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Guéant : la circulaire dans le reliquaire

Publié le 06 juin 2012 par Sylvainrakotoarison

Le gouvernement Ayrault vient d’abroger le 31 mai 2012 la fameuse circulaire Guéant sur les étudiants étrangers et les conditions de leur recrutement en France.

yartiGueant01Un an après, jour pour jour, le nouveau gouvernement défait ce que le précédent avait fait. Pour le coup, même si ce jeu de va-et-vient à répétition peut paraître un peu stérile, là, c’était salutaire. Cela concernait une circulaire, ce qui n’est même pas un décret, encore moins une loi. Il faut maintenant changer le chef suprême des armées pour changer une petite circulaire ministérielle.

C’est la nouvelle Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso, première adjointe au maire de Grenoble, qui a pris cette décision d’abroger.

La circulaire avait fait grand bruit bien après sa signature le 31 mai 2011 : elle a été paraphée par Claude Guéant, le prédécesseur de Manuel Valls au Ministère de l’Intérieur, et a considérablement restreint les conditions de recrutement des étudiants étrangers diplômés en France.

Son but, c’était de réduire encore un peu plus l’immigration légale professionnelle (qui correspond à une part faible de l’immigration légale, à peine 20%). Or, cette immigration professionnelle provient en partie du changement de statut de certains des soixante mille étudiants étrangers devenus diplômés et salariés. La circulaire renforçait donc la réticence à délivrer un permis de travail aux étudiants étrangers en imposant à l’employeur de justifier la nécessité de recourir à une main d’œuvre étrangère.

C’est surtout par le biais des directions des ressources humaines que les premiers hiatus se sont fait connaître. Effectivement, lorsqu’une entreprise a recruté un stagiaire étudiant, et qu’il a bien travaillé, par exemple, sur un logiciel pour une application particulière, il était normal qu’à la fin de cette période de stage, l’entreprise le recrutât. Sauf que, avec cette circulaire Guéant, il devenait quasiment impossible de le faire si cet étudiant était étranger. Pourtant, c’était le seul capable d’être opérationnel dans ce poste puisque c’était le seul à connaître l’application qu’il avait lui-même confectionnée.

Plus généralement, la circulaire a été une erreur complète.
Une incongruité même.

Car c’est un atout pour le rayonnement intellectuel de la France que des étrangers choisissent notre pays pour faire leurs études. Alors, vouloir réduire ce flux de nouveauté culturelle et universitaire n’est pas associé à un sens très affirmé de la pertinence.

Mais refuser en plus que ces étudiants étrangers, formés à grands frais par la République, puissent participer à l’effort national en leur mettant les bâtons dans les roues dans leur éventuelle embauche, c’est encore plus stupide puisque la France s’interdit alors tout retour sur investissement dans la formation de ces étudiants.

Louis Vogel, qui préside la Conférence des présidents d’université, suggère cependant de ne pas se contenter de la voie réglementaire et de légiférer sur le sujet : « Si on abroge les deux circulaires Guéant, celle de mai et la complémentaire de janvier, il faut bâtir un statut stable de l’étudiant et du diplômé étranger en France, au final, cela passera par une loi et non [par] une simple circulaire. ».

Mille cent soixante-quatre cas ont été identifiés où des jeunes diplômés se sont retrouvés sans-papiers et parfois, pour certains recrutés dans des entreprises françaises, licenciés par obligation légale (malgré la volonté de ces entreprises).
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L’un des cas les plus emblématiques concerne Nabil Sebti, jeune diplômé de HEC, qui a dû fermer l’entreprise qu’il avait montée faute de papiers en toute légalité et qui l’a recréée …dans son pays d’origine.

Ces situations ubuesques, dignes des Shadoks, n’est pas sans rappeler non plus les grandes difficultés, pour certains nationaux français ayant eu la grave erreur d’être nés à l’étranger (de parents français), d’être nés en France dans un territoire qui était français à cette époque mais devenu par la suite indépendant, ou encore d’avoir un parent ou deux parents étrangers etc., d’obtenir le renouvellement (le renouvellement !) de leur carte nationale d’identité, les obligeant à prouver leur nationalité française (dont l’État avait déjà certifié la réalité puisqu’ils étaient déjà possesseurs d’une carte nationale d’identité !) jusqu’à la quatrième ou cinquième génération (alors que le droit du sol suffirait pour les nationaux nés en France de parents étrangers et le droit du sang aussi pour les nationaux nés hors de France d’un parent au moins français).

Tous ces tracas administratifs, insensés dans un monde en pleine ouverture où les frontières deviennent caduques par les seuls effets des nouvelles technologies, sont évidemment le résultat d’une politique clientéliste à visée de simple récupération électorale.

Comme je l’exprimais également pour la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité, l’arrivée au pouvoir du Président François Hollande aura au moins cet intérêt pour la nation, celle de redonner corps au creuset républicain, dans une nation où ses membres ne doivent pas se distinguer par leurs origines mais par leur seul mérite.

Goûtons cela à sa juste saveur avant que les nuages n’arrivent (immanquablement) sur le front économique et financier…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (6 juin 2012)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Elle est chouette, ma gueule !
Stigmatisation…
François Hollande.
Jean-Marc Ayrault.
Manuel Valls.
Texte de la circulaire Guéant du 31 mai 2011.
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