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Marre des symboles
"Je fais partie de cette petite minorité de français qui n'a pas versé une larme en voyant l'ancien et le nouveau président de la République se prosterner devant la flamme du soldat inconnu ou serrer, de concert, les mains des militaires gradés tout près de la place de la Concorde qui, dixit Nicolas Sarkozy "a connu tous les Grands Evènements de la France". Moi, perso, j'en ai marre des symboles. Vous savez, ces places, ces musiques, ces poignées de mains, ces petits enfants, ces photos, ces dessins, etc, qui sont censés remplacer par de l'image une réalité qui n'existe pas. J'en ai marre et ça tombe mal car nous sommes les champions du symbole. Logique, en cette période de disette, le symbole ne coûte pas cher et peut faire croire que le monde est beau et plein d'espoir. Prenons la montagne de pompes, déposées par de braves gens vachement engagés sur la place du Trocadéro pour montrer que l'on est contre les bombes à sous-munitions, qui te broient en une seconde une jambe de gamin qui rentre de l'école en passant par les champs. Imaginez-vous le fabriquant de ces saloperies devant la télé frémir devant toutes ces chaussures entassées et décider d'arrêter la fabrication de son gagne-pain? Prenons les merveilleux concerts où le violoniste israélien joue à côté du violoniste palestinien au service de la musique. Avez-vous constaté que cela avait le moindre impact sur la guerre israélo-arabe? Moins de bombes, moins d'attentats, moins de prisonniers politiques, moins d'injustices? Non...Juste une image à la télé. Alors c'est bien de rendre hommage à Louise Michel, à Zola, à Hugo...génial de relire Léon Blum et marcher sur les traces de Mitterrand du côté de Château-Chinon mais franchement, la politique ce n'est pas ça et ça ne peut pas être ça...Il est temps de rentrer dans le dur, de se confronter aux problèmes, au pouvoir d'achat, à la misère grandissante, au chômage, à la fermeture des boîtes, à la formation, à l'école, à la demande de la jeunesse. Je me fous que François couche à l'Elysée, qu'il prenne le train, qu'il roule en vélo, qu'il mange au Mc Do ou qu'il écoute Iggy Pop...Je me fous des symboles...On en a bavé pendant cinq ans des symboles. On veut du lourd."
-Etienne Liebig- Chronique du numéro 1063 de l'hebdomadaire Lien Social