Anglais
La Comédie Française, en plus de posséder en sa troupe les meilleurs acteurs de France, se lance
dans un tas de collaborations intéressantes (enfin se lance: ça fait déjà quelques années), avec des tas d’auteurs et de metteurs en scène modernes, dont nous souhaitons un peu vous parler.
Qu’il est beau le théâtre éphémère, tout de bois blond vêtu, que le digne Français a fait provisoirement ériger au coeur des jardins du Palais Royal juste devant les colonnes de Buren, pendant que l’on rénove
et restaure son italienne et richement parée salle Richelieu, juste en face.
Bien à la grecque, permettant à chaque spectateur une bonne vue du plateau, ce bel édifice moderne
et éphémère a accueilli en grande pompe la première entrée au répertoire d’une auteure américaine.
Il s’agit de Naomi Wallace,souvent récompensée outre-atlantique pour ses pièces, qui y confronte
à la fois des questions sociales et des errements plus intimes. La pièce choisie pour figurer au répertoire de la Comédie Française s’appelle « Une Puce, épargnez-là ». Il s’agit d’un huis-clos. A Londres, en 1665, une épidémie de peste fait rage.
Un couple de bourgeois, enfermés chez eux en attendant la fin de la quarantaine, voient s’introduire
par effraction une très jeune fille qui prétend être de la noblesse, et un jeune marin. Alors qu’un garde veille à ce qu’aucun d’entre eux ne sorte, va se jouer une comédie humaine noirâtre qui aura la peau des uns, et fera le salut des autres.
La pièce est certes dure, mais très juste, très poétique jusque sa manière pragmatique de traiter
le huis-clos. Et si bien incarnée par Catherine Sauval (noble épouse qui cherche la réalité de son corps blessé), Julie Sicard (Morse, l’enfant cruelle par laquelle la vérité détruit puis reconstruit),
Guillaume Gallienne (bourgeois dont la noirceur d’âme ne tarde pas à exuder), Félicien Juttner
(Bunce, le marin conciliant et sensuel), et Christian Gonon (Kabe, garde libidineux et philosophe),
qu’elle brille comme un diamant noir dans sa coque de bois.
La mise en scène est sobre, un peu à la sauce éthérée du théâtre subventionné, mais respectueuse
d’un texte profond.
Il faut un peu d’énergie pour s’y colleter, mais pour peu que l’on s’y plonge, l’on ressort touché
par la beauté originale de ce texte qui confronte aussi bien les classes sociales que les sexes,
avec une belle modernité. On est aussi touché, aussi, bien sûr, par l’intensité des personnages,
le talent des comédiens.
Car les meilleurs comédiens de France, n’en doutez point, sont bel et bien à la Comédie Française.
Une puce, épargnez-la de Naomi Wallace. Jusqu’au 12 juin. www.comedie-francaise.fr
AmphitryonPendant ce temps, au Théâtre du Vieux Colombier, un exploit: Amphitryon, de loin pas la meilleure pièce de Molière, écrite qui plus est en alexandrins (c’est un plus chez Racine, mais pas chez tout le monde…) s’en sort très bien, servie par une scénographie très astucieuse (une maison dont les éléments, encastrés les uns aux autres, glissent tour à tout vers l’avant, faisant passer la 2D en 3D, et servant astucieusement le propos quand c’est nécéssaire) et par des comédiens formidables (on vous l’a déjà dit que les meilleurs comédiens de France étaient à la Comédie Française?).
Et par un bon metteur en scène, allez Jacques Vincey.
Alors l’histoire, c’est le dieu Jupiter (Michel Vuillermoz, mi-terrible mi-drôlatique) qui veut lutiner une humaine, Alcmène (Georgia Scalliet, belle jeune fille qui a chopé un Molière quand les Molières existaient encore, et qui est très aimée parmi les jeunesses de la Comédie Française, mais pour adhérer, il faut aimer le style Conservatoire et la diction hachée un peu bizarre), donc il prend la forme de son mari, Amphitryon (Jérôme Pouly, frais comme un gardon). Mercure (Laurent Stocker, également césarisé et qui fut
un génialissime drôlissime énergiquissime Figaro), autre dieu facétieux, pour s’amuser avec son copain (et patron) Jupiter, prend la tête du domestique d’Amphitryon, Sosie (Christian Hecq, burlesque en diable), et s’ensuivent des tas de quiproquos parfois prévisibles mais bien menés par ce talentueux petit monde.
Par exemple, Cléanthis (Coraly Zahonero), la femme de Sosie, qui ne veut plus lui faire de bisou,
car elle a été trompée par Mercure déguisé en son mari et se comportant comme un saguoin.
Ou bien bien Sosie et Amphitryon qui se font des points-route un peu hébétés pour essayer de comprendre l’illusion dont ils sont victimes.
Bref, si l’on est vraiment allergique à cette pièce, mieux vaut s’abstenir (quoique, on ne passera pas
un mauvais moment même dans ce cas), sinon, on sera surpris et heureux.
Amphitryon de Molière, jusqu’au 24 juin, Théâtre du Vieux Colombier, www.comedie-francaise.fr
A deux pas de l’ Hôtel Beauchamps 24 Rue de Ponthieu, Paris 8ème – Champs-Elysées
T: +33 (0)1-53-89-58-58. [email protected]
www.glahotels.com
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