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Contre l'arbre

Publié le 27 mai 2012 par Didier54 @Partages
Contre l'arbreIl roulait dans la forêt, de ces routes qui n'en finissent pas et c'est tant mieux. Voilà ce qu'il se disait. Tant mieux !
Il aimait longer les clairières, apercevoir des chemins buissonniers, scruter la cacophonie joyeuse des arbres de tous genres et de toutes sortes. Peut-être espérait-il qui sait apercevoir une biche surgir, un lièvre se faufiler, un oiseau débouler. Peut-être.
Le printemps allait bien à la forêt.
C'était l'automne en joyeux. C'était l'hiver qui s'effaçait. C'était l'été qui s'annonçait. C'était foisonnant des pluies d'avant et cela appelait le soleil des jours suivants.
Il se disait, voyant la forêt, voyant la route, voyant la nature exploser de partout, même les broussailles ici semblaient pleines de sève, mêmes les plus cagneuses des racines, c'est un peu cela, la vie.
C'est un peu cela, la société. De tout. Il rageait de ce monde qui ne voulait que les belles plantes.
Des chemins, des routes, de la terre, des mousses, des broussailles, des ronces, des arbres, des cailloux, des animaux et des hommes, des femmes, qui à pied, qui à vélo, qui en voiture.
Et des saisons.
Il se sentait connecté.
Il se disait, les saisons de la nature, ce sont les humeurs des hommes. Chacun sa météo.
Il roulait dans la forêt quand au débotté, il vit cette voiture qui se déhanchait curieusement toute remplie de buée. Et pour cause. Daniel et Josiane s'étaient arrêtés là pour se délester de leurs habits à l'abri des regards, croyaient-ils, et s'empaler joyeusement car ils en avaient envie, furieusement envie, c'était ainsi, quelques heures plus tôt ils ne se connaissaient pas et puis là ils s'arpentaient, c'en était presque suspect, mais ils n'avaient pas le temps de cogiter, d'ailleurs ils ne cogitaient plus et c'est cela qui était bon aussi. Josiane avait mal au dos, quelque chose lui faisait comme un point sur le côté, mais toute aspirée, toute imprégnée, elle faisait avec.
Elle leur avait paru longue cette route qui n'en finissait pas, bien trop longue, évidemment car leurs pores alors s'étaient mis à déclencher d'autres électrodes. Plus leurs yeux brillaient, plus la fébrilité les enrobait, plus Daniel appuyait sur le champignon, plus Josiane n'y tenait plus, moins Daniel voyait la route, moins Josiane avait d'habits et ses jambes, et ses bouts de peau faisaient aimant.
Putain de route, putain de forêt se disait Daniel gorge sèche..
Elle avait commencé par ôter sa culotte, puis son soutien-gorge, elle avait dit, y'a que toi qui sait, personne ne peut se douter, et il souriait bêtement, pendant que ses doigts à elle devenaient soudain chorégraphie sensuelle, dansant entre les plis de la chair et les fibres des fringues.
Ils regardaient en coin, elle en souriant, lui en salivant.
Ils s'arrêtèrent enfin et se penchant, elle ôta ses chaussures. Daniel était au supplice, il peinait tellement à suivre qu'il avait pilé, presque, il avait arrêté la voiture à quelques encablures de la route, à peine visible d'autant que verte. Alors ils s'étaient rejoints, frénétiques, assemblés, oubliant l'inconfort.
Daniel se demanda si le frein à main allait lui laisser une marque dans le dos et s'inquiéta que Josiane se trompe en visant mal, qu'elle s'accroupisse par exemple sur le levier de vitesse.
Elle ne se trompa pas.
Il s'était arrêté, coupant le moteur, et il voyait la voiture bouger, tanguer comme un vaisseau dans la brume. Ca ressemblait peut-être à ça, un vaisseau dans la brume. Evidemment, il vit parfaitement la suite.
Soudain, une porte s'ouvrit. Une femme hilare toute débraillée sortit et alla un peu plus loin. Vite coursée par un homme, qui se délesta de son pantalon resté au bas de ses chevilles.
La femme alla alors entourer de ses bras un arbre pendant que l'homme dressé se dirigeait vers elle.
On était passé du presque grotesque à quelque chose de pantagruélique.
Il regardait, aspiré, fasciné alors qu'ils se cambraient; leurs soupirs et petits cris vite devenus des râles qui donnaient à la forêt une toute autre allure.
Il regardait alentour, se demandant si des animaux allaient venir pour observer ou faire de même.
Rien.
L'homme et les femme s'étaient effondrés au pied de l'arbre.
Il reprit sa route, un peu sonné par cette champêtre découverte, troublé par cette irruption. Il se disait, c'est aussi ça la vie.
Il décida de suivre la voiture.
Il vit Daniel déposer Josiane, Josiane adresser un petit salut en s'engouffrer dans une maison aux volets verts. Il ne sut pas trop quoi faire. Rester là ? Suivre la voiture ? Il s'en fichait mais toute cette impudeur l'avait intrigué. Cette force qui émanait d'eux l'intriguait.
Il ne reconnut pas Josianne lorsqu'elle sortit à la suite d'un autre homme. Il ne reconnut pas Daniel lorsqu'elle il fit monter à son bord une autre femme. Ils allèrent tous à la messe.
On était dimanche.
Il rentra chez lui.
Il regardait sa maison comme on se gratte les tempes.
Il décida d'écrire Daniel et Josiane, imaginant que peu de temps après, alors que l'accouplement avait cette fois pour théâtre un rocher au bord d'un étang, alors que Daniel en chaussures s'enfonçait dans la vase en pilonnant Josianne qui avait le nez sur un nénuphar échoué là, alors qu'ensemble, ils expulsaient la vie qui les tenait debout l'un contre l'autre, un coup de carabine puis un autre puis deux autres allaient trouer le silence de la forêt. Quelques oiseaux apeurés s'envolèrent avant de revenir.
Les journaux parleraient quelques jours de ce crime mystérieux. Aux pistes multiples.

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