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Copé dérape… du vote FN à Taubira

Publié le 28 mai 2012 par Kamizole

Inadmissible ! Son raccourci « Quand on vote FN, on a la gauche et on a Taubira »  (Le Monde 22 mai 2012) - destiné à séduire l’élec-torat frontiste est des plus répugnants. Mais Monsieur Copelovici (Wikipedia) faites gaffe ! Le FN n’est pas seulement un ramassis de xénophobes et d’islamophobes… L’antisémitisme est toujours prégnant chez les amateurs de « Durafour-crématoire »… « Le ventre de la bête est toujours fécond ».

J’en veux pour preuve un article tout récemment publié par la Nouvelle République L'embarrassant mot " juif " dans les requêtes Google  (24 mai 2012). Phénomène que j’avais remarqué depuis bien longtemps… Quand ce n’est pas "juif", c’est "homosexuel", autre phobie de l’extrême droite avec les musulmans. A peu de choses près, le WASP des américains (blanc, anglo-saxon et protestant) : il suffit de changer par Français et catholique et bien évidemment, bien pensant !

Pourquoi au FN adorent-ils l’ignoble Dieudonné - qui porte bien mal son prénom ! - sinon parce qu’il tape avec un acharnement peu commun sur les juifs et Israël. Pour la défense des Palestiniens ? Mon œil ! Il n’en a pas plus à secouer que de sa première dent de lait. Pour m’être égarée une fois sur son site, je peux vous affirmer qu’il m’a fallu être bien maligne pour voir de quoi il en retourne. C’est noyé dans tout un fatras altermondialiste mais une fois découvert le pot aux roses dans quelques articles, impossible de se laisser abuser : cela pue l’antisémitisme.

Cette parenthèse étant fermée, point n’est besoin de se demander bien longtemps pourquoi l’UMP concentre ses attaques sur Christiane Taubira (Le Monde 22 mai 2012) ou encore Le Point L’UMP exploite des rumeurs d’internet contre Christiane (21 mai 2012)…

Attaquée à cause de son passé indépendantiste, de la loi dite « Taubira » condamnant la traite des noirs et l’esclavage, de ses projets en matière de justice et notamment la suppression des tribunaux correctionnels pour les mineurs ? Sans doute.

Mais de mon avis, si ces projets étaient portés par n’importe quel autre ministre de gauche, ils seraient tout autant critiqués par la droite - pensez donc ! Un des bébés Sarko… - mais sans déclencher une telle avalanche de propos haineux et totalement inappropriés dans une démocratie qui se respecte. Je n’y vois donc objectivement qu’une raison : Christiane Taubira est noire. « Noire, noire ? » eût dit Muriel Robin… Bref, elle n’est pas de "cheu nous" et pire : c’est visible !

Certains ne manqueront pas de m’accuser de « théorie du complot » - j’ai découvert un commentaire dans ce sens sur un de mes récents articles repris par Marianne parce que j’avais le grand tort d’énoncer que nos dirigeants n’avaient de fait aucun pouvoir et qu’ils n’étaient de fait que les marionnettes du groupe de Bidelberg, de la Tricontinentale et des multinationales dont les dirigeants furent les invités du désormais célébrissime « dîner du Fouquet’s »…

Vivian Forrester ne dit rien d’autre dans cette « Etrange dictature » sinon que sa langue est autrement poétique que la mienne, à l’instar de François Bon décrivant la désindustrialisation de la Lorraine. « Cœur d’acier » - si ma mémoire ne me trahit pas fut le nom d’une des toutes premières radio libres. 30 ans après, le bilan est largement négatif et Sarkozy y ajouta la touche finale avec la cession d’Arcelor à Meetal.

Je suis confortée dans mon opinion par la charge grossière d’Eric Zemmour contre Christiane Taubira sur RTL "Raciste et misogyne" : Éric Zemmour au cœur d’une nouvelle polémique (La Dépêche 26 mai 2012) « En quelques jours, Taubira a choisi ses victimes, ses bourreaux. Les femmes, les jeunes des banlieues, sont dans le bon camp à protéger, les hommes blancs dans le mauvais (…) Les femmes votent majoritairement à gauche depuis 1981, et dans les banlieues, Hollande a réalisé des scores de dictateur africain ». Il reproche en outre à la garde des Sceaux d’être trop « douce et compatissante », comme « une maman pour ses enfants, ces pauvres enfants qui volent, trafiquent, torturent, menacent, rackettent, violentent, tuent aussi parfois ».

