Depuis que François Hollande a employé l’expression « président normal », l’adjectif ainsi promu a fait florès. J’avais interprété alors ce propos non comme une façon détournée de qualifier Nicolas Sarkozy de président anormal mais plutôt comme le souci d’indiquer que le candidat entendait se comporter comme un individu simple, ordinaire, quelconque, oserais-je dire lambda ?
Ce concept de l’homme moyen est récurrent dans nos sociétés. Aux États-Unis, il est personnifié sous le nom de John Doe. En Italie, après l’abolition de la monarchie, il a donné son nom à un parti politique, « l’uomo qualunque ». Il est souvent évoqué dans nos statistiques alors même qu’il n’existe pas : a-t-on déjà vu un père de famille doté de 2,3 enfants ?
Revenons un peu à une ère heureusement révolue. Le 23 février 2008, Nicolas Sarkozy lance à un quidam qui refuse de lui serrer la main : « Casse-toi, pov’con ». Le 6 novembre précédent, on avait pu entendre au Guilvinec cet échange consternant :
- Enculé !
- Qu’est-ce qui a dit ça ? C’est toi qui as dit ça ? Eh bien, descends un peu !
- Si j’descends, j’te mets un coup de boule, alors i’ vaut mieux pas.
- - Descends ! Si tu crois, si tu crois qu’c’est en m’insultant qu’tu vas régler le problème des pêcheurs [bafouillis inintelligible] ben viens, viens !
Voilà un président ordinaire, pis qu’ordinaire, trivial, au niveau du bravache de bistrot et pourtant celui qui aurait ensuite sauvé la France, l’Europe, voire le monde. Ses thuriféraires disaient alors : « il est président mais c’est un homme comme un autre ! ». Eh bien non ! S’il est comme tous les autres, on n’avait nul besoin de lui à la présidence de la République et ce, d’autant moins, que lors du débat entre les deux tours de la présidentielle de 2007, on l’avait entendu chapitrer ainsi Ségolène Royal, lors d’un échange à propos des handicapés :
- - Calmez-vous […] et ne me montrez pas du doigt !
- Non, je ne me calmerai pas !
- Pour être président, il faut être calme. […] C’est une conception de la vie politique, il faut savoir garder son calme et ses nerfs.
Certes, un président est un homme comme les autres mais, ce qui l’en distingue, c’est sa capacité à s’élever au-dessus de leur niveau et non à s’abîmer bien en-dessous.
J’évoque ici un épisode qui me semble illustrer cette exigence. Le 16 janvier 2009, peu après son décollage de l’aérodrome de La Guardia, un Airbus 320 de la compagnie US Airways se trouve soudain privé de ses deux réacteurs. Le commandant de bord, Chesley Sullenberger, ne voit d’autre solution pour éviter la catastrophe que de tenter un amerrissage sur l’Hudson. Il réussit et sauve les cent cinquante personnes à bord. Imaginez-vous ce qu’il a fallu d’esprit de décision, de sang-froid et d’habileté de pilotage pour accomplir cet exploit ? Un homme normal, certes, mais qui a su, quand les circonstances l‘exigeaient, se révéler extraordinaire. Du bois dont on devrait faire les présidents, en somme !