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A deux jours des législatives, tour d’horizon du paysage politique

Publié le 08 juin 2012 par Delits

Majorité relative ou absolue pour François Hollande et le PS, enjeu de l’abstention pour le FN, succession de Nicolas Sarkozy à droite : à quelques heures du premier tour des élections législatives qui pourraient chambouler duablement le paysage politique,  Emmanuel Rivière, directeur du départment  stratégies d’Opinion à TNS Sofres,  répond aux questions de Délits d’Opinion

Délits d’Opinion : A quelques heures du premier tour des législatives, quel rapport de force semble se dessiner selon vos sondages ?

Emmanuel Rivière : Le bloc de gauche, incluant toutes les gauches, se situe à 45,5%. De l’autre côté de l’hémicycle, l’UMP, ses alliés du nouveau centre, et les radicaux, obtiendraient 35%. Si l’on ajoute le FN, on obtient un bloc de droite à 50%. Au centre, le modem, fait 2%. Pour ce dernier, on peut considérer, en fonction de sa sociologie politique actuelle, qu’il se reporte moins bien sur l’UMP (et inversement) que la gauche sur elle-même.

La situation ressemble fortement à celle de 1997. A l’époque, on avait 47,1% pour le total gauche, mais dont 2,5 points issus de l’extrême gauche. Ce qui donnait au final 44,6% pour la gauche parlementaire. Avec un niveau de la gauche parlementaire qui serait sensiblement identique, on s’oriente vers une victoire de la gauche à l’assemblée Nationale. Mais la situation pourrait être plus favorable au Parti socialiste qu’en 1997, élection dont il était sorti vainqueur sans toutefois disposer de la majorité absolue. La part du Parti Socialiste et de ses proches alliés radicaux (31,5%) au sein de la gauche lui permet d’espérer franchir le seuil de 289 élus.

A l’inverse, si la droite est théoriquement plus forte, avec 50%, elle constitue un bloc très hétérogène et désuni par rapport à la gauche, et le niveau de l’UMP et de ses alliés est à ce stade trop faible pour espérer une victoire aux législatives.

Délits d’Opinion : comment se présente le scrutin pour le Front National ?

Emmanuel Rivière : Pour le Front national non plus, les choses ne se présentent pas de la même façon qu’en 1997. A l’époque, il y avait eu plus de 130 maintiens au second tour, 76 triangulaires, dont la plupart furent fatales à la droite.

En part de voix exprimées, on pourrait être dans une situation comparable, avec un FN qui se situe à 15% environ au premier tour. Mais, la participation ne sera pas la même, modifiant fortement la donne pour le FN. En effet, pour se maintenir au second tour, il faut soit être second, soit dépasser le 12,5% des inscrits ; Et en 1997, on était à un assez bon niveau de participation, avec seulement 32% d’abstention.

L’abstention risque en 2012 d’être beaucoup plus massive. A titre de comparaison, durant la dernière élection législative de 2007, qui faisait suite à une élection présidentielle où l’on avait beaucoup voté, des records d’abstention avaient été battus (39,6%). Avec 40% d’abstention dans une circonscription, il faudrait faire plus de 20% des exprimés pour que les candidats puissent se maintenir au second tour. Donc l’impact du Front National sera sans doute moindre qu’en 1997. Il aura des possibilités de se maintenir, mais plutôt dans des duels face à la droite ou la gauche, dans des circonscriptions où le camp éliminé avait de toute façon peu de chances de l’emporter.

Délits d’Opinion : Les premiers pas de François Hollande peuvent-ils expliquer la bonne configuration dans laquelle se trouve actuellement le parti Socialiste ?

Emmanuel Rivière : La première cause d’une victoire de la gauche aux législatives répondrait d’abord à une logique institutionnelle. Les législatives fonctionnent comme une confirmation de la présidentielle. Le pays a fait le choix de l’alternance, Il est donc logique, pour une majorité de Français, de donner une majorité au Président. Un vote qui s’effectue par ailleurs dans un climat d’inquiétude malgré la période post -présidentielle qui redonne traditionnellement un léger souffle d’espoir. Or, ce climat anxiogène se prête assez peu à un schéma complexe de cohabitation. Il y donc globalement une prime au vainqueur.