Il tient exactement le même langage que le Front national et les éléments les plus droitiers de l‘UMP. Il n‘est donc point surprenant que Marine Le Pen lui apporta son soutient après sa chronique sur Christiane Taubira (Le Monde 27 mai 2012) au nom de la liberté d’expression et du pluralisme d’opinion dans les médias, considérant que « par ses prises de position (...) il représente une forme de quasi-dissidence vis-à-vis des élites autoproclamées du PAF et des éditorialistes alignés sur une bien-pensance convenue. Pour cette raison, il entre souvent en résonance avec les Français » Merci, Madame Le Pen de ne point parler au nom "des Français" : nous ne sommes pas tous, fort heureusement, racistes et xénophobes. « Avec quelques autres, Eric Zemmour détonne dans un milieu médiatique français déjà très monolithique du point de vue des expressions et des idées, et déjà très déconnecté des aspirations de nos compatriotes ».

Eric Zemmour sera très certainement débarqué de la matinale de RTL  (blog de Renaud Revel sur l’Express 26 mai 2012) décision au demeurant prise bien avant cette nouvelle provocation. Je suis profondément attachée à la liberté d’expression et très souvent plus qu’irritée par cette bien-pensance qui émascule les discours. J’ai toujours préféré « appeler un chat un chat » (Nicolas Boileau) et détesté devoir tourner trois fois voire sept ma langue dans ma bouche pour ne pas choquer tel ou tel. Mais je suis tout autant et depuis ma plus tendre enfance antiraciste - viscéralement et intellectuellement - et serais toujours choquée de voir les noirs ne pas aimer les arabes ou les blancs, les asiatiques détester les noirs ou les arabes, les juifs tout autant racistes à l’égard des autres peuples.

Pour moi, l’antiracisme ne saurait se diviser. J’aime l’humanité toute entière, sans préjugés. Ensuite, qu’il y ait des personnes ou des groupes que je ne saurais aimer pour différentes raisons liées à leurs comportements est tout autre chose : la connerie et la bonté sont distribuées de manière fort aléatoire parmi les peuples, les pays, etc.

Sans doute Jean-François Copé essaie-t-il là encore de rameuter l’électorat lepéniste sur la question sécuritaire. Vieille ficelle sarkozyste. Christiane Taubira annonce-t-elle la suppression des tribunaux correctionnels pour les mineurs(Le Monde 20 mai 2012) ? Aussitôt l’UMP se déchaîne sur la justice des mineurs et dénonce le "laxisme de la gauche" (Le Monde 20 mai 2012). Ensuite de quoi Christian Jacob - dont on ne cessera de célébrer la subtile intelligence ! - est envoyé à l’abordage dénoncer "l'angélisme" de Taubira (Europe 1, le 22 mai 2012).

« Alors là, on est dans l'angélisme ! On parle quand même là de mineurs de plus de 16 ans qui sont récidivistes et passibles d'au moins trois ans de prison. On n'est pas avec des gentils chérubins qui font un chahut à la sortie de l'école ». En contradiction totale avec les récentes positions de Manuel Valls s’agissant de la police. J’aurais bien entendu amplement l’occasion d’y revenir mais je ne peux qu’être d’accord avec lui quand il annonce "ni angélisme ni course aux chiffres"  (Nouvel Obs 17 mai 2012). Une police et une justice sereines et sans œillères partisanes, cela nous changera !

La politique d’un gouvernement est un tout. Et n’en déplaise à certains pisse-froid qui m’accuseront une fois de plus d’être réac, je suis fort aise d’apprendre que Valls veut créer des "commissions police-justice" sur la délinquance des mineurs (Le Monde 25 mai 2012). Il faut en effet rapprocher les points de vue - et les stratégies de lutte contre la délinquance des jeunes - des magistrats ou autres personnels notamment éducatifs s’occupant des mineurs délinquants et les policiers. Pour qu’ils cessassent de s’accuser mutuellement de laxisme ou de répression disproportionnée voire violente. L’on ne traite bien évidemment pas un très jeune mineur en voie de désocialisation et un voyou ayant déjà un pied dans le grand banditisme.

