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« Cabinets blancs » – et Libé importa « l’appeau à trolls » dans la presse écrite

Publié le 31 mai 2012 par Variae

Comment ne pas perdre, et (re)gagner, des lecteurs face à la concurrence du web et de la gratuité ? Une question que l’on imagine centrale dans les réflexions des patrons de presse et responsables de publications. Il y a quelques jours, Guy Birenbaum analysait sur son blog deux couvertures du Point et de l’Express comme des tentatives de récupérer, au profit de la presse écrite, les codes qui font les beaux jours d’Internet, en l’occurrence le LOL et l’information people. Avec sa une du jour sur les « Cabinets blancs » de la République, Libération peut se targuer de mettre une nouvelle pierre à cet édifice, en important le concept d’appeau à troll du web à la presse classique.

 

« Cabinets blancs » – et Libé importa « l’appeau à trolls » dans la presse écrite

Même si cette définition fait débat chez les spécialistes de l’Internet mondial, l’appeau à troll peut être décrit comme un intitulé d’article, ou sujet de débat, soigneusement conçu pour attirer l’attention des trolls et les faire venir en grand nombre, avec un double espoir : (1) qu’ils se cognent dessus (2) que cela fasse beaucoup de bruit, pour faire venir encore d’autres trolls et badauds, plus nombreux. Si on ajoute à cela que (a) un troll est inépuisable (2) il a une forte capacité à transformer en trolls les badauds innocents qui tentent de discuter avec lui, on comprend que l’appeau à trolls peut être un outil d’une grande valeur pour gagner de l’audience, de l’attention, des tribunes de protestation en réaction, bref, (re)devenir central dans le débat public. « L’enquête » de Libération, pour sa part, présente toutes les caractéristiques d’un excellent appeau à trolls.

Elle met en avant un problème explosif dans un contexte qui l’est tout autant : celui du comptage des individus par couleur de peau. Après Eric Zemmour qui se plaignait la semaine dernière d’un prétendu ressentiment de Christiane Taubira contre les hommes blancs, Libération dénonce le trop-plein … d’hommes blancs dans les cabinets à la tête de l’Etat. On notera d’ailleurs un habile décalage entre le titre et le contenu de l’article : alors qu’il est dans le papier question autant de parité que de « diversité », le titre se focalise sur la seule couleur de peau, évidemment plus polémique et avec un troll appeal sans commune mesure.

Elle est à forte teneur en termes à haut potentiel de trollage. En quelques lignes : « SOS Racisme », « Terra Nova », la « caste » de « l’ENA » et des « grandes écoles ». Trois totems ayant une certaine  propension à hystériser ceux qui ne s’y reconnaissent pas, ce qui fait, en l’occurrence et par cumul, beaucoup de monde.

Elle entretient enfin une grande confusion sur les questions qu’elle aborde (ce qui est l’essence du troll). Il n’y a pas de questions qu’il faille interdire de poser par principe ; en revanche, la déontologie journalistique, si ce n’est l’éthique intellectuelle, exige de les formuler de manière à faire avancer la réflexion, plutôt que de l’obscurcir plus encore. L’enquête de Libération, volontairement ou involontairement, mélange tout et ne pose pas clairement les problèmes. Listons les questions utiles sur le sujet du jour : le Parlement doit-il être la parfaite projection ethnique de la société (Libé se plaint que seuls une dizaine de députés d’origine africaine ou maghrébine peuvent être élus en juin, ce qui ne serait pas « une représentation équitable ») ? Toute entreprise ou administration devrait-elle de même vérifier cette règle ? Un non-choix est-il une discrimination (autrement dit : avoir choisi majoritairement des Blancs, est-ce avoir discriminé les Noirs et les Arabes) ? La diversité ethnique recoupe-t-elle la diversité sociale ? Le problème est-il que les grandes écoles soient le principal vivier pour la tête de l’Etat, ou que les grandes écoles ne soient pas assez ouvertes, en amont, dans leur recrutement ? Etc. Malheureusement, à aucun moment ces questions sérieuses ne sont sériées et posées en tant que telles dans ce papier : on a droit, à la place, à un méli-mélo sensationnaliste où de méchants énarques blancs volent la place de jeunes des « quartiers populaires » qui ont des solutions que sont incapables d’imaginer les bourgeois du « centre-ville ».

Il ne me reste plus qu’à souhaiter de bonnes ventes à Libération, et de bons chiffres de fréquentation à son site.

Romain Pigenel


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