Magazine Humeur

Sept principes pour le changement... #7

Publié le 05 juin 2012 par Ep2c @jeanclp

sept

Suite et fin… de la tentative de mettre un peu d’ordre dans quelques réflexions et références relayées ici…


Principe n° 1 : remettre politiquement en question l’approche sectorielle de la culture

Principe n° 2 : certes, il faut soutenir la création mais la question de la transmission est non moins fondamentale.

Principe n° 3 : si l’on veut que le service public soit non seulement « défendu » mais développé, il faut en conforter l’impératif dans le cadre de la construction européenne.

Principe numéro 4 : la culture dans la décentralisation, c’est la coopération.

Principe n° 5 : promouvoir le développement culturel durable c’est mettre la responsabilité, la démocratie et la solidarité au poste de commandement.

Principe 6 : créer à la fois les conditions politiques qui mettent fin au désenchantement morose qui affecte le monde de l’art et les conditions culturelles qui redonnent sens à l‘action politique.

Principe 7 : le principe de l’égale dignité des personnes doit être le fondement légitime de toute politique culturelle.

Principe 7 : le principe de l’égale dignité des personnes doit être le fondement légitime de toute politique culturelle.

Jean-Michel Lucas : D'une certaine façon, il est un peu triste qu'il faille attendre que des indignés se manifestent pour s'intéresser aux enjeux de dignité des personnes. Car ce sont bien des enjeux qui s'imposent à tous puisqu'ils apparaissent dès l'article 1 des Droits de l'Homme, (Déclaration Universelle de 1948). Reconnaître chaque personne dans sa dignité et donc la respecter dans son identité culturelle est un impératif collectif, auquel nul ne peut se soustraire, pas même les autorités politiques.

L'enjeu culturel n'est plus alors une affaire de secteur spécialisé mais l'affaire de tous et de chacun puisque nul ne peut  revendiquer sa liberté culturelle (ou artistique), condition de sa pleine dignité, s'il porte préjudice à la dignité d'autres personnes humaines. Or, dans la  société de liberté à laquelle nous tenons,  cette exigence de l'égale dignité réciproque n'est jamais acquise d'avance ; les libres paroles des uns blessent les autres, les musiques d'ailleurs insupportent les habitués des musiques d'ici et ceux que l'on appelle les artistes poussent le bouchon  au delà des normes de dignité admises ... L'exigence de dignité réciproque est donc synonyme de  discussions, de polémiques, de "débats" permanents sur le sens et les valeurs acceptables. C'est là l'autre volet qui m'intéresse dans l'impératif de la dignité culturelle : le volet du dissensus nécessaire et accepté qui demande que  les autorités publiques favorisent par l'espace public la confrontation des différentes et multiples manières d'oeuvrer pour  sa liberté culturelle, sa liberté artistique mais néanmoins pour faire humanité ensemble !

J'ai voulu montrer que la politique culturelle devrait en priorité organiser les espaces et temps de "palabres" sur la diversité des valeurs des arts et des cultures. Cette priorité, il est vrai, n'est pas largement partagée et, aujourd'hui, les élus et le ministère préfèrent compter la quantité de publics de l'offre artistique et doser leur soutien en fonction de l'attractivité et du rayonnement des produits culturels de leur territoire, plutôt qu'en fonction du mieux faire humanité ensemble dans la diversité de nos libertés culturelles. D'ailleurs, il suffit de lire Olivier Poivre d'Arvor pour voir la caricature de  cette approche de la culture par le service après vente du rayonnement culturel. ( '"Allant de pair avec une ouverture exceptionnelle aux créateurs et savants du monde entier sur le sol américain, cette nouvelle donne contribuera de manière décisive à construire l'hyperpuissance américaine dans les trois domaines que sont les industries culturelles, l'ingénierie intellectuelle et scientifique et le marché de l'art. On connaît le résultat : après avoir inventé et contrôlé Internet, dont ils captent près d'un tiers des revenus mondiaux, les Américains disposent de ces puissants monopoles financiers que sont Google, Facebook, Twitter, YouTube, Apple, Amazon, iTunes, Yahoo... Il serait plus que temps, en France comme en Europe, d'inventer  d'intelligentes ripostes et d'investir  dans les industries numériques", dans Le Monde du 2 février 2012).

Il est vraiment urgent d'éviter cette dérive de la culture vue uniquement comme "secteur d'activités" où s'affrontent les plus forts contre les plus faibles. De ce point de vue, je suis persuadé que l'enjeu culturel public aurait une légitimité moins boiteuse si les acteurs culturels et les élus acceptaient de prendre comme référence  première de leur politique culturelle la nécessité de respecter le principe de l'égale dignité des personnes ("Tous les êtres humains  naissent libres et égaux en dignité et en droits" : article 1 de la déclaration Universelle des droits de l'homme de 1948). Au moins, le bien fondé de cette politique culturelle  ne pourrait être niée que par ceux qui refusent toute portée universelle à l'éthique des droits humains !

Ces réflexions sont extraites de l’entretien accordé à Mondomix par Jean-Michel Lucas, sous le titre : Sommes-nous condamnés à être des épiciers culturels ?

Propos recueillis par François Mauger, publié le 20/02/2012

Lire l’intégrale de l’entretien sur Mondomix.com

Cette problématique a un autre mérite : celui de nous rappeler que le questionnement politique des politiques culturelles s’inscrit dans une histoire… La recherche du sens est une tâche interminable, toujours à reprendre, ce qui ne nous exonère pas de porter attention à la manière dont ceux qui nous ont précédés ont formulé ces mêmes interrogations.