Ensuite les premiers pas de François Hollande ont effectivement été plutôt appréciés. On le voit dans nos enquêtes. Les différentes mesures et notamment les plus symboliques, comme la baisse de salaires du gouvernement, la hausse du smic, et d’une façon plus mesurée sur l’augmentation de la rentrée scolaire, sont accueilles avec bienveillance.

Pour autant, quand on pose la question de la cote de confiance – Faites-vous confiance à François Hollande / Jean-Marc Ayrault pour résoudre les problèmes qui se posent actuellement en France ?-, les résultats du nouveau couple de l’exécutif sont plus faibles que ceux de leurs prédécesseurs. Et l’on voit bien que la question ne relève pas seulement de la bonne ou mauvaise opinion, mais bien de la capacité à répondre à des problèmes jugés complexes comme le chômage ou la dette

Délits d’Opinion : La droite a-t-elle souffert de la querelle des chefs ?

Emmanuel Rivière : La hache de guerre entre François Fillon et J-F Copé a été vite enterrée et n’a pas eu beaucoup d’impact sur l’électorat de l’UMP. L’électorat qui se reproduit le mieux est en effet celui qui a voté pour Nicolas Sarkozy en faveur des candidats UMP pour ces législatives.

Délits d’Opinion : Comment expliquer les excellents scores de François Fillon après 5 ans passés à Matignon ?

Emmanuel Rivière : En effet, la situation peut surprendre. François Fillon, premier ministre, sortant de 5 ans à un poste qui fait souvent office de lessiveuse, débute ce nouveau cycle en étant le personnage le plus populaire de notre classement, avec 43%.

Cela s’explique notamment grâce à un excellent socle à droite, et plus particulièrement à l’UMP (81%), mais aussi parce qu’à gauche, 28% des gens veulent lui voir jouer un rôle dans les années à venir. En d’autres termes, il est un des favoris de la droite jugé le plus acceptable à gauche.

C’est une situation paradoxale qui témoigne aussi du rôle joué par François Fillon au cours de ce quinquennat. Il n’a pas du tout été impliqué dans certains des motifs du rejet de Nicolas Sarkozy qui tiennent notamment à un mode de décision et un exercice du pouvoir. Et, Il n’est pas non plus mis en cause par les aspects les plus polémiques de la campagne et notamment sa droitisation au lendemain du premier tour de la présidentielle.

Délits d’Opinion : Entre François Fillon et J-F Copé, les français ont-ils fait leur choix ?

Emmanuel Rivière : Jean-François Copé obtient des scores moins bons que ceux du premier ministre sortant. Le chef de l’UMP est crédité de 53% de bonne opinion chez les sympathisants UMP. Il obtient 11% chez les sympathisants de gauche ; Sa fonction est par nature plus clivante. Sa personne l’est sans doute aussi. Jean-François Copé a été au combat direct. On se souvient notamment de son face-à-face avec François Hollande, qu’il avait réussi à déstabiliser au cours d’un débat. Un succès qui a pu se jouer au détriment de son caractère, jugé parfois cassant.

En théorie, la position de premier ministre est aussi usante par nature. Pour François Fillon, elle ne l’a pas été, en raison notamment d’un positionnement plus consensuel et plus posé, qui semble aussi correspondre à son caractère. Par ailleurs, son appel à la responsabilité, à la rigueur, semblent aussi correspondre aux attentes du moment.

Délits d’Opinion : Un bon chef de parti fait-il un bon candidat ?

Emmanuel Rivière  : La question est prématurée, parce que le bon candidat à l’élection présidentielle dépendra du contexte. La France et les Français seront-ils dans une phase de combat, de rassemblement, de réconciliation européenne ? Pour moi, un bon candidat de droite à l’élection présidentielle dépendra de la situation du pays et de la situation du FN. Et le bon candidat de 2017 n’est pas forcément le bon chef de parti qui partira à la reconquête des territoires lors des élections locales intermédiaires.

Propos recueillis par Matthieu Chaigne


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