J’ai assez souventes fois fait remarquer que Lionel Jospin et son gouvernement - en n’ayant garde toutefois d’omettre la police de proximité qui eut d’assez bons résultats - n’avaient pas suffisamment pris en compte le phénomène de la délinquance dans les banlieues, n’y voyant que la conséquence de la crise économique, ce qui n'était vrai qu’en partie. A l’époque, il n’y eut pratiquement que Marianne pour tirer la sonnette d’alarme sur ce grave problème. Les socialistes perdirent les élections municipales en 1981 pour cette raison. Il ne suffisait pas de réparer les boîtes aux lettres et les ascenseurs ou donner un coup de peinture dans les cages d’escaliers.

La raison en était pourtant limpide : les habitants ne supportaient plus les actes d’incivilité qui se multipliaient non plus que l’émergence de réseaux de trafics, drogue notamment. Ce qui n’a fait que croître par la suite depuis 2002 et plus encore pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Certaines banlieues étant devenues de parfaites zones de non-droit. Intolérable dans la République.

Souvenez-vous aussi comment Ségolène Royal se fit moquer quand elle dit, sans doute abruptement, qu’il fallait « remettre les familles au carré »… Ce en quoi je lui donnai parfaitement raison car les problèmes d’éducation dans les familles sont une partie du problème. Et aider les parents - sans rien dire des familles monoparentales, le plus souvent des mères divorcées, qui triment dans des boulots mal payés et sont souvent dépassées - est une priorité. Je regrette pour les bobos mais ce message fut largement entendu dans les quartiers les plus difficiles, autant par les parents que par les jeunes adultes en âge de voter, en témoignent les scores qu’elle y a obtenu en 2007 et la colère des jeunes qui se traduisit par des manifestations spontanées au lendemain du 6 mai.

Christian Jacob s’en prend bien évidemment à la décision de Christiane Taubira de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs et de garantir la spécificité de la justice des mineurs, dans l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945... Suppression dont il faudrait n’avoir garde d’oublier qu’elle figurait expressément dans le programme de François Hollande.

Mesure phare de Nicolas Sarkozy : instaurés par la loi du 10 août 2011, ils ne fonctionnent que depuis janvier 2012 - pour les mineurs de 16 à 18 ans, récidivistes et passibles d’une peine d’au moins 3 ans de prison - ces tribunaux sont composés de trois juges professionnels : un juge pour enfants assisté de deux magistrats non spécialisés, habitués à juger également des majeurs, alors qu’auparavant le tribunal pour enfant était composé d’un juge pour enfants et de deux assesseurs spécialisés, issus de la société civile et nommés pour quatre ans.

Sans doute Nicolas Sarkozy en espérait-il - fort stupidement - un durcissement des sanctions. Autant dire que leur mise en place correspondait autant à son obsession ultra-sécuritaire : la prison, ya qu’ça de vrai ! Lors même que précisément l’ordonnance de 1945 - sans exclure les sanctions - entendait mettre l’accent sur les mesures éducatives. S’il en est un qui doit bien se retourner dans sa tombe c’est le Général de Gaulle qui fit adopter cette ordonnance.

Souvenons-nous aussi de Victor Hugo : « ouvrez une école, vous fermerez une prison »… Il les visita d’ailleurs souventes fois en tant que parlementaire. Nicolas Sarkozy fit l’inverse : fermer des écoles ou des classes, ouvrir des prisons… Pour la délinquance des mineurs, je renverrais aussi au magnifique ouvrage de Marie Rouannet sur un bagne d’enfants dans les Cévennes, à partir des archives qu’elle étudia soigneusement. Vous y découvrirez l’horreur en même temps que l’inefficacité: la plupart des jeunes se retrouvant ensuite dans les Bat’ d’Af et plus tard les geôles.

La réaction de Christian Jacob a le mérite de donner la quintessence de celles de l’UMP et du FN.

Qui ironise au sujet des critiques contre Taubira (Flash-info du Figaro 23 mai 2012) Florian Philippot, porte-parole de campagne du parti de Marine Le Pen pour les législatives jugeant "comique" que l’UMP attaque la nouvelle garde des Sceaux alors que Nicolas Sarkozy lui avait proposé d’entrer au gouvernement en 2007 dans son gouvernement d’ouverture… Débauchage des personnalités de gauche. « Et aujourd'hui ils nous disent : c'est l'horreur de l'horreur ! On voit bien les ficelles de campagne (…) il s'agit de prendre une personne et de taper dessus ».