Grâce à l’appel et au site Devoir de culture , on peut relire aujourd’hui ce qu’écrivait en 1968 Francis Jeanson (oui, celui là même qui inventa le non-public !) sous le titre Les droits culturels en tant que droits de l’homme.

Je pense, alors, que si la culture peut avoir un sens, c’est bien dans la mesure où elle remet les hommes, de plus en plus et de mieux en mieux, en mesure de se sentir efficaces, de se sentir responsables là où ils sont, en fonction d’une information qui demeure nécessaire mais qui doit être elle-même reconsidérée entièrement. Pour moi, la culture commence à la lecture du journal ; quand nos contemporains sauront lire leur journal quotidien sans en être complètement mystifiés ou sans partir de l’idée que tout ce qu’ils vont lire sera des mensonges, il y aura quelque chose de changé. Il y aura également quelque chose de changé quand ils seront en mesure de maîtriser le langage qui passe à travers eux. Je me demande comment il faut faire pour arriver à cela. Je crois qu’il faut se le demander.

Je crois beaucoup que la notion de « droit » doit recevoir le plus rapidement possible un contenu d’action. Il y a deux actions possibles concernant les droits culturels : il y a un type d’action qui consiste à essayer de faire enregistrer des droits théoriques et celui qui consiste à essayer de faire entrer ces droits dans la réalité, peut-être avant même qu’ils aient été enregistrés dans des textes officiels. Je dis que si les deux types d’action ne sont pas au moins simultanés, il risque bien de ne rien se passer. Je parlerais plus volontiers, pour ma part, de culture en termes d’action culturelle, parce que, dans ce contexte, il y a une signification pratique ; mais je voudrais dire aussi que cela suppose évidemment une conception de la culture qui n’est peut-être pas tout à fait celle qui est jusqu’ici la plus répandue.

Autrement dit, on peut considérer la culture comme un ensemble d’œuvres existantes ou de formes de pensées existantes, ou bien on peut considérer que la culture se passe tous les jours, se produit sans cesse, se fait et se défait quotidiennement au simple niveau des rapports concrets entre les hommes. Il y a de la culture qui est en train de se faire à tout moment, partout – et aussi en train de se défaire, bien entendu. Je veux dire, par là, que la culture doit être l’invention quotidienne, permanente, de l’homme par l’homme ; autrement, c’est l’échec de cette invention. La culture est la création permanente des valeurs qui ne naissent que pour être dépassées. Un acte culturel est, en dernier ressort, un choix, une décision responsable et même risquée, où la personne s’engage totalement. La culture est un choix qui signifie le refus d’admettre que l’homme est le produit des produits de l’homme. Il me semble que c’est ce choix qu’il faut favoriser par tous les moyens possibles. Là, on tombe sur une immense question, celle des moyens d’une action culturelle, et c’est dans ce sens, et à ce niveau très réaliste, qu’il faut travailler.

J’ajouterai qu’il s’agit là d’une entreprise, dans le meilleur sens possible du mot, dépolitisation radicale des consciences. Je ne veux pas dire qu’il s’agit de proposer à des consciences un quelconque message politique – surtout pas ; mais il faut fournir aux gens le moyen de se politiser, c’est-à-dire de se choisir, de se situer de plus en plus consciemment, dans un monde qui n’est pas le leur mais qui doit le plus rapidement possible le devenir, si nous voulons, nous, qu’il devienne le nôtre. Il faudra que ce soit notre monde, à eux et à nous en même temps. Là, je crois que la culture – ou ce que j’appelle l’action culturelle – est une entreprise qui repose sur un refus : le refus d’une certaine coupure, d’une certaine exclusion. Cela ne signifie en aucun cas qu’il pourrait s’agir de camoufler les causes économiques de cette coupure, qui restent le domaine des luttes politiques et syndicales. Mais il me semble qu’il y a tout un travail spécifiquement culturel, qui vise non pas à masquer la situation de coupure économique, mais à mettre les hommes de part et d’autre en mesure de penser cette situation, de se choisir par rapport à elle. Bien que les situations dans nos pays ne me semblent pas être jusqu’ici des situations révolutionnaires, il faut néanmoins se préoccuper de révolution, parce que si un jour elles le devenaient, au niveau des structures et des processus objectifs, il n’est pas sûr qu’il y aurait alors un nombre suffisant de consciences pour les prendre en charge. À vrai dire il me semble que nous allons tous, tant que nous sommes, vers des situations explosives, vers des situations révolutionnaires ; et qu’il serait urgent que nous nous y préparions, que nous nous demandions ce qu’il conviendra d’en faire. Il ne faut pas que nous soyons seulement une toute petite minorité à avoir les moyens de nous préoccuper de ce problème ; il faut que ces moyens soient à la portée de tous le plus rapidement possible. Naturellement, cela ne peut se faire que peu à peu, c’est-à-dire de proche en proche, de relais en relais, parce que les moyens ne sont pas encore suffisants pour aller vite ; et cependant, nous sommes dans cette contradiction qu’il faut aller vite.

Pour terminer, il me semble que si l’on parle des droits à la culture, il faut insister beaucoup sur le travail que représente ce refus de la coupure : travail qui n’est en aucune manière exclusif d’une lutte : mais si lutte il y a, un travail de dialogue doit se poursuivre parallèlement. C’est cela l’exigence culturelle, il me semble.

Le texte intégral de cette communication peut être téléchargé à cette adresse.

 

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