La presse évoque ces derniers jours le cas de Monsieur GOURGEON, ancien directeur général d’AIR FRANCE, et la « prime » de non-concurrence qu’il aurait perçu à hauteur de 400.000 € après son départ de l’entreprise. A lire les commentaires par les lecteurs de différents sites d’information, Monsieur GOURGEON n’aurait jamais du toucher une telle somme au motif qu’il aurait été mis fin à son contrat en raison de ses piètres performances. On apprend aujourd’hui que le Ministre de l’Economie et des Finances lui demanderait de rembourser cette somme.
Curieusement, personne ne s’est interrogé sur le pan juridique de cette affaire alors que cela aurait pu éviter beaucoup de bruit inutile. (A ce stade, je précise que les développements qui suivent n’ont de sens que si Monsieur GOURGEON avait le statut de salarié dans ses fonctions de directeur général. Mais aucun des articles que j’ai pu lire sur le sujet ne donne de précision à cet égard. Si Monsieur GOURGEON n’était que mandataire social, sans contrat de travail, mes propos n’ont pas vocation à s’appliquer.)
Il convient de rappeler que lorsqu’un contrat de travail contient une clause de non-concurrence, celle-ci n’est valable qu’à quatre conditions:
- la clause est fondé sur un intérêt légitime de l’entreprise.
- la clause doit être limitée dans le temps.
- la clause doit être limitée dans l’espace.
- la clause doit prévoir une contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence imposée au salarié.
Jusqu’en 2006, seules les trois premières conditions étaient exigées mais par un arrêt du 15 novembre 2006, la chambre sociale de la Cour de Cassation a posé une condition supplémentaire, celle de la contrepartie financière (Cour de cassation, 15 novembre 2006, n° 04-46721)
Cette décision a été largement commentées car l’exigence de cette contrepartie s’est appliquée même aux contrats en cours qui pour la plupart ne contenaient pas de contrepartie ce qui a amené employeurs et salariés à négocier celle-ci.
Il est donc impératif que le contrat prévoit la contrepartie financière (ou face référence aux dispositions de la convention collective relatives à cette contrepartie). A défaut, l’employeur ne peut opposer la clause au salarié. Cette contrepartie a pour objet de compenser la restriction imposée au salarié dans la recherche d’un nouvel emploi.
Elle concerne plus souvent des personnels cadres ou commerciaux avec un objectif évident, protéger les intérêts de l’entreprise.
Si l’on considère que Monsieur GOURGEON était salarié d’AIR FRANCE et que son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence (on évoque une période de 3 ans), il est logique qu’il ait perçu une contrepartie financière. Il n’est ni question de morale ni de décence mais de droit et rien d’autre.
Monsieur GOURGEON n’a donc aucune raison de rembourser la somme qu’il a perçue qui a pour objectif de compenser l’interdiction qui lui est faite d’aller travailler pendant 3 ans pour l’un des concurrents d’AIR FRANCE. Compte tenu du secteur d’activité concerné et le nombre réduit d’acteurs sur ce secteur, l’interdiction est très stricte et d’une durée conséquente. Mais cette clause a un intérêt évident dans un secteur très concurrentiel mais aussi aux regards des fonctions occupés par l’intéressé.
La somme de 400.000 € n’a donc rien d’extravagante sans compter par ailleurs qu’elle a surement été fixée au regard de la rémunération que percevait Monsieur GOURGEON chez AIR FRANCE. Elle a semble t’il fait l’objet d’une négociation car AIR FRANCE a choisi de rompre le contrat.