Bien vu ! Il ne peut toutefois s’empêcher d’envoyer une pique à Christiane Taubira : « Que fait Christiane Taubira à la justice ? C'est une question qui se pose : On préfère une justice indépendante à une indépendantiste à la justice ». La pauvre ! Elle va se coltiner ça longtemps encore, comme un sparadrap.

Même François Bayrou s’est mis de la partie, estimant que « Ça ne me paraît pas un très bon signe, les actes commis par les jeunes de 16 à 18 ans passibles de ce tribunal étaient des actes graves ».

Rétablissons la stricte vérité. Les premiers tribunaux pour enfants datent de… 1912, quand l’administration pénitentiaire fut rattachée au ministère de la Justice et non plus à celui de l’Intérieur. Il est absolument faux de penser que les mineurs - surtout entre 16 et 18 ans - n’étaient pas condamnés auparavant à des peines de prison si la gravité des faits l‘exigeait - qu’ils fussent criminels : ils sont alors jugés par une Cour d’assise des mineurs ou auteurs de délits graves qui relèveraient du tribunal correctionnel s‘ils étaient majeurs. C’est ignorer qu’ils purgent alors leur peine dans le quartier des mineurs d’une prison. Avec cette spécificité que l’accent est mis sur les mesures éducatives - études ou apprentissage d’un métier, suivi psychologique, etc. - tout étant mis en œuvre pour aider leur future réinsertion.

J’épinglerais toutefois trois réactions d’élus de l’UMP, particu-lièrement emblématiques

Bruno Beschizza - ancien flic et secrétaire national de l’UMP chargé des questions de sécurité - qui dans un communiqué s’en prend « au retour de l’angélisme et de la culture de l’excuse » jugeant que ce texte n’est qu’un alibi « la gauche n’a jamais abandonné ses vieux clichés angéliques sur les jeunes »…

Eric Ciotti - député UMP (Droite populaire) autre secrétaire national en charge des questions de sécurité… c’est dire si ce fut l’obsession de Sarkozy ! - qui dénonce « un retour au laxisme et à l’irresponsa-bilité » alors qu’il qualifie la délinquance des mineurs de « véritable fléau pour notre société ».

Ce que je ne conteste nullement mais la prison sans des mesures éducatives ne risque certainement pas de résoudre les problèmes. Selon lui, « Mme Taubira apporte une nouvelle démonstration que l'irresponsabilité est bien la marque de fabrique du nouveau gouvernement »… qu’il me donne une mesure - une seule ! - prise sous l’égide de Nicolas Sarkozy qui n’ait pas été le summum de l’irresponsabilité. La meilleure preuve en étant que chaque fois que les choses tournaient trop mal pour lui ou le gouvernement, il cherchait des coupables ailleurs.

Rachida Dati ! La cerise sur le gâteau… Elle a bien appris les éléments de langage à la mode Copé : « C'est un acte irresponsable qui donne un signal de laxisme à l'égard des mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans et risquant plus de trois ans de prison, seuls concernés par les tribunaux correctionnels pour mineurs » a-t-elle estimé sur son compte Facebook. Sans doute entre deux critiques contre François Fillon.

S’il en est une qui devrait plutôt adopter un profil bas en matière de justice, c’est bien l’ancienne et fort calamiteuse garde des "sots"… Qu’a-t-elle à son actif sinon la suppression d’un nombre incroyable de tribunaux dans le cadre de la révision de la Carte judiciaire ? Exit la justice de proximité. Trop coûteuse ? Puisque c’est désormais le seul parangon du service public. En n’ayant garde qu’elle avait dès la première année explosé le budget « réceptions » de la Place Vendôme… (28 mars 2008). Parfois pour des dépenses strictement personnelles.

Ni qu’elle réussit un sacré exploit en se mettant à dos les magistrats - non seulement du Syndicat de la magistrature (SM, à gauche) mais également l’Union syndicale des magistrats (USM, modérés) - en même temps que le personnel de l’administration pénitentiaire (gardien(ne)s de prison, notamment. De même que Nicolas Sarkozy réussit le tour de force de faire descendre les magistrats dans la rue - du jamais vu - et même au coude à coude avec les policiers ! En mettant en cause le juge et le service d’application des peines de Nantes dans une affaire sans doute sordide mais où ils n’avaient fait que suivre les procédures normales.

