Maulana Bahaudin se promenait avec Alaudin de Nishapur. Ils longeaient un talus herbeux. Alaudin dit au maulana :
« Je voudrais savoir pourquoi tu as retiré aux élèves la jouissance de si nombreuses pratiques habituelles dans le soufisme. Peut-être as-tu raison, et je suis le premier à reconnaître que tu as probablement raison, quand tu dis que ces pratiques sont sans valeur. Mais tu ne laisses rien aux gens si tu ne permets pas que leur compagnie soit pour eux source de joie. »
Bahaudin lui dit :
« Une scène se déroule à l’instant sous nos yeux. Observe-la. Tu auras ta réponse si tu sais la comprendre, estimé défenseur des plaisirs légitimes. »
Devant eux de jeunes garçons étaient en train de jouer. Ils avaient capturé un écureuil, lui avaient lié les pattes et se le lançaient, comme si c’avait été un ballon. Ils couraient çà et là, ils riaient aux éclats, le plaisir et l’excitation se lisaient sur tous les visages.
C’est alors qu’un jeune homme, voyant ce qu’ils faisaient, quitta le chemin et courut vers eux. Il s’empara de l’écureuil, délia les cordes qui tenaient ses pattes attachées, et le relâcha. Les joueurs étaient furieux maintenant contre celui qui avait interrompu le jeu-de-l’écureuil. Ils lui lancèrent une bordée d’injures.
Alaudin nous a laissé ce commentaire :
« Sans cette démonstration, je n’aurais jamais pris conscience, j’en suis sûr, du caractère relatif et des dangers cachés de ce que nous supposons être des plaisirs légitimes. Mais depuis ce moment-là, j’ai souvent constaté, tout au long de ma vie, que ce qui paraît souhaitable est accompli aux dépens de quelque chose d’autre, et que ce qui plaît aux gens, même aux gens « sincères », peut se révéler mettre en appétit un vice insoupçonné. »
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