L’Institut Coppet propose pour la première fois en ligne et gratuitement le recueil d’articles de Michaël Polanyi, La Logique de la liberté. Dans cet ouvrage, le scientifique hongro-britannique livre une défense de la liberté, en s’appuyant en particulier sur le concept de polycentricité.
Par Romain Hery.
Article publié en collaboration avec l’Institut Coppet.
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Michaël Polanyi (1891-1976) est un chimiste, installé en Grande Bretagne à la suite de la disparition de l’empire austro-hongrois. Le fait de voir sa terre natale aux mains du totalitarisme, et la passion anglaise pour le collectivisme montée petit à petit, le poussa dans les sciences sociales et politiques. Ce recueil d’articles est à ce jour le seul ouvrage de M.Polanyi traduit en français.
Avant propos :
Les textes que voici ont été écrits au long de ces huit dernières années. Ils témoignent des efforts répétés et systématiques que j’ai dû faire pour exposer clairement les arguments en faveur de la liberté, mise en cause de multiples manières en cette période troublée de l’histoire. L’un après l’autre, chaque aspect de la liberté a été réexamine dans ces textes à mesure que sa vulnérabilité devenait manifeste. Cette dialectique a porté sur un vaste ensemble de sujets significatifs et je crois qu’elle aura permis de susciter quelques réponses valides, qui ont subi l’épreuve du feu. J’ai bien pensé à refondre tous ces éléments et à les couler dans le moule d’un système synthétique, mais cette entreprise semble prématurée. Elle ne pourra être tentée tant que n’auront pas été établis, pour la défense de nos convictions, de meilleurs fondements que ceux dont nous disposons aujourd’hui.
Mais j’espère que ce recueil pourra fournir quelques éléments pour une future doctrine cohérente, puisque s’y exprime, tout au long, une même ligne de pensée. Je prends au sérieux ici, plus qu’on ne l’a fait dans le passé, les croyances implicites (fiduciary présuppositions) de la science; c’est-à-dire le fait que, lorsque nous découvrons la connaissance scientifique et l’estimons vraie, nous assumons certaines croyances qu’en ce qui nous concerne nous partageons, mais que d’autres que nous peuvent refuser. La liberté en science n’est en ce sens pas autre chose que la loi naturelle d’une communauté assumant certaines
valeurs; on peut dire la même chose par analogie, semble-t-il, d’autres types de liberté intellectuelle. Dans cette logique, la liberté de penser n’est justifiée en général que pour ceux qui croient dans le pouvoir de la pensée et se sentent tenus de cultiver les choses de l’esprit. Dès lors qu’on assume de telles croyances et de telles obligations, on doit attacher un grand prix à la liberté, mais celle-ci n’est pas première dans la démarche.
En ce qui concerne la liberté économique, je la considère comme une technique sociale bien adaptée, et même indispensable, pour la gestion d’une certaine forme de production. Il est vrai que nous sommes profondément impliqués dans cette forme de production aujourd’hui, mais il pourrait bien se faire que d’autres possibilités se fassent jour dans l’avenir avec de forts arguments en leur faveur. La liberté de l’individu de faire ce qui lui plaît, pourvu qu’il respecte le droit de ses semblables à agir de même, ne joue qu’un rôle mineur dans la présente théorie de la liberté. L’individualisme privé n’est pas un pilier important de la liberté publique. Une société libre n’est pas une Société ouverte, mais une société pleinement engagée dans un certain ensemble de croyances.
Il y a un lien entre mon insistance sur la reconnaissance des présupposés implicites de la science et de la pensée en général, et mon rejet des formulations individualistes de la liberté. Ces formulations ne pouvaient être défendues que dans l’innocence du rationalisme du XVIIIe siècle, avec son usage ingénu de l’évidence et ses vérités scientifiques inébranlables. La liberté moderne, qui est confrontée à une critique sans merci de ses présupposés implicites, devra être pensée en termes plus positifs. Les arguments en sa faveur doivent être très précisément identifiés et en même temps aiguisés si l’on veut qu’ils puissent servir pour sa défense face à de nouveaux adversaires, incomparablement plus redoutables que ceux contre qui la liberté a conquis ses
premières victoires dans les siècles plus raffinés de l’Europe moderne. Je crois qu’on ne peut manier ces vastes questions avec détachement et que leur traitement requiert la participation entière de l’auteur aux sujets en cause. J’ai donc inclus ici quelques interventions faites dans un contexte polémique.
Table des matières
INTRODUCTION DE PHILIPPE NEMO
Avant-propos,
PREMIÈRE PARTIE
L’exemple de la science
1. Ce que la science pure a à dire à la société
2. La science repose sur des croyances
3. Les fondements de la liberté académique
4. L’autonomie de la science
5. Science et utilité
6. La planification de la science
DEUXIÈME PARTIE
Autres exemples
7. Les dangers de l’incohérence
8. La portée de la gestion centralisée
9. Profits et polycentricité
10. La faisabilité des tâches sociales
INDEX
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On pourra aussi lire la présentation sur Wikibéral de La Logique de la liberté, ainsi que celle de Michaël Polanyi.
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