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Le "Je" [2]

Publié le 28 mai 2012 par Didier54 @Partages


L'épisode 1 est ici.
Ca commence demain et ce n'est pas seulement parce que la production n'arrête pas de m'appeler pour que je pense à ceci, pour que je n'oublie pas cela que je suis dans mes petits souliers.
Mes fiches sont posées sur la table du salon. Elles me sortent par les yeux. Je les enverrais bien valdinguer.
Répondez bien, ils on dit et redit. C'est important. Me tapent sur les nerfs, eux. On dirait qu'ils organisent une colo et qu'on est des débiles.
Ils se méfient, en fait. L'un des participants à calenché et ils ont dû en catastrophe se rabattre sur un des réservistes. Ca a tout chamboulé leurs bandes annonces. En vérité, ils m'emmerdent.
J'ai la trouille et puis c'est tout.
Plus d'une fois j'ai songé à leur dire, bon, maintenant, vous me laissez tranquille, j'abandonne on arrête les frais, ça va pas le faire, excusez-moi, je me suis emballé, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, on m'a fait une farce, si si, une farce, je vous promets, au début ça m'amusait, et puis bon, vous comprenez... 
Mais je n'ai pas fait.
A pas perdre le sommeil, ou plutôt, faire n'importe quoi avec ce sommeil. Depuis quelques jours, il s'est barré je ne sais où, je le récupère par bribes, ici ou là.
J'ai juste lutté pour ne pas prendre quelques unes des pilules que m'avait conseillé de prendre Natacha, l'une des assistantes.
Pas envie d'arriver dans un état second.
Natacha m'avait dit en souriant, d'un air entendu, le genre qui sait sur ses talons hauts, vous savez, avant, ça ne va pas être évident, faut essayer d'arriver le plus en forme possible ! J'avais souri. Ne répondant rien. J'avais souri aux talons hauts, en fait.
Et puis c'était loin encore à l'époque.
Sur mon frigo, il y a l'invitation.
Elle me demande d'être à 10 h près du Lac. La date en rouge, c'est maintenant, c'est demain.
La fiche m'explique qu'un bus va venir nous chercher, nous les 12 candidats et nous conduira là où ça se passera. Elle me dit aussi que tout est dans le règlement  intérieur. Qu'ils appellent  la charte. Toujours cette manie de renommer les choses. Mais je l'ai jeté, le règlement. Pas envie de me prendre la tête avec ça. Je me suffis.
J'avais quand même renvoyé deux ou trois papiers, dûment signés.
Des histoires de droits d'image, des clauses de ceci, des engagements à cela.
J'avais d'ailleurs pas mal médité là-dessus, me disant, c'est dingue quand même, le peu de droits qu'on a finalement, la tonne de devoirs qu'on doit remplir. Constamment, ils évoquaient le gros chèque que le vainqueur empocherait, les mille et unes opportunités que les autres candidats auraient ensuite.
Ils avaient peur. Mais de quoi ?
Natacha ne m'avait rien quand je le lui avais demandé.
Elle avait juste haussé les épaules, regardé ailleurs, genre, c'est pas tes oignons, mec.
Le ton changeait dés qu'on leur demandait quelque chose et ça me mettait la puce à l'oreille.
J'avais rien à perdre et c'est cela, je crois, qui me faisait continuer cette aventure complètement débile. Dont j'aurais été le premier à me moquer si un de mes potes était à ma place.
Comment vous vivez vos paradoxes ? On m'avait demandé ça à une des sélections.
Je ne sais plus ce que j'avais répondu. J'étais entré avec ce truc dans un monde où leurs questions n'avaient aucune importance et mes réponses encore moins. Ca ne me déplaisait pas. Et puis ça fonctionnait puisqu'à chaque fois, je me retrouvais à l'étape suivante.
J'avais signé sans lire tous leurs documents, du coup, fatigué par toute cette paperasse.
Je n'étais plus certain de vouloir jouer mais je savais que j'irais.
Je voyais pas trop où était le jeu, même si je sentais bien les enjeux. C'est eux qui m'embarquaient.
Depuis tout ça, je pensais souvent à Sylvie, par exemple. Un soir, une nuit plutôt, ne dormant pas, fumant une clope en terrasse, je m'étais surpris à lui dédier cette aventure. Je me disais qu'elle en reviendrait pas, bien sûr. Elle était morte dix ans plus tôt mais là, je pensais à elle, j'avais envie qu'elle soit fier de moi ou un truc comme ça. C'était allé tellement vite. Si peu de temps entre le moment où on apprenait sa maladie et le moment où tous, on se retrouvait dans une église, pendant que dehors, ce que ça m'avait énervé ça, il y avait un soleil incroyable. Moi qui avait quelques prédispositions pour penser que l'injustice existe, j'avais eu de quoi méditer. Entre deux sanglots. Sylvie plus là, vous pouvez enlever le soleil, je me disais.
Entrer dans ce jeu me faisait penser à cette église. A ce moment. Sauf que là, je pleurais pas.
Je me demandais à d'autres moments qui étaient les autres candidats. Mes compagnons de jeu. Je savais juste que nous étions six hommes et six femmes. Que tous nous aurions un bungalow en bois. Et des salles communes pour discuter, manger, s'amuser. Un de mes seuls soucis avait été de demander à la production s'il y aurait une table de ping-pong.
Oui, on m'avait dit. Une piscine, également. Des terrains de sports, aussi.
Ne vous inquiétez pas.
(à suivre)

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