Vous possédez quelques dizaines ou centaines ou millions d’euros sur un compte bancaire, par exemple en France, ou en Belgique. Depuis trois ans, la mort de l’euro est régulièrement annoncée ; il serait peu rationnel de ne pas s’en soucier.
Par Drieu Godefridi.
Publié en collaboration avec l’Institut Turgot.
Commencer par se détourner des sentencieux donneurs de leçons qui pontifient sur le mode de leurs certitudes. Prétendre à la certitude dans le domaine économique et financier, plus généralement dans toute matière qui relève du facteur humain, relève de l’imposture. Il n’existe pas plus de lois financières — au sens que le terme de « loi » revêt dans le champ des sciences exactes — qu’il n’en existe dans le domaine économique ou historique.
Je ne traiterai ici que de l’un des placements possibles (le seul sur lequel je possède quelques lumières empiriques, confessons-le), celui des monnaies ; cela dans une optique défensive et non de pure spéculation — on me reprochera cette distinction, je la maintiens, car elle me paraît fondée sur le plan des intentions comme de leur matérialisation, mais remettons ce débat conceptuel à plus tard.
Idéalement, un placement monétaire défensif — ou « de couverture » — se situe au confluent de deux lignes de réflexion. Par exemple, il y a six mois le financier Charles Gave recommandait un placement dans l’une des couronnes scandinaves, au motif que l’euro lui paraissait condamné et qu’il lui semblait rationnel de chercher un havre de sécurité (une seule ligne d’argumentation). Six mois plus tard, ce placement ne vous aura quasiment rien rapporté.
Pour ma part, j’avais recommandé un placement dans la monnaie chinoise (le yuan, ou renminbi, CNY). Pourquoi ? En raison, d’une part, des difficultés de l’euro (première ligne d’argument), mais également de la sous-évaluation du yuan, combinée à la volonté des autorités chinoises d’internationaliser progressivement leur monnaie (seconde ligne d’argument). Six mois plus tard, ce placement vous aura rapporté 15%. Si vous avez placé 100.000 euros, vous en récupérez 115.000. Pas mal pour un placement défensif !
Dans la période troublée que nous connaissons, un placement monétaire défensif me semble devoir répondre aux impératifs suivants :
1. Nourissez-vous des analyses de la presse spécialisée, mais ne vous y limitez pas ; remontez aussi « haut » que possible, à la source des informations économiques et financières fondamentales ;
2. Comprenez qu’il n’est nul besoin d’être un insider pour effectuer un placement intelligent ; les informations publiques y suffisent amplement, mais il faut prendre le temps d’aller les récolter ;
3. Intégrez ces données dans une compréhension d’ensemble et des flux qui vous soit propre ;
4. N’agissez que lorsque vous identifiez un placement possible qui se situe au confluent d’au moins deux lignes d’argumentation ;
5. Distinguez le risque bancaire et le risque monétaire : un bon placement monétaire dans une banque défaillante ne vous rapportera pas grand-chose ;
6. Fixez par avance un seuil au-delà duquel la vente se réalisera de façon automatique, ce qui vous épargnera tout à la fois de suivre les cours heure par heure (!) et la tentation de maximiser à l’extrême votre profit.
Rationalité, honnêteté, long terme : tel est le fameux triptyque de Warren Buffett. Ajoutons-y l’humilité pour ceux qui, à l’inverse de Buffett et tels que moi, n’ont aucun génie particulier dans le domaine des chiffres.
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