Les propriétaires n’auront ainsi plus la possibilité de procéder à une augmentation des loyers à l’occasion de chaque changement de locataire. L’objectif de la mesure est de faire en sorte qu’un locataire qui arrive dans un logement paie le même loyer que son prédécesseur.
Par Thibault Doidy de Kerguelen.
Dans un entretien accordé au quotidien Libération, et dont vous avez certainement entendu parler, Cécile Duflot, la ministre du Logement, a indiqué qu’un décret visant à encadrer l’évolution des loyers lors des « relocations » serait publié dans le courant de l’été pour une application dès la rentrée. Les propriétaires n’auront ainsi plus la possibilité de procéder à une augmentation des loyers à l’occasion de chaque changement de locataire. L’objectif de la mesure est de faire en sorte qu’un locataire qui arrive dans un logement paie le même loyer que son prédécesseur.Le discours officiel de la langue de bois gouvernementale se sent obligé de préciser que « …les loyers ne seront pas bloqués pour autant, ils continueront d’évoluer en fonction de l’indice de référence adossé à l’inflation ». Ce qui est bien sûr une contrevérité, puisque cela revient à dire que le gouvernement s’arroge le droit de décider de manière autoritaire et dirigiste du prix des loyers. Ce n’est ni le marché ni la règle de l’offre et de la demande qui désormais régulera le prix des loyers, c’est l’indice publié par l’INSEE, institut sous tutelle de Bercy… Le gouvernement prétend stopper ainsi la spirale inflationniste des loyers (+2,4% en moyenne de façon générale, +6% en moyenne pour les « relocations » en Île-de-France en 2011), principalement dans les zones où il existe une distorsion entre l’offre et la demande de logements (Île-de-France, littoral méditerranéen et certaines métropoles régionales). Nous sommes là dans une pure logique socialiste. Qu’est-ce qui fait que les loyers augmentent actuellement ?
D’abord la hausse du prix d’achat. L’INSEE vient de publier les chiffres, sur un an : les prix franciliens de l’immobilier demeurent en hausse (+5,4%). L’augmentation est plus marquée pour les appartements (+6,2%) que pour les maisons (+3,8%). Si l’investisseur achète plus cher, comment peut-il ne pas répercuter cette hausse sur les loyers ? Vous remarquerez combien les chiffres sont proches, +5,4% à la hausse, +6% à la location. D’ailleurs, cela m’amène à m’interroger sur la manière dont notre ministre entend gérer ce problème. Un nouveau propriétaire ne pourra pas louer le bien à hauteur du son coût d’acquisition ? Cela rend le rendement de l’immobilier tout de suite beaucoup moins attrayant. Il ne faudra pas dès lors se plaindre de ne pas trouver d’investisseur.
L’autre grande cause de l’augmentation des loyers, c’est la raréfaction. La politique, déjà initiée par le gouvernement précédent, consistant à supprimer les pseudo « niches fiscales » a conduit à une réduction importante des avantages accordés aux investisseurs en immobilier locatif (lois Scellier). Ceci doit nous conduire à la suppression pure et simple du dispositif au plus tard à la fin de l’année, comme Madame Duflot, décidément très en verve, l’a annoncé. Or, exactement comme nous l’avions indiqué à maintes reprises dans ces colonnes dès l’année dernière, cette funeste décision n’a d’autres conséquences que de raréfier l’offre, donc d’accroître le problème du logement et de provoquer un phénomène naturel à la hausse des loyers. C’est simple, le 30 mai dernier, les chiffres sont tombés. Ils parlent d’eux-mêmes : les ventes de logements neufs ont chuté de 14,4% en France au premier trimestre 2012 par rapport au trimestre équivalent de 2011, selon les derniers chiffres communiqués par ce même ministère du logement dont la politique génère la situation qui lui sert ensuite de prétexte pour étatiser le marché. Au total, 19 600 logements neufs ont été vendus par les promoteurs sur les trois premiers mois de cette année. Le ministère fait état également d’un plongeon de 22,5% des mises en chantier (76 215) et d’une baisse de 2% des permis de construire (101 945) entre février et avril 2012. Qui peut croire que l’État a aujourd’hui les moyens de se substituer à cet investissement privé défaillant ? Personne. Des milliers et des milliers de logements ne seront pas construits et il sera de plus en plus difficile pour de plus en plus de Français de se loger.
Un certain nombre de promoteurs et de professionnels du logement craignent que la mise à mort du dispositif Scellier ne soit avancé à cet été par le gouvernement. En fait, il importe peu de savoir s’il sera avancé ou non. Le mal est fait. Comme nous le redoutions, des milliers d’emplois vont disparaître, qui feront autant de millions de cotisations sociales qui seront remplacées par des allocations chômage, des centaines de petites entreprises vont mettre la clef sous la porte laissant quelques millions d’euros d’ardoises, des millions d’euros de TVA et d’impôts ne seront pas recouverts. Mais tout cela n’a aucune importance, n’est ce pas, « au niveau des symboles », une « niche fiscale » aura été détruite et des « riches » donneront leur argent à l’État plutôt que de participer à l’effort collectif visant à résorber une partie du déficit de logements.
Nous avons déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de critiquer vivement cette logique étatiste de régulation par le pouvoir central du marché du logement. Cela n’a jamais fonctionné. Jamais. En aucun lieu géographique, à aucune époque. À chaque fois, cette politique a conduit soit à la paupérisation, soit à la fracture sociale. La paupérisation lorsque l’État, par une politique coercitive, comme ce que nous connaissons actuellement, décourage les investisseurs et ne supplée pas par des investissements massifs. Alors, le parc de logements stagne quand la population croît, le parc de logements vieillit et se dégrade, le nombre d’exclus qui se tournent vers des solutions précaires augmente considérablement. La fracture sociale est une conséquence de la politique dirigiste appliquée dans un contexte de relative prospérité. L’État se met à construire à tout va, il pallie la carence d’investisseurs privés. Alors la part de population qui vit dans des HLM s’accroît considérablement. Le parc de logement se fracture en logements très haut de gamme réservés à de hauts revenus ou à des personnes logées par leur employeur et des logements HLM pour le reste de la population. Le niveau intermédiaire disparaît.En guise de conclusion, je citerai cette phrase célèbre d’un économiste suédois, Assar Lindbeck, qui, dans son ouvrage A study of the price system in the housing market (toujours pas traduit depuis 1963…) a cette phrase demeurée célèbre : « le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace de détruire une ville, avec le bombardement ».