet de faire la preuve d’une volonté de dialogue avec tous les acteurs politiques.

Cependant, le fait majeur qui émerge c’est la grande lucidité de l’opinion face à la situation « réelle » du pays. Aussi, ce score n’est pas celui d’un pouvoir illusoire qui fait rêver mais plutôt celui d’un pouvoir jugé « capable », dans une situation compliquée. Enfin, si le risque de déception semble moins fort, le gouvernement sera néanmoins très vite confronté à la réalité de la crise avec notamment la difficile gestion des nombreux plans sociaux annoncés ».

Délits d’Opinion : A droite, quels sont les principaux enjeux et les risques déjà identifiés ?

Guillaume Tabard : « Si on voulait manier l’ironie, on pourrait dire que la droite serait bien embêtée si elle gagnait les élections législatives car on peut se demander si elle aurait- le temps et la capacité de s’accorder sur le nom du premier ministre. Il apparait clairement que l’UMP n’est aujourd’hui plus en état de gouverner même s’il ne faudrait pas longtemps aux troupes pour se remobiliser si la tendance s’inversait. Comme tous les lendemains de défaite, celui-ci conjugué au départ de Nicolas Sarkozy a laissé un grand vide.

La bataille pour la succession qui fait rage depuis quelques jours n’est cependant pas une surprise dans la mesure où il existait de nombreux héritiers potentiels déjà déclarés derrière Sarkozy.  L’opposition Fillon-Copé est fidèle à ce que l’on connait dans pareille situation : deux styles, deux personnalités et même deux sensibilités au sein de la même famille, ici l’UMP. Je ne pense cependant pas que ces débats seront en mesure d’accélérer une scission à droite ; là encore les Français sont très lucides sur la réalité d’un lendemain de défaite. De plus, il est presque préférable pour l’UMP de mener cette bataille dès l’été 2012 plutôt que de laisser les choses s’envenimer avec le temps. La purge sert à cela ».

Délits d’Opinion : Quelle stratégie pour le FN lors de ces élections législatives ?

Guillaume Tabard : « Au cours de ce scrutin je ne pressens pas une implosion de l’UMP ni une stratégie d’alliance avec le FN. A ce sujet, l’idée selon laquelle la droite populaire serait tentée de succomber aux sirènes frontistes est hors de propos dans la mesure où ce sont justement ces députés qui s’opposent le plus frontalement au FN lors de duels, dans la région PACA notamment. En 2012, le contexte n’est pas encore suffisamment mature pour le FN, malgré un très bon score lors de l’élection présidentielle. En effet, le poids électoral du Front National ne lui permet pas (encore) de négocier fermement avec le parti de la droite parlementaire. Aussi, ce nouveau scrutin servira une nouvelle fois d’étape en vue de l’affaiblissement de l’UMP et de la respectabilité croissante que le FN est en passe d’acquérir.

En effet, le FN de 2012 est désormais un parti transformé au sein duquel les électeurs ne se positionnent plus en fonction de la seconde guerre mondiale ou d’un quelconque racisme. Le nier conduirait à des erreurs majeures au sein des partis existants. La balle est donc dans le camp du FN, lequel doit aujourd’hui déterminer à quel rythme il entend s’allier, ou non, à la droite existante.

Lors des prochaines échéances, le FN portera un seul message : l’UMP vous a trahit ! C’est, à ce stade, le seul moyen d’affaiblir l’UMP et de se poser comme une alternative crédible à la gauche. La « vraie opposition » comme le répète souvent Marine Le Pen.

Délits d’Opinion : François Bayrou semble mal engagé dans son fief. La bataille des législatives s’annonce-t-elle comme la dernière du leader béarnais ? Comme le point final à l’aventure du Modem ?

Guillaume Tabard : « Avant même d’entamer cette campagne législative il faut se rendre à l’évidence : le Modem n’est rien et seul François Bayrou existe. La formation que le 3e homme de 2007 avait souhaité est finalement mort-née, incapable de regrouper des élus, des militants nombreux et des soutiens de poids.  A ce jour ils ne sont que trois députés à l’Assemblée nationale et quelques irréductibles au sein de l’Union Centriste au Sénat.

Bayrou avait réussi le coup de maitre d’émerger sur son seul discours en 2007. En 2012, il est retombée au niveau des 10%, un score cependant suffisant pour compter, malgré une faiblesse au Parlement. Aussi, ce combat électoral local en juin 2012 ne déterminera pas la place future de Bayrou dans la vie politique française dans la mesure où il compte en tant qu’individu.

Une nouvelle fois François Bayrou est face à un choix d’alliance : celle qui permettrait au PS de prendre ses distances avec Jean-Luc Mélenchon ou celle qui offrira à d‘UMP un flotteur « gauche », notamment si c’est François Fillon qui parvenait à prendre le pouvoir à droite ».

Délits d’Opinion : les élections législatives peuvent-elles provoquer un changement de physionomie dans le gouvernement, notamment avec l’intégration de représentants communistes ou Verts ?

Guillaume Tabard : « Ce sujet semble en partie bouclé dans la mesure où EELV a eu la géniale intuition politique a eu l’intuition géniale de signer très en amont un accord électoral avec le PS afin d’obtenir un groupe à l’Assemblée. Aussi, il ne faut pas attendre plus qu’une seule nouvelle tête « EELV » au lendemain du 2nd tour des législatives.

La situation parait plus complexe avec le Front de Gauche et les communistes, notamment au regard des déclarations de Jean-Luc Mélenchon. Dans cette famille recomposée on sent bien le désir de pouvoir de certains communistes historiques mais aussi l’envie de Mélenchon de demeurer le poil à gratter du pouvoir en place. Pour lui, le combat à Hénin-Beaumont n’est ni plus ni moins que la porte d’entrée vers la bergerie où il n’entend pas être un allié docile pour le Parti Socialiste ».


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