Dans le genre plus méprisant tu meurs, Rachida Dati a même fait vachement fort, avais-je appris grâce à un très long article du Point (toujours en ligne) L'extravagante Mme Dati (11 déc. 2008) qui relate entre autres turpitudes qu’elle avait invité le 20 octobre 2008 pour une discussion sur tous les problèmes de leur profession, les représentants des trois syndicats de surveillants de prison (Ufap, FO, CGT) et qu’elle leur fit faux bond - ils furent reçus par son directeur de cabinet - prétextant « un agenda chargé »… Tu parles ! En fait, elle recevait au même moment dans un autre salon Albert de Monaco pour un petit déjeuner - certainement pas de travail ! - entre les paillettes pipöle et les puent-la-sueur qui se coltinent un métier particulièrement difficile et éprouvant, surtout quand les prisons sont pleines à craquer - au propre comme au figuré - ya pas photo !

Alors, madame Dati : camembert ! Allez faire votre guéguerre en jupon à Paris où vous prenez Copé pour taper sur Fillon. Nous n’avons pas fini de nous marrer ! Entre ces deux-là, nonobstant que Jean-François Copé annonçait le 7 mai 2012 que « notre famille est complètement rassemblée pour les législatives »  (Le Parisien) ce qui me faisait déjà doucement rigoler connaissant l’antagonisme entre les deux hommes et n’abusait guère la plupart des commentateurs comme en témoigne un article du Point A l’UMP, l’unité de façade montre quelques signes de faiblesse (10 mai 2012). J’aurais bien entendu l’occasion d’y revenir.

Dernier avatar en date, les salves tirées contre Christiane Taubira après l’évasion d’un détenu lors de sa première sortie (Le Monde 21 mai 2012).

La palme de la mauvaise foi ! Qui doit indubitablement être décernée au Républicain Lorrain pour son titre Le détenu s’évade devant la garde des Sceaux (22 mai 2012). Sachant précisément que selon l’article et d’autres que j’ai épluchés, ce détenu - ressortissant géorgien né en 1989, et condamné pour plusieurs faits de vols et recels et qui devait sortir de prison en juillet 2013 - bénéficiait d’une permission de sortie jusqu’à 21 heures et qu’il ne s’est pas présenté à Fleury-Mérogis, ce qui correspond bien entendu juridiquement à une évasion

Ce fait est relativement courant en matière de permissions de sortie et y voir, comme les ânes bâtés de l’UMP la preuve que le laxisme serait de retour avec la gauche en général et Christiane Taubira en particulier est une attaque aussi stupide que grave sur le fond.

Mais bordel de merde ! Qu’ont-ils donc de si parfaits à leur actif en matière de prisons ? Des prisons surpeuplées à la limite de l’explosion, des surveillants qui n’en peuvent mais. Un chiffre impressionnant de suicides de détenus depuis 2009...

Je suis retournée dans mes dossiers : 115 en 2008 Libération 22 janvier 2009 radiographie d'un scandale alors que selon Le Monde Prison : un suicidé sur deux n'avait pas encore été jugé  (18 mars 2009) qui constatait par ailleurs une hausse des suicides en prison en 2009 (18 janv. 2010) par rapport à 2008. Le Point nous apprennant qu’en 2010 109 détenus se sont suicidés en prison (3 mars 2011).

Fort curieusement les chiffres officiels de 2011 n’ont pas été donnés au cours du premier trimestre 2012 : « cacher la merde au chat » en période électorale. Toutefois nous apprenions par un rapport de l’Observatoire international des prisons (OIP) qui alertait sur la recrudescence des suicides en prison en 2011 (Nouvel Obs 7 déc. 2011) que « Sur les huit premiers mois de 2011, 82 détenus ont mis fin à leurs jours contre 73 un an plus tôt, soit une hausse de 12%, selon les chiffres de la Direction de l'Administration pénitentiaire (DAP) qui n'ont pas été rendus publics »… admirable culture du secret !

Les quelques mesurettes de Michèle Alliot-Marie et notamment son « kit anti-suicide » avec draps en papiers et couverture prétendue indéchirable : certains prisonniers les ont bien déchirées pour se pendre auront été une réponse totalement à côté de la plaque. Il faut être particulièrement stupide pour ne pas savoir que geste mûrement réfléchi ou raptus, la pendaison est - de la même façon, se jeter dans le vide, dans l’eau, sous un train ou le métro - un geste qui se veut irrémédiable et que rien n’arrêtera la personne décidée à le commettre.

N’ayons garde d’oublier dans cette macabre comptabilité les fort nombreux suicides parmi les surveillants de prison aux mêmes périodes.

Le 15 décembre 2009 L’Express nous apprenait que 17 surveillants de prison s’étaient suicidés en 2009 .

Je n’ai pas trouvé de chiffres aussi précis pour les années suivantes mais le phénomène n’en continua pas moins. Bien évidemment, il est parfois difficile d’établir un distinguo entre les problèmes professionnels des surveillants et ceux de la vie personnelle comme tout un chacun. Mais comme le soulignait David Besson, secrétaire général de l’Ufap dans une interview donnée au Figaro le 9 avril 2009 après le suicide d’un surveillant de la prison de Luynes - le deuxième en une semaine ! Et le 9ème depuis janvier 2009 - qui constatait que « le mal être s’accentue chez les surveillants pénitentiaires » : « se donner la mort sur son lieu de travail n’est jamais anodin ».

En 2010, un gardien de prison travaillant dans la Région parisienne et originaire du Nord tenta de se suicider avec une arme à feu à Lille (Flash-actu Figaro 30avril 2010).

En 2011, un gardien de prison de Châteaudun s’est suicidé (TF1, le 17 janvier 2011 dans un centre de secours du Loir-et-Cher où il était pompier volontaire et le syndicat Force ouvrière incrimine de suicide aux conditions de travail de la prison devenue une « zone de non-droit  où les détenus ont pris le dessus : leur collègue avait été victime de cinq agressions physiques en 6 ans, dont une très grave il y a 18 mois qui lui avait valu 7 mois d’arrêt de travail ». Toujours en 2011, un gardien de la prison d’Evreux - en uniforme - se suicida à Rennes  (Flash-actu Figaro 25 août 2011)

Je ne saurais trop vous conseiller la lecture d’une article de La Voix du Nord, s’agissant de la tentative de suicide d’un surveillant de prison qui relève des tensions à Bapaume (29 avril 2011). Pour résumer, jusqu’au 4 février 2011, tout allait bien pour ce gardien, proche de la retraite et chef du service des parloirs, « respecté et entretenant des relations conviviales avec ses collègues, et cordiales avec sa direction ». L’arrivée d’une directrice adjointe - réputée dure - fit basculer sa vie professionnelle dans un vrai cauchemar.

Elle décida dans un premier temps de le relever de ses fonctions, pour dysfonctionnement dans son service… Il est quand même formidablement curieux qu’avant l’arrivée de cette mégère (hélas ! Non apprivoisée qui semble un curieux mix entre Cruella et une Magaraude) la direction n’avait jamais observé « qu’il mît en danger la sécurité de l’établissement » dans « un poste complexe dans la mesure où les visites d'avocats, de médecins experts, de familles et de visiteurs de prisons sont nombreuses ». Il fut ensuite muté de service en service, toujours plus difficiles.

Cela n’est pas surprenant. Elle a sûrement été formée à l’école du management par la peur, sur le modèle de «l’entreprise barbare». J’ai lu un article concernant une directrice adjointe d’hôpital qui ne valait pas mieux… L’Ecole de Rennes a dû changer de stratégie, si je pense aux directeurs d’hôpitaux - issus de la même formation - qui nous faisaient cours dans diverses matières quand je fus en stage d’administration hospitalière à Bouffémont… Mais nous étions dans les années 1983-84, à des années lumière de l’ultralibéralisme dévastateur.

Putain ! Quel merveilleux bilan de la Sarkozie en matière d’administration pénitentiaire… C’est bien pour cela que j’enrage en lisant toutes les putasseries qui sont déversées sur Christiane Taubira à l’occasion de « l’évasion » du détenu… A lire certaines réactions, c’est tout juste si ce tournoi de basket n’aurait pas été organisé juste pour elle. Mais il s’agit d’un événement qui s’inscrit dans le long terme.

C'est en effet un tournoi annuel - le troisième du genre, donc approuvé par Sarkozy & consorts ! - organisé dans le cadre des « 10 jours du basket à Paris » et selon l’administration pénitentiaire, « 38 équipes de quatre joueurs, venues de 19 établissements pénitentiaires des régions de Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Paris et Strasbourg participaient à cet événement ».

Je vous fiche mon billet que si Christiane Taubira n’était pas allée au Parc Omnisport de Paris-Bercy où il avait lieu, elle aurait essuyé le même lot de critiques : vous vous rendez compte, la ministre de la Justice qui ne s’intéresse même pas à une opération destinée à rapprocher les surveillants et les détenus !

La critique de Rachida Dati ne vaut pas un pet de lapin, sachant comment elle avait traité une délégation des syndicats du personnel pénitentiaire (lire supra) quand elle fut une si calamiteuse Garde de s Sceaux qui a jugé dans un communiqué « qu’il aurait été préférable que Madame Taubira, pour sa première sortie en tant que garde des Sceaux, rencontre le personnel de l’administration pénitentiaire plutôt que de participer à une opération durant laquelle un détenu s’est évadé ».

Je ferais remarquer à cette péronelle que d’abord, le détenu ne s’est pas évadé pendant le tournoi. Il ne s’est pas présenté à la prison de Fleury-Mérogis à l’expiration de sa permission de sortie, ce qui est fort différent. Ensuite, même si la rencontre était évidemment informelle, Christiane Taubira a bien rencontré des membres du personnel pénitentiaire, non seulement ceux qui participaient au tournoi mais également les hauts fonctionnaires de l’administration pénitentiaire qui étaient présents.

Quant à Bruno Beschizza - titularisé le 28 avril 2012 ! dans le corps des sous-préfets par un décret du président de la République (source Wikipedia ) titularisation que aurait fait des remous mais ce qu’un décret a pu faire, un autre le défait de même manière et chacun sait que la préfectorale est un corps où les postes sont à siège éjectable - j’éprouve la furieuse envie de l’appeler plutôt "Bétizza" et ce n’est pas son ironie aussi fine que celle de Sarkozy qui me fera changer d’avis : « La première visite de la garde des Sceaux a bien été comprise par les détenus : "c’est le retour du laxisme, on ne craint rien "»… Le Pôv C… » !

Enfin, je lis sur un compte rendu de TFI que La droite populaire (UMP) ironise sur Taubira et l’évasion d’un détenu  (22 mai 2012). Ils font bien de préciser UMP tant leur "fachittude" emprunte au FN ! En l’occurrence, il s’agit de Philippe Meunier, député du Rhône. Mais cela pourrait être n’importe lequel d‘entre eux, ils sont inter-changeables.

Il ne craint donc pas d’affirmer dans un communiqué « Première sortie de Mme Taubira, première évasion réussie (…) François Hollande à peine élu, les délinquants profitent de l’angélisme et du laxisme de la gauche lors de la première visite de la nouvelle garde des Sceaux "consacrée aux prisonniers" - quel crime, n’est-il pas ?

Il ajoute fort connement que « Madame Taubira est bien partie pour battre le record de Pierre Arpaillange - garde des Sceaux de Michel Rocard »… lequel restera dans les tablettes pour une fameuse bourde proférée à l’Assemblée nationale : répondant en 1990 à une question d’actualité, il avait en effet répondu « en 1989, sur 52 évadés, on en a repris 53 » ! Je ne vois pas du tout le rapport, et je dois dire que le pauvre Arpaillange fut particulièrement calamiteux, n’ayant pas du tout les épaules d’un ministre de la Justice. Lamentable erreur de casting.

Mais si Philippe Meunier avait quelque intelligence, il devrait se souvenir que Michèle Alliot-Marie ne fit pas preuve d’une plus grande perspicacité intellectuelle quand elle fut garde des Sceaux, et qu’elle ne brilla dans aucun des ministères - régaliens ! - qu’elle occupa, du ministère de l’Intérieur (les prétendus terroristes de Tarnac !) ou pire encore aux Affaires étrangères quand après d’énormes mensonges sur son petit voyage en Tunisie pour fricoter avec la famille Ben Ali, elle fut - quand même ! - poussée vers la sortie par Nicolas Sarkozy.

Elle ne brilla guère plus lors du « chahut de Bayonne », ayant voulu y mettre en scène le rassemblement de « la famille » - l’entendre comme vous voulez ! - qui se traduisit par un prémonitoire : Sarko basta… Ou comme l'écrivit fort justement Serge Raffi dans le Nouvel Obs : le jour où Nicolas Sarkozy a oublié qu’il était impopulaire (2 mars 2012)…

Alors, les donneurs de leçons : basta